“Notre résistance est un phare d’espoir pour tous les peuples opprimés du monde.”
“Tant que l’impérialisme existe en ce monde, une paix permanente est impossible.”
~ Hassan Nasrallah ~
Cet article que nous avons traduit d’Al Mayadeen (Liban) est doublement intéressant : par la teneur et le parallèle établi, mais aussi en considérant notre étude des similitudes entre le Hezbollah, ses actions pratiques, certaines de ses théories et la pratique et théorie anarchiste spécifiquement en rapport avec l’expérience de Gustav Landauer. Nous avons mis le PDF de notre étude en lecture complémentaire sous l’article.
Voilà ce qui terrifie le système, que des passerelles soient jetées entre les différents mouvements menant à une unification des résistances à l’oppression généralisée dont les peuples, partout, sont victimes. Il est bien évident que bien plus nous rassemble qui ne nous sépare. Notre but depuis quelques temps à Résistance 71, est de faire prendre conscience que de telles passerelles sont non seulement réelles, mais qu’elles sont désirables et attendues. Cela constitue notre devenir, notre histoire en marche afin d’émanciper l’humanité de la pourriture corruptrice et criminelle étatico-marchande.
Concernant Hassan Nasrallah, celui-ci a grandi dans ce qui était le fief marxo-communiste du Liban.
C’est unis que nous vaincrons et c’est ça que le système ne peut tolérer et qui le terrorise ! Faisons donc sauter les verrous de la division factice entretenue artificiellement pour mieux nous dominer et nous asservir…
Résistants de tous les pays, unissons-nous contre l’État, contre la marchandise, contre l’argent et contre le salariat, outils de notre mise en esclavage perpétuel !
~ Résistance 71 ~
Quand la religion rencontre le socialisme :
l’héritage politique de Hassan Nasrallah
Comment deux parallèles, l’idéologie marxiste et l’islam convergent en la personne de Sayyed Hassan Nasrallah
Par Qamar Thaleb
Url de l’article original :
~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~
Sous la bienveillance de Sayyed Abbas al-Moussaoui, S. Hassan Nasrallah est rapidement devenu un de ses plus proches lieutenants. Il joua un rôle central dans la création de l’infrastructure religieuse et éducative du Hezbollah, incluant ses écoles, ses programmes culturels, tout en recevant également un entrainement militaire et organisationnel stratégique.
Bien que le Hezbollah et les partis marxistes-léninistes viennent de deux traditions idéologiques bien différentes, leurs modèles organisationnels partagent quelques similitudes assez étonnantes. Tous deux insistent sur l’intégration de la lutte politique et militaire, avec des branches armées subordonnées à un leadership central : dans la théorie léniniste, le Comité Central, chez le Hezbollah le Conseil de la Choura. Tous deux se fient à des structures cellulaires connectant les cadres aux communautés locales, s’assurant que le mouvement demeure imbriqué dans les vies des gens du quotidien, plutôt que de fonctionner comme une élite totalement détachée.
La discipline est maintenue par une forme de centralisme démocratique : le débat interne est autorisé, mais une fois une décision prise, une action unifiée est attendue. Au-delà du cœur politico-militaire, les deux traditions donnent la priorité à la construction d’institutions parallèles, éducatives, culturelles, et de sécurité sociale afin de consolider une influence sur le long terme.
NdR71 : Nous pensons plutôt que c’est parce que le Hezbollah a créé ces services sociaux, éducatifs et culturels, se suppléant à l’état libanais défaillant et donc par nécessité, que son influence s’est assurée sur le long terme. L’auteur semble vouloir dire que les services mis en place ne le sont que pour des gains politiques, des outils de contrôle. Il n’en est rien. Le Hezbollah a créé ces services pour satisfaire des besoins immédiats du peuple, il voit des besoins, il les satisfait dans la mesure de ses capacités. Leurs services sociaux et médicaux ne sont pas réservés qu’aux musulmans chiites. Tout le monde peut en profiter, simplement les non-chiites paient les services au prix coûtant, alors qu’ils sont gratuits pour les chiites. Il n’y a aucun calcul politique dans ces structures, elles sont le fruit de la nécessité issue d’un état défaillant, suppléé par une fraction du peuple organisé ; la conséquence, le résultat, en est une confiance et une reconnaissance affirmée et consolidée toutes confessions confondues…
Comme l’argumente le philosophe et politicien marxiste italien Antonio Francesco Gramsci, un mouvement révolutionnaire doit façonner le société civile par les écoles, les syndicats, les programmes culturels. C’est ce qu’a précisément fait le Hezbollah en établissant tout un réseau social de dispensaires, d’hôpitaux, d’écoles, de médias et d’initiatives de reconstruction. Ces institutions servent la population de la communauté chiite tout en demeurent inclusive de toute la population libanaise, intégrant le religieux dans le service social. La grande différence réside dans l’idéologie : les partis marxistes-léninistes sont enracinés dans la lutte de classe, tandis que e Hezbollah fonde sa légitimité sur des principes religieux et le devoir de résistance. Pourtant, en pratique, tous deux créent un mouvement multi-facettes discipliné capable de fournir protection, gouvernance et soutien social.
En 1987, Sayyed Hassan Nasrallah fut nommé à la tête des opérations du Hezbollah à Beyrouth, position hautement sensible. Il étendit le soutien du parti au sein de la communauté chiite dans la banlieue sud (Dahieh) combinant l’expertise organisationnelle avec la légitimité religieuse afin de renforcer à la fois les efforts militaire et politique. Après l’assassinat de S. Abbas al-Moussaoui en 1992, S. Hassan Nasrallah devint le SG du Hezbollah, guidant son évolution avec une vision claire de discipline, de stratégie et de leadership moral.
En pratique
Sous le leadership de S. Hassan Nasrallah, la structure du Hezbollah a évolué en un modèle hybride :
- Le Conseil de la Choura (Majlis al-Shura), le corps suprême d’organisation fusionnant des figures ecclésiastiques et militaires.
- Les bras exécutifs : militaire, politique et les ailes des services sociaux, incluant l’éducation, la santé et la reconstruction.
Hassan Nasrallah a aidé le Hezbollah à grandir en un mouvement ayant une très forte base sociale et une vision idéologique claire. Cette structure reflète la logique organisationnelle des premiers partis révolutionnaires marxistes, comme celui fondé par Lénine en Russie.
Le modèle russe combinait un corps de leadership central, le Comité Central ou Politburo, une branche armée, l’Armée Rouge et un engagement politique au travers de l’organisation de masse et cellules locales dans les voisinages et lieux de travail. Ceci incluait aussi des institutions éducatives et sociales pour sécuriser le soutien populaire.
NdR71 : la très grande différence est que l’URSS de Lénine et de Trotsky gérait le peuple aussi par la terreur, chaque cellule locale avait ses “commissaires politiques” et son organe de répression Tchéka / GPU et le NKVD dans l’armée. Le but du Hezbollah n’est pas de diriger le Liban sous une idéologie répressive. Le Hezbollah existe parce que c’est le mouvement de résistance au sionisme impérialiste régional nécessaire d’abord pour empêcher le Liban d’être annexé par l’entité sioniste soutenue par l’empire anglo-américain. Le Hezbollah palie à certaines déficiences de l’état libanais affaibli à dessein. Les Bolchéviques massacraient tout ce qui n’était pas de leur bord, rien de cela avec le Hezbollah, qui est fondé sur la compassion et l’entraide.
Le Hezbollah de Hassan Nasrallah reflète une logique similaire : le Conseil de la Choura fonctionne comme un Comité Central, fusionnant l’autorité religieuse et militaire. Ses bras exécutifs combinent la résistance armée, l’engagement politique et les services sociaux, incluant écoles, dispensaires, hôpitaux et initiatives de reconstruction. Le Hezbollah a construit une très forte base idéologique sociale (NdT : toutes confessions confondues) tout en maintenant son identité religieuse.
Et en théorie…
Nous avons vu comment fonctionne en pratique la structure du Hezbollah dans le service de la communauté (au sens large), nous pouvons maintenant explorer les principes théoriques qui reflètent et façonnent cette approche. En examinant les idées clef des révolutionnaires de gauche, nous pouvons mieux comprendre les similarités derrière l’organisation et sa stratégie d’imbriquer la résistance dans la société.
Lénine :
Dans son “Que faire ?”, Lénine argumente qu’un parti révolutionnaire doit combiner la lutte armée avec le leadership politique. La branche armée n’est jamais indépendante, mais toujours subordonnée à la ligne politique et doit rendre compte aux masses.
De manière similaire, avec Hassan Nasrallah, la branche armée de résistance du Hezbollah est disciplinée, dirigée par le Conseil de la Choura et est justifiée en termes de protection du peuple et de libération des terres occupées.
Mao :
Mao Zedong insista sur le fait que les forces de guérilla sont inséparables de la “mer du peuple” qui les soutient. La population fournit de la nourriture, des abris, de la légitimité et des recrues, sans cette connexion, la lutte armée ne peut pas survivre. (NdT : c’est ce que Che n’a pas bien compris en Bolivie, ce qui le mena à sa perte.)
