Rapport du CPI
Centre palestinien d’information
Le discours prononcé par le président de l’« Autorité » palestinienne Mahmoud Abbas devant la conférence sur la solution à deux États a suscité une vive polémique en raison de messages jugés choquants par beaucoup, allant des félicitations adressées à l’occupant à l’occasion de ses fêtes alors qu’il mène une guerre d’extermination contre le peuple palestinien, à l’attaque contre la résistance et au refus de l’associer à la décision politique. À un moment où les Palestiniens vivent l’un des moments les plus difficiles de leur histoire, le discours était chargé de messages controversés au lieu d’être une voix exprimant la douleur et la résilience des victimes, ce qui a soulevé des questions fondamentales sur la position de la direction de la prétendue Autorité à ce moment décisive de l’histoire nationale.
La crise du discours politique de l’« autorité » palestinienne
Le discours d’Abbas n’est pas venu de nulle part, mais s’inscrit dans la continuité d’une ligne politique qui a toujours misé sur les négociations et les promesses internationales en échange de concessions continues, proches du chantage politique imposé par la force. De Madrid à Oslo et au-delà, l’occupant a continué de refuser de se conformer à toute décision de la communauté internationale et a profité de chaque cycle de négociations pour consolider la colonisation et imposer de nouvelles réalités sur le terrain.
Dans ce contexte, miser sur la voie des négociations et faire des concessions liées aux principes fondamentaux et aux droits inaliénables, tout en reconnaissant le droit de l’entité sioniste à exister et à coexister, sans aucune remise en cause de ses crimes, revient à renoncer aux principes nationaux forgés par le sang des martyrs et la souffrance des prisonniers.

La négligence des principes fondamentaux ne s’est pas limitée aux mots du discours, mais a été précédé d’une longue série de politiques qui ont déclenché une vague de colère populaire, notamment l’engagement dans la coordination sécuritaire dans les circonstances les plus sombres, la suppression des salaires des familles des martyrs et des prisonniers, et l’orientation vers des changements dans les programmes éducatifs qui s’alignent clairement sur les exigences sionistes. La réaction populaire au discours n’a donc pas été une simple critique passagère, mais l’expression d’une perte de confiance dans une politique qui semblait incapable de protéger l’identité nationale ou de représenter les aspirations du peuple.
Division et perte de légitimité
L’une des conséquences les plus marquantes du discours d’Abbas est qu’il est intervenu à un moment où les milieux populaires et politiques s’accordaient sur la nécessité de l’unité, mais qu’il a choisi d’attaquer la résistance et de l’exclure de la scène. Cette position a ouvert la voie à de nombreuses questions sur la position du pouvoir officiel et sa capacité à représenter les différentes forces et courants palestiniens. Depuis sa création, la résistance palestinienne a prouvé, malgré le blocus, la destruction et les coûts difficiles et cruels, qu’elle était capable de remettre la cause palestinienne sur le devant de la scène internationale, tandis que le discours officiel restait dans le cercle vicieux de la répétition et du pari sur des promesses qui ne se concrétisaient pas sur le terrain.

Alors que certains partisans d’Abbas et son « autorité » voient dans son discours une tentative de s’en tenir à une voie politique, quel qu’en soit l’horizon, qui évite aux Palestiniens le coût d’un conflit continu, les élites palestiniennes s’accordent sur l’absurdité de cette voie compte tenu des agissements de l’occupation génocidaires sur le terrain, tant dans la bande de Gaza qu’en Cisjordanie, y compris son regard sur l’Autorité et ses dirigeants malgré toutes les concessions importantes qu’elle a faites. La majorité s’accorde donc à dire que l’orientation proposée par Abbas représente une capitulation, voire une assimilation à l’occupation, qui prive la cause de ses éléments de force et la rend captive et otage de la volonté et des ambitions de l’occupant.
Le fossé entre les dirigeants et le peuple palestinien n’est pas nouveau, mais il s’est considérablement creusé dans le contexte du génocide en cours dans la bande de Gaza et de l’expansion des colonies en Cisjordanie. Au lieu d’être l’occasion de rétablir la confiance et de renforcer l’unité interne, le discours d’Abbas semblait consacrer la division sur laquelle mise l’occupant lui-même. Au moment même où les Palestiniens réclament un leadership unifié à l’écoute du peuple, le discours officiel persiste à aller dans la direction opposée.
Le monde bouge… les « dirigeants » restent soumis
« 86 % de toutes les manifestations liées à la guerre à Gaza étaient en faveur de la Palestine.«

