Benjamin Nétanyahou à Chatham House en 2017 [Photo by Chatham House / Flickr / CC BY 2.0]

Par Kevin Reed

Mardi, lors d’une interview diffusée sur la chaîne de télévision israélienne i24, le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou a déclaré que son gouvernement «autorisait» les Palestiniens à quitter la bande de Gaza pendant l’offensive militaire imminente. L’offensive vise à forcer toute la population à quitter les zones les plus peuplées de la bande de Gaza, y compris la ville de Gaza, et à les repousser dans la zone proche de la frontière avec l’Égypte.

Nétanyahou a cyniquement présenté cela comme une offre de «migration volontaire». S’exprimant d’une manière qui sent la suprématie à plein nez, le premier ministre a déclaré :

Donnez-leur la possibilité de partir ! D’abord des zones de combat, mais aussi de la bande de Gaza s’ils le souhaitent. Nous ne les poussons pas à partir, mais nous leur donnons la possibilité de le faire.

Les paroles du dirigeant fasciste, prononcées dans le contexte des plans de l’armée israélienne pour le contrôle total et l’annexion de Gaza, faisaient partie d’une stratégie approuvée et soutenue par les puissances impérialistes sous la rubrique totalement mensongère du «choix» et de la préoccupation «humanitaire». Cependant, des masses de personnes au niveau international reconnaissent qu’il s’agit d’un euphémisme pour désigner un génocide, un nettoyage ethnique et un déplacement forcé à grande échelle.

La nouvelle phase de la campagne militaire israélienne à Gaza implique l’occupation de l’ensemble de la bande de Gaza et est considérée comme la phase «finale». Au début du mois, le cabinet de sécurité israélien a formellement approuvé un plan dirigé par Nétanyahou visant à occuper les zones de Gaza qu’ils ne contrôlent pas actuellement. La zone nord autour de la ville de Gaza est densément peuplée et, malgré les bombardements incessants, est considérée comme un élément clé des plans d’Israël pour un «contrôle total».

L’opération militaire vise à déplacer de force tous les Palestiniens – plus d’un million de personnes actuellement confinées en grande partie dans les parties centrale et occidentale de la ville de Gaza – vers des «villes humanitaires» désignées dans la région méridionale de Gaza. Ces zones de relocalisation, présentées par les responsables israéliens comme des «zones de sécurité», sont des camps de concentration où les Palestiniens seront surpeuplés, surveillés et contrôlés sans liberté de mouvement.

Des milliers de Palestiniens déplacés languissent déjà dans des tentes de fortune, des institutions publiques surpeuplées et des installations rudimentaires dépourvues de ressources essentielles tels que l’eau potable, une alimentation adéquate et des soins médicaux. La nouvelle phase de relocalisation forcée intensifiera la crise humanitaire et constitue une nouvelle tactique pour déraciner les Palestiniens de leurs maisons et territoires historiques avant leur expulsion définitive de Gaza.

Le fait qu’Israël planifie activement l’expulsion des Palestiniens de Gaza a été révélé par la divulgation d’accords de réinstallation en cours de discussion avec des pays tels que le Sud-Soudan. Selon de nombreux reportages citant des sources israéliennes et internationales, des responsables israéliens, dont Nétanyahou, discutent avec le gouvernement du Sud-Soudan de l’établissement de camps ou de «villes humanitaires» destinés à accueillir les Palestiniens une fois que les opérations militaires en cours à Gaza auront commencé.

Ces pourparlers, confirmés par des personnes au fait des négociations, s’inscrivent dans la stratégie israélienne plus large d’expulsions de masse vers des pays tels que le Sud-Soudan, le Soudan, la Somalie et l’État non reconnu du Somaliland.

Bien qu’il n’ait mentionné aucun pays dans ses commentaires de mardi, Nétanyahou a explicitement déclaré qu’il pensait que la «ligne de conduite appropriée» consistait à faciliter le départ de la population. Mardi également, le ministère des Affaires étrangères du Sud-Soudan a publié une déclaration dans laquelle il a catégoriquement nié l’existence de pourparlers officiels, qualifiant les informations correspondantes de «sans fondement et ne reflétant pas la politique publique».

Toutefois, de multiples sources, notamment des dirigeants de la société civile et des contacts diplomatiques, ont déclaré aux médias internationaux que des discussions avaient effectivement eu lieu et qu’une délégation israélienne devait se rendre prochainement au Sud-Soudan pour étudier les différentes possibilités.

L’objectif militaire, tel qu’il a été formulé récemment par le ministre des Finances Bezalel Smotrich, est de «détruire totalement» la bande de Gaza et de «faire place aux colons israéliens».

Les plans actuels rappellent les mesures utilisées par les terroristes sionistes lors de la Nakba de 1948, lorsque des milices ont lancé une violente campagne de nettoyage ethnique contre la population palestinienne autochtone. Au cours de cet épisode, environ 750 000 Palestiniens, soit plus de 80 % de la population de la région qui allait devenir Israël, ont été expulsés ou ont fui pour sauver leur vie.

La Nakba a entrainé la destruction de plus de 530 villages palestiniens et la mort de plus de 15 000 Palestiniens dans une série de massacres brutaux, de déplacements forcés et de tactiques comprenant des violences ciblées et des pillages généralisés perpétrés par des bandes armées sionistes. De nombreux Palestiniens ont fui sous la menace de la mort ou d’histoires d’horreur, comme le massacre de Deir Yassin le 9 avril 1948.

Les réfugiés se sont dispersés dans les pays voisins comme le Liban, la Syrie et la Jordanie, où beaucoup ont vécu dans des camps de réfugiés pendant des générations, ainsi que dans d’autres parties de la Palestine qui ont été occupées. Cette expulsion en 1948 a été activement favorisée par les puissances impérialistes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Les États-Unis, avec le soutien de la Grande-Bretagne et d’autres puissances occidentales, ont vu dans le sionisme un rempart pour leurs intérêts géopolitiques au Moyen-Orient après le découpage de la région à l’issue de la guerre mondiale. La création de l’État d’Israël en 1948, à la suite de la Nakba, a servi les visées de l’impérialisme en cimentant une relation avec un régime de colons qui pouvait contrôler les ressources critiques et les corridors stratégiques du Moyen-Orient.

Violation flagrante du droit international, la création de l’État israélien sur des territoires habités par des Palestiniens visait à renforcer l’hégémonie des États-Unis et de l’Occident en fragmentant le nationalisme arabe et en établissant un allié régional fiable. Ce fondement de la violence et de la dépossession en Palestine a préparé le terrain pour les décennies de brutalité, d’occupation et d’intervention impérialiste qui ont suivi.

Après la Nakba, les régions aujourd’hui connues sous le nom de territoires occupés – la bande de Gaza et la Cisjordanie – sont passées sous le contrôle de l’armée israélienne et des colons après la guerre des Six Jours de 1967, un événement charnière soutenu par les États-Unis. La bande de Gaza et la Cisjordanie, où vivent des millions de Palestiniens, ont été le théâtre d’une occupation militaire répétée et continue et d’une expansion incessante des colonies.

C’est contre cet héritage de brutalité et de violence qu’a eu lieu le soulèvement des Palestiniens le 7 octobre 2023. Cet événement, connu à l’avance par les services de renseignement israéliens et américains, a ensuite été utilisé par l’État sioniste et ses maîtres américains pour justifier le lancement du génocide qui culmine aujourd’hui avec le plan d’occupation et d’annexion totales de Gaza.

Depuis 1948, environ 134 000 Palestiniens ont été tués en Israël et dans les territoires occupés, comme l’indique le Bureau central palestinien des statistiques et d’autres sources. Ce chiffre inclut la mort de milliers de personnes lors de soulèvements, tels que la première et la deuxième Intifada, ainsi que lors des guerres lancées par Israël à Gaza et au Liban.

Depuis le 7 octobre 2023, au moins 61 700 Palestiniens ont été tués dans le massacre, dont des milliers de femmes et d’enfants, et plus de 154 000 ont été blessés. Ces chiffres continuent d’augmenter chaque jour en raison du siège, de la famine, des bombardements et des incursions militaires. Le nombre de morts par la faim s’élève à au moins 235, dont de nombreux enfants, tandis que plus de 1800 Palestiniens sont morts en tentant d’obtenir de l’aide depuis mai 2025.

En lien direct avec les derniers plans d’occupation de Gaza, Smotrich a annoncé son intention d’approuver la construction de plus de 3000 nouveaux logements israéliens en Cisjordanie. Smotrich a déclaré sans ambages que cette initiative «enterrait l’idée d’un État palestinien».

L’annonce de Smotrich démontre que l’expansion continue des colonies israéliennes illégales, tant en Cisjordanie qu’à Gaza, – considérée par la communauté internationale comme un crime et une violation des droits des Palestiniens – est essentielle pour l’avenir de l’État sioniste. Cela entrainera immédiatement une escalade des conflits en Cisjordanie et consolidera le régime d’apartheid appliqué par le gouvernement israélien et ses escadrons fascistes de colons.

En résumé, la déclaration de Nétanyahou sur le fait de «permettre» aux Palestiniens de quitter Gaza doit être comprise dans ce contexte historique et politique plus large. La prétendue «migration volontaire» fait partie d’un programme génocidaire de déplacement forcé visant à redessiner la réalité démographique et géographique de Gaza selon les desseins impérialistes israéliens et américains.

Il s’agit d’une continuation de la Nakba au 21e siècle. La militarisation de Gaza, les conditions d’incarcération des zones dites humanitaires, l’escalade du nombre de morts et l’expansion agressive des colonies font partie d’une politique qui vise à effacer les Palestiniens du monde.

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

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