La branche armée du Hezbollah est en réalité, le peuple de la communauté. (NdT : ce que nous appelons “le peuple en arme”, résistant et salvateur). Les combattants sont la population locale, alors que le peuple bénéficie d’éducation, de soins médicaux, de services sociaux multiples et d’un programme de reconstruction. Ce reflète le principe de Mao disant que l’action militaire est inséparable de la mobilisation de masse. (NdT : pour ce faire, il faut une haute conscience morale et politique et un sens du sacrifice, ce que tous les membres du Hezbollah possèdent…)
La théorie gramscienne de l’hégémonie :
Gramsci argumentait que le succès révolutionnaire dépend non seulement de la force militaire mais aussi et surtout de son leadership culturel et social : une “guerre de position” dans les institutions est aussi importante que la confrontation directe.
Au-delà de la résistance armée, le Hezbollah a construit des écoles, des hôpitaux, des comités de reconstruction et un réseau médiatique (NdT : dont le fer de lance est la chaîne de télévision et organe de presse Al Manar, “Le Phare” en arabe). Ceci est une approche gramscienne : gagner les cœurs et les esprits, façonner la société civile et cultiver une large influence idéologique.
Che Guevara et la morale révolutionnaire
Ernesto Che Guevara insistait sur ce que les révolutionnaires devaient personnaliser la légitimité morale et vivre parmi le peuple, gagnant en autorité par l’exemple et non pas par le seul commandement coercitif.
S. Hassan Nasrallah fut un miroir de cette éthique de par son style de vie très modeste, de ses sacrifices personnels et par la manière dot il partageait toute perte avec la communauté, incluant le martyr de son fils aîné, Hadi, en 1997. Le leadership de Nasrallah démontre une crédibilité morale hors pair, alignant sa vie privée sur des principes publics, renforçant ainsi la confiance et la loyauté que les gens voulaient lui décerner.
Même dans la vie quotidienne, S. Nasrallah projetait une image de modestie, évitant toute démonstration de pouvoir et insistait sur une gouvernance éthique et un devoir religieux. Cette moralité pratique, visible et palpable renforce à la fois l’influence sociale du Hezbollah et sa légitimité révolutionnaire.
Au-delà de la résistance
Le génie de S. Hassan Nasrallah s’étendait bien au-delà de la construction institutionnelle ; il cadra la mission du Hezbollah en utilisant un langage qui fusionnait la morale islamique et la justice sociale. Dans ses discours, des concepts comme le djihad ou la résistance ne sont pas limités à des luttes armées, mais comprennent la défense des pauvres, l’octroi d’une éducation et de soins médicaux et le combat contre la corruption. Ce faisant, le bien-être social devient un acte de foi et la résistance contre l’oppression prend une dimension sacrée.
Pour Hassan Nasrallah, la domination étrangère [du Liban], n’était pas seulement une violation de la souveraineté du pays, mais aussi un système qui renforçait la pauvreté, l’inégalité et la corruption. L’influence occidentale et israélienne était présentée comme une partie d’une structure plus large d’exploitation économique et d’abandon des Libanais du quotidien. Il argumentait de manière consistante sur le fait que confronter ces forces était à la fois une nécessité politique mais aussi un devoir moral et religieux.
Il cadrait la lutte contre la corruption en termes moraux. Par exemple, dans un discours pour les Martyrs fait en 2019, il défia les enquêteurs judiciaires de commencer des efforts anti-corruption avec le Hezbollah lui-même, disant que s’il y avait un cas de corruption, d’une personne au sein du Hezbollah, le gouvernement devait aller de l’avant et “commencez avec nous, commencez avec nous !”
Cette déclaration situe la responsabilité sociale et politique au sein de l’éthique religieuse, insistant sur une prise de responsabilité du haut vers le bas. S. Nasrallah relie également la corruption domestique et étrangère à une gangrène morale qui minimise la fondation spirituelle de la société, faisant de la reconstruction, des avancées sociales et de l’éducation des composants essentiels de la résistance.
Par ces efforts, les projets sociaux du Hezbollah, ses écoles, ses cliniques, ses hôpitaux et ses initiatives de reconstruction ne sont en rien cadrés comme de la charité ou des faveurs politiques, mais comme des devoirs du juste. En liant étroitement la résistance et l’aspect social, S. Nasrallah élève la provision sociale au niveau d’une obligation morale et religieuse, fusionnant ainsi les principes de l’Islam avec les buts de la justice sociale.
Même durant l’effondrement économique du Liban depuis 2019, lorsque les institutions de l’état se liquéfièrent, les banques gelèrent et la monnaie s’effondra, les services sociaux du Hezbollah, incluant la distribution de nourriture, les importations de carburants et de fuel domestique et le système de santé, continuèrent d’opérer. Le leadership de S. Hassan assura que ces initiatives furent guidées par un sens de devoir moral et de légitimité religieuse, fournissant à la population entière une stabilité et un espoir face à l’échec systémique total.
Par essence, l’approche de S. Hassan Nasrallah transforme le support social quotidien en actions de foi et de résistance, démontrant que ces principes de l’Islam et de la justice sociale peuvent être fusionnés afin de protéger, d’éduquer et de donner du pouvoir aux communautés.
Principes religieux, parallèles socialistes
Au cœur même de la vision du monde de Hassan Nasrallah se situent des principes islamiques clef qui résonnent fortement d’éthique socialiste. Il intègre constamment ces valeurs à la fois dans ses sermons et dans les institutions sociales du Hezbollah, assurant que la moralité religieuse se traduise en des actions tangibles pour la justice et le bien commun.
Justice (al-ʿAdl)
Dans la pensée chiite, ‘adj (la justice) est un pilier fondamental de la foi, signifiant équité dans les relations sociales responsabilité devant dieu. S. Hassan connecte constamment la justice aux réalités socio-économiques, qui aujourd’hui négligent les pauvres ou tolèrent la corruption, ceci étant vu comme une violation de la loi divine. Cette perspective est en parallèle de l’emphase du socialisme sur la fin de l’exploitation et la promotion de l’égalité.
Solidarité (al-Taʿāwun)
L’injonction coranique “taʿāwanū ʿalā al-birr wa al-taqwā” (“coopérer dans la droiture et la piété”) souligne la focalisation du Hezbollah sur le bien être, le bien communs. S. Nasrallah cadre la solidarité comme étant aussi essentielle que la résistance : les écoles, dispensaires, hôpitaux et efforts de reconstruction sont des actes de taʿāwun, s’alignant étroitement avec les principes du socialisme de l’entraide et de la responsabilité collective (NdT : qu’on retrouve bien entendu ces les anarchistes…)
Lutte contre l’oppression (al-Jihād ḍidd al-ẓulm)
Pour S. Hassan Nasrallah, le djihad s’étend au-delà de la guerre pour inclure la résistance à l’injustice sociale. L’oppression (zulm) inclut la domination impérialiste, la corruption et la pauvreté. En redéfinissant le djihad de cette façon, il relie le devoir religieux à un combat contre l’exploitation d’inspiration socialiste.
L’obligation communale (al-Farḍ al-Kifāya)
La jurisprudence chiite reconnaît farḍ kifāya,, le devoir communal accompli lorsque quelques membres de la société agissent pour le bien de tous. Le système social du Hezbollah incarne profondément ce principe : en fournissant des services de santé, de logement, d’éducation, le mouvement remplit des obligations qui sont totalement négligées par l’état. Ceci reflète la responsabilité du socialisme pour la provision du bien public collectif.
Les pratiques islamiques renforcent plus avant la redistribution et la responsabilité sociale :
- Le Zakat, obole obligatoire représentant 2,5% de la fortune de chacun est en parallèle de l’impôt de redistribution.
- Khums ou 1/5 des revenus, partiellement redirigés aux représentants religieux, finance le système social, l’éducation et l’aide aux pauvres.
- Waqf, dons pour les projets sociaux qui sert de forme de propriété communale
- Interdiction de l’usure, Ribā, comme critique de pratiques économique exploiteuses.
Des penseurs comme Ali Shariati connecte de manière explicite l’Islam et le Socialisme, montrant que la foi et la justice sociale ne sont en rien incompatibles mais se renforcent mutuellement.
Par ces principes, S. Hassan Nasrallah transforme les institutions du Hezbollah en des mécanismes à la fois spirituels et de justice sociale, assurant que le devoir religieux et le bien-être de la communauté marchent main dans la main.

Les corps tombent mais les idées perdurent
L’an dernier, le 27 septembre 2024, Le Hezbollah annonça le martyr de Sayyed Hassan Nasrallah. Pour bon nombre de Libanais et de révolutionnaires dans le monde (NdT : nous, ici, inclus), il était comme un père, un mentor et une grande source d’espoir et de foi. Son héritage démontre que deux choses parallèles apparemment séparées, religion et socialisme, peuvent, en fait, converger et fleurir sous un bon leadership de principe et de devoir. Comme l’a si bien dit Ghassan Kanafani (Les corps tombent, mais les idées perdurent” et S. Nasrallah a dit quelque chose de similaire en bien des occasions, insistant sur le fait que la Résistance continuera malgré la perte de ses leaders.
Et maintenant, alors que la nation a perdu un des ses leaders les plus importants, l’influence de S. Hassan Nasrallah continuera d’inspirer et de guider bien nombre, prouvant une fois de plus que si le corps est fragile et tombe l’essence d’une vision endure et persiste. Par dessus tout, il personnalisera toujours comment deux parallèles peuvent se rencontrer.
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“Nous croyons en un monde libre et paisible, libéré de l’oppression.”
“Il est de notre devoir de soutenir tous ceux qui combattent et résistent le colonialisme et l’impérialisme.”
~ Hassan Nasrallah ~
Transmis par Amar Djerrad