Le porte-avion USS Gerald R. Ford [Photo: US Strategic Command]
Par Andre Damon
L’impérialisme américain est de nouveau sur le sentier de la guerre ; il menace cette fois le Venezuela dans le cadre d’une campagne systématique visant à subjuguer toute l’Amérique latine. Le président américain Donald Trump a déclaré à Politico la semaine dernière que les jours du président vénézuélien Nicolás Maduro étaient «comptés» et a annoncé vendredi que des attaques terrestres débuteraient «très prochainement».
Le comité de rédaction du Wall Street Journal a qualifié ses actions de promesse pour un changement de régime et écrit que Trump était désormais «obligé de tenir» son engagement à évincer Maduro.
Les menaces de Trump ont été appuyées par le plus important déploiement militaire américain dans les Caraïbes depuis la crise des missiles de Cuba en 1962. Le Pentagone a déployé plus de 15 000 soldats, une douzaine de navires de guerre, dont le porte-avions USS Gerald R. Ford, et de nombreux avions à portée de frappe du Venezuela.
Depuis septembre, les forces américaines ont mené plus de 22 frappes de drones et de missiles contre des bateaux dans le sud des Caraïbes et l’est du Pacifique, faisant au moins 87 victimes.
L’affirmation de la Maison-Blanche que ces opérations visent à lutter contre le trafic de drogue est une évidente supercherie. Les véritables objectifs de l’intervention américaine au Venezuela ont été révélés mercredi dernier lorsque le gouvernement a arraisonné un pétrolier vénézuélien transportant 1,1 million de barils de pétrole brut, d’une valeur d’environ 78 millions de dollars.
Interrogé le lendemain sur le sort du pétrole saisi, Trump a répondu dans un langage de gangster: «Eh bien, on le garde, je suppose.» Le pétrolier est désormais arrivé sous escorte militaire américaine à Galveston, au Texas, un centre névralgique de l’industrie pétrolière américaine.
Les visées prédatrices de la campagne menée contre le Venezuela et de l’intervention plus large en Amérique latine ont été exposées dans la Stratégie de sécurité nationale publiée par la Maison-Blanche le mois dernier. Ce document annonce un «corollaire Trump à la doctrine Monroe» qui fixe explicitement l’objectif de restaurer «la prééminence américaine dans l’hémisphère occidental» et d’empêcher la Chine «de posséder ou de contrôler des actifs stratégiques vitaux dans notre hémisphère». Il enjoint le gouvernement à «identifier les opportunités d’acquisition et d’investissement stratégiques pour les entreprises américaines dans la région».
Ce document affirme de fait la souveraineté des États-Unis sur deux continents, présentés comme «notre hémisphère». Les États-Unis «posséderont» et «contrôleront» les ressources de l’Amérique latine, car ils prévoient de s’en emparer par la force pour en faire une base de pouvoir en vue d’une confrontation avec la Russie et la Chine.
Le Venezuela possède les plus importantes réserves prouvées de pétrole au monde, soit plus de 300 milliards de barils. Outre le pétrole, l’Amérique latine dispose de vastes réserves de lithium et de cuivre, des matériaux essentiels à la fabrication de moteurs, de semi-conducteurs et de batteries. Le Chili est le premier producteur mondial de cuivre et détient les plus importantes réserves de lithium.
Le plan américain visant à s’emparer des ressources pétrolières et naturelles du Venezuela cible à la fois la Russie et la Chine. La Chine est le principal créancier du Venezuela, lui ayant accordé plus de 62 milliards de dollars de prêts depuis 2005, remboursés en grande partie grâce à des ventes de pétrole garanties, et elle achète actuellement 80 pour cent des exportations vénézuéliennes. La Russie a investi des milliards dans les infrastructures énergétiques vénézuéliennes.
Dans sa campagne contre le Venezuela, le gouvernement Trump fait fi de toute prétention à la légalité. Lors de l’invasion de l’Irak en 2003, elle-même criminelle, le gouvernement Bush avait au moins tenté de justifier ses actes par un prétexte juridique, aussi fallacieux fût-il. A présent, il n’y a aucun effort de ce genre. Le gouvernement s’est tout simplement arrogé le droit de tuer des gens en haute mer, de s’emparer des biens de nations étrangères et de renverser des gouvernements à sa guise. Il n’y a aucune différence significative entre la politique menée actuellement par les États-Unis à l’égard du Venezuela et l’invasion des pays voisins de l’Allemagne par Hitler à la fin des années 1930.
Les États-Unis ont une longue histoire d’interventions au Venezuela. En 1908, ils ont soutenu un coup d’État qui a installé Juan Vicente Gómez au pouvoir. Ce dernier a régné en dictateur brutal pendant les 27 années suivantes, ouvrant ainsi aux trusts américains la porte des richesses pétrolières du Venezuela.
Ce n’était là qu’un des chapitres dans une longue et sanglante histoire d’opérations de changement de régime menées par les États-Unis en Amérique latine, que ce soit par le biais d’interventions militaires directes ou de coups d’État orchestrés par la CIA. Les États-Unis ont renversé des gouvernements au Guatemala (1954), au Brésil (1964) et au Chili (1973); armé des escadrons de la mort au Salvador dans les années 1980; envahi le Panama en 1989 et, plus récemment, ils ont soutenu les gouvernements d’extrême droite de Jair Bolsonaro au Brésil et de Javier Milei en Argentine.
L’objectif du gouvernement Trump est de renverser les gouvernements du Venezuela, de la Colombie et de Cuba et d’instaurer des dictatures sanglantes qui pilleront les ressources naturelles de ces pays et réprimeront brutalement la classe ouvrière.
Les médias américains ont servi d’antenne de propagande à cette opération. Ce week-end, CBS News a diffusé une interview servile de María Corina Machado, figure de l’opposition vénézuélienne, qui a ouvertