Un Palestinien porte un enfant blessé après une frappe israélienne sur un immeuble résidentiel de la ville de Gaza, le vendredi 27 juin 2025. [AP Photo/Jehad Alshrafi]
Par Andre Damon
Au cours du dernier mois, les forces israéliennes ont ouvert le feu presque quotidiennement sur des demandeurs d’aide alimentaire qui viennent chercher de la nourriture auprès de la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF), l’organisation de distribution alimentaire soutenue par les États-Unis et Israël. Plus de 549 personnes ont été tuées et plus de 4 000 blessées à ce jour, lors de dix-neuf incidents distincts.
Dès le début, il était clair que le niveau des massacres quotidiens était le résultat d’une politique délibérée de tirer à balles réelles, avec des armes légères, des obus de chars et des mortiers, sur des foules de demandeurs d’aide, dans le but de transformer, dans le cadre du génocide en cours, les points de distribution de nourriture en champs d’extermination.
Vendredi, le journal israélien Haaretz a publié un reportage approfondi confirmant l’existence d’ordres commandant aux soldats israéliens de tirer sur les foules aux ponts de distribution. En interne, les massacres sont officiellement justifiés comme une forme de contrôle des foules, les soldats déplaçant les groupes de personnes non armées d’un endroit à l’autre en tirant sur eux.
Un soldat interrogé par Haaretz a déclaré que la surveillance de la distribution de nourriture par les forces israéliennes était appelée « Opération Poisson Salé », en référence à la version israélienne du jeu pour enfants « Feu rouge, feu vert ». Apparemment, ce nom est inspiré de la série télévisée coréenne Squid Game. Dans cette série fictive, les participants sont contraints de jouer au jeu pour enfants « Feu rouge, feu vert », ceux qui s’avancent avant le « feu vert » étant abattus à balles réelles.
Chaque jour, souvent tard le soir ou tôt le matin, des dizaines de milliers de personnes font la queue sur les sites de distribution du GHF pour recevoir de la nourriture, qui n’est disponible que pendant une heure, provoquant une ruée chaotique de personnes affamées.
Selon le reportage, il n’existe aucun moyen de contrôler la foule, hormis les balles réelles. Ceux qui tentent de ramasser de la nourriture, simplement abandonnée par terre, trop tôt ou trop tard sont abattus.
Un soldat interrogé par Haaretz déclare: «C’est un champ d’extermination.» Il ajoute: « Là où j’étais en poste, entre une et cinq personnes étaient tuées chaque jour. Ils sont traités comme des forces hostiles: pas de mesures de contrôle des foules, pas de gaz lacrymogènes, juste des tirs à balles réelles avec tout ce qu’il est possible d’imaginer: mitrailleuses lourdes, lance-grenades, mortiers. Puis, une fois le centre ouvert, les tirs cessent et ils savent qu’ils peuvent approcher. Notre moyen de communication, c’est la fusillade.»
Un autre soldat déclare: «Nous avons tiré avec des mitrailleuses depuis des chars et lancé des grenades.»
Nir Hasson, l’un des auteurs du reportage, a déclaré à Al Jazeera: «Il s’agit en fait d’une pratique consistant à […] contrôler la foule par des tirs, comme si vous vouliez que la foule s’enfuie d’un endroit, vous leur tirez dessus, même si vous savez qu’ils ne sont pas armés […] Vous utilisez les tirs pour déplacer les gens d’un point à l’autre ».
Autrement dit, tout dans le fonctionnement des sites de distribution alimentaire est calculé pour tuer des civils non armés, sous prétexte de leur apporter de l’aide. C’est comme si l’intrigue de Squid Game, présentée comme un sport sanglant horrifiant, destiné au divertissement des riches, était transformée en « opération humanitaire ».
Les révélations publiées par Haaretz confirment les avertissements lancés par toutes les principales agences humanitaires, comme les Nations Unies et Médecins sans frontières (MSF), que les «centres d’aide» ne sont qu’une partie intégrale de l’opération de nettoyage ethnique menée par Israël à Gaza.
Ces centres visent à concentrer la population au sud de l’enclave afin de faciliter son transfert vers des camps de concentration quadrillés par les troupes israéliennes et de préparer l’expulsion du peuple palestinien hors de Gaza. Cela fait partie du plan de nettoyage ethnique présenté par le président américain Donald Trump et adopté par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.
Dans un communiqué publié vendredi, MSF a qualifié les opérations du GHF de «massacre déguisé en aide humanitaire».
Plus tôt la semaine dernière, l’Observatoire Euro-Med des Droits de l’Homme a averti que «le modèle opérationnel de la fondation consiste à attirer les civils vers des endroits spécifiques coordonnés avec l’armée israélienne, où ils sont soumis aux assassinats, aux blessures et aux traitements cruels et dégradants.»
La veille des révélations publiées par Haaretz, le Département d’État américain annonçait que le gouvernement Trump avait financé le GHF à hauteur de 30 millions de dollars. Tommy Pigott, porte-parole adjoint du Département d’État, a qualifié les actions du groupe d’«absolument incroyables» qui méritaient « d’être saluées et soutenues ».
Confirmant apparemment les informations de Haaretz, l’armée israélienne a lancé une enquête interne sur les crimes de guerre commis dans les centres d’aide alimentaire. Comme toujours, ces enquêtes ne sont rien que des opérations de relations publiques visant à créer l’illusion d’une surveillance tout en garantissant l’impunité des auteurs de crimes de guerre.
Dans une déclaration faite vendredi, Netanyahou et le ministre de la Défense Israel Katz ont accusé Haaretz de propager des calomnies de « meurtre rituel» dirigées contre l’armée israélienne, qu’ils ont qualifiée d’«armée la plus morale du monde».
Lors d’un autre incident, l’armée israélienne a tué dix-huit personnes lors d’une distribution d’aide organisée par la police palestinienne. Des témoins ont rapporté que nombre des victimes étaient des citoyens ordinaires venus chercher de la farine.
Le bureau de presse officiel de Gaza a affirmé vendredi que des demandeurs d’aide avaient découvert des pilules contenant de l’oxycodone, un opiacé puissant et mortel, dans des sacs de farine distribués par les centres d’aide du GHF. «Nous avons jusqu’à présent recueilli quatre témoignages de citoyens ayant trouvé ces pilules dans les sacs de farine», a déclaré le bureau, mettant en garde contre la «possibilité que certaines de ces substances narcotiques aient été délibérément moulues ou dissoutes dans la farine même».
Le secrétaire général de l’ONU António Guterres a qualifié les opérations du GHF à Gaza d’«intrinsèquement dangereuses», ajoutant: «Elles tuent les gens […] Les gens sont tués simplement parce qu’ils essaient de se nourrir et de nourrir leurs familles. La quête de nourriture ne doit jamais être une condamnation à mort.»
(Article paru en anglais le 28 juin 2025)
Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…