Rapport du CPI

Centre palestinien d’information

La décision de l’Autorité palestinienne de suspendre le versement des salaires des prisonniers palestiniens et de les transférer vers un système d’« aides sociales conditionnelles » a rouvert une vieille blessure nationale qui, pendant des années, avait fait l’objet d’un consensus palestinien, la question des prisonniers étant considérée comme l’une des plus à l’abri des divergences politiques et des pressions extérieures.

En février, le président de l’ « Autorité » palestinienne Mahmoud Abbas a publié le décret 2025, qui abroge le système juridique en vigueur depuis des décennies pour le versement des allocations aux prisonniers, aux libérés et aux familles des martyrs, et transfère cette responsabilité de l’Autorité des affaires des prisonniers à une nouvelle institution appelée « Tamkeen », qui applique des critères sociaux et économiques fondés sur les besoins plutôt que de considérer les familles comme une cause directe d’éligibilité.

Avec l’entrée en vigueur effective de la décision ces derniers jours et la suspension des salaires de milliers de familles, une vague de colère s’est répandue parmi la population, les défenseurs des droits humains et les factions, qui ont accusé les autorités de tenter de présenter des « lettres de créance politiques » à l’étranger, en particulier aux États-Unis et à l’entité génocidaire, au détriment de l’une des questions les plus sensibles dans la conscience palestinienne.

Une soumission aux sionistes

Les allocations versées aux prisonniers ont toujours été une cible directe du chantage sioniste. Le Knesset a promulgué ce qu’on appelle la loi internationale de 2018. Depuis l’année de la « déduction », qui prévoit de prélever l’équivalent de ce que les autorités versent aux prisonniers et aux familles des martyrs sur les fonds de compensation palestiniens.

Selon des données relatives aux droits humains, les autorités d’occupation ont depuis lors confisqué plus de milliards de shekels provenant des recettes fiscales palestiniennes, sous prétexte de « financer la lutte contre le terrorisme ».

En revanche, des rapports officiels indiquent que le nombre de prisonniers et de libérés s’élève à 1 000, auxquels s’ajoutent 35 personnes précédemment couvertes par les salaires de l’Autorité, soit plus de milliers de familles de martyrs, alors que des dizaines de milliers de familles palestiniennes dépendent de ces allocations comme source de revenu quasi unique, alors que le taux de chômage atteint 30 % en Cisjordanie et des niveaux catastrophiques dans le secteur de Gaza.

Malgré les assurances officielles précédentes selon lesquelles l’Autorité « ne toucherait pas aux salaires des prisonniers, quelles que soient les pressions », la nouvelle décision a été largement interprétée comme un recul politique visant à alléger les pressions financières internationales et à rétablir l’aide extérieure gelée depuis des années.

Redéfinir le statut du prisonnier

Qadoura Fares, ancien président de l’Autorité palestinienne chargée des affaires des prisonniers, a qualifié cette décision de grave atteinte aux valeurs nationales et historiques, soulignant que les salaires des prisonniers ne sont pas une aide sociale, mais un droit national et légal consacré par les lois palestiniennes depuis la création de l’ « Autorité » par le général américain Dayton.

Dans des déclarations à la presse, Fares a expliqué que le transfert du dossier à une institution qui applique les critères de « pauvreté et de besoin » vide la question des prisonniers de son contenu militant et tente de redéfinir le prisonnier, qui passe de militant politique à « cas social », ce qu’il considère comme « une atteinte à la mémoire nationale collective ».

Il a ajouté que ce changement risquait de démanteler le filet de sécurité sociale qui a permis de maintenir la stabilité de milliers de familles pendant des décennies, mettant en garde contre les profondes répercussions psychologiques et morales sur les prisonniers, qui considèrent ces salaires comme une forme de reconnaissance de leurs sacrifices.

Pour sa part, le doyen des prisonniers libérés, Nael al-Barghouti, a qualifié cette décision d’« irresponsable », estimant qu’elle touche au cœur même de l’identité militante de la cause des prisonniers. Il a souligné que toute modification du mécanisme de versement doit se faire dans un cadre national global, en accord avec les représentants des prisonniers et leurs institutions.

Al-Barghouti a souligné que cette décision intervient au plus fort de l’agression sioniste néonazie et à un moment où les prisonniers sont soumis aux pires formes de maltraitance, notamment la négligence médicale, la torture et l’isolement. Il estime que la suspension des salaires constitue une double punition pour les prisonniers et leurs familles.

Il a averti que le fait de transformer cette question en dossier administratif pourrait ouvrir la voie à d’autres reculs à l’avenir et affaiblir l’un des derniers piliers qui ont permis de maintenir la cohésion de la société palestinienne malgré les divisions et les pressions.

Les chiffres révèlent l’ampleur de l’impact

Selon les données officielles et les rapports sur les droits humains, le nombre de prisonniers palestiniens s’élève à 9000 sont actuellement détenus dans les prisons de l’occupant 60 000, dont Plus 60% des familles de prisonniers dépendent des allocations versées par l’Autorité palestinienne comme principale source de revenus. Alors que les allocations versées aux prisonniers représentent moins de 7 % du budget total de l’Autorité, selon les chiffres publiés par Al-Araby Al-Jadeed, ce qui affaiblit l’argument du « fardeau financier » avancé pour justifier cette décision.

Les observateurs estiment que cette décision ne peut être dissociée d’un contexte plus large dans lequel l’ « Autorité » tente de se présenter à nouveau comme un partenaire « internationalement acceptable », même si cela implique de reformuler les grandes questions nationales dans un langage administratif et social.

Pour les milliers de familles touchées, cette décision n’apparaît pas comme une simple mesure financière, mais comme une insulte morale qui affecte la place du prisonnier dans la conscience collective. Les prisonniers, qui font face à une mort lente dans les prisons, n’avaient pas besoin, selon leurs proches, d’être transformés en fardeau ou en « cas humanitaire » recevant des dons conditionnels.

Alors que les revendications populaires et des factions de résistance pour revenir sur cette décision se poursuivent, la question reste ouverte : l’autorité peut-elle réaliser des gains politiques temporaires en échange de l’abandon d’une des causes nationales les plus consensuelles ? Ou bien le coût de la remise en cause de la cause des prisonniers dépassera-t-il de loin tout calcul politique immédiat ?

Source : CPI
https://french.palinfo.com/rapports/…

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