Au niveau international, la cause palestinienne connaît un élan exceptionnel. Le nombre de pays qui reconnaissent officiellement l’État de Palestine est passé à 156 sur les 193 membres de l’ONU, parmi lesquels de grands pays occidentaux comme la Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie, la France et la Belgique, ce qui représente un changement radical dans la position internationale. De même, les manifestations et les protestations mondiales se poursuivent à un rythme sans précédent, les données de l’ACLED (Armed Conflict Location and Event Data Project) montrant que 86 % de toutes les manifestations liées à la guerre à Gaza étaient en faveur de la Palestine.
Mais ces changements n’ont pas trouvé d’écho dans le discours d’Abbas, qui semblait fermer les yeux sur les avancées les plus importantes de la cause palestinienne depuis des décennies, fruits des sacrifices considérables de notre peuple et de son héroïque résistance. Alors que le monde cherche à isoler l’entité génocidaire sur les plans moral et politique, le discours de Abbas s’apparentait davantage à un message d’apaisement et de soumission à l’occupation qu’à une volonté de tirer parti de ce moment exceptionnel dans l’intérêt du peuple palestinien.
La dimension humaine et morale
Le discours d’Abbas ne peut être lu indépendamment de la dimension humaine que représente la situation palestinienne actuelle. Le nombre de martyrs a dépassé les 65 000 Palestiniens depuis le début de l’agression, la plupart étant des civils, ce qui reflète l’ampleur de la catastrophe humanitaire que vit la bande de Gaza.

Dans un tel contexte, féliciter l’occupant pour ses fêtes relève davantage d’une faute morale et d’une soumission inouïe que d’une erreur politique. L’histoire retient les positions et non les paroles, et les peuples se souviennent de ceux qui se sont battus pour eux et non de ceux qui ont négocié leur sang. La dimension symbolique du discours prend alors une importance redoublée, car les Palestiniens vivent un moment décisif qui pourrait redéfinir la conscience des générations futures : soit un discours qui unifie la conscience nationale et remonte le moral, soit un discours qui ajoute à la frustration et renforce la division.
Scénarios pour l’avenir
La question palestinienne semble aujourd’hui à la croisée des chemins, avec deux options possibles. La première consiste à formuler un discours national fédérateur qui allie toutes les formes légitimes de résistance à une diplomatie fondée sur les droits humains, afin de tirer parti du soutien international croissant et de le transformer en pression politique et juridique sur l’occupant. La seconde option consiste à poursuivre la voie de l’isolement et des compromis stériles, ce qui signifie davantage de divisions internes et la perte des opportunités historiques offertes par le contexte international.
La situation actuelle impose de reconsidérer l’option de la résistance comme un levier politique incontournable et de la traiter comme une source de force et non comme un fardeau. Sans cet équilibre, aucun sommet international ni aucune reconnaissance de l’ONU n’ont de valeur, car le véritable garant de la survie de la Palestine sur la carte est la résistance et les sacrifices de son peuple.
Une responsabilité devant l’histoire
Le dernier discours d’Abbas n’était pas une simple étape, mais a reposé une question plus profonde : quel projet national l’Autorité souhaite-t-elle représenter ? Entre la complaisance envers le meurtrier et la voix de la victime, les contours de l’avenir se dessinent. Et cette direction doit comprendre que l’histoire n’attend pas les indécis ; soit elle saisit l’instant présent comme une opportunité pour l’unité nationale et la résistance soutenue par une dynamique mondiale, soit elle le laisse passer et la Palestine retombera dans le tourbillon des concessions et des déceptions.
Source : CPI
https://french.palinfo.com/…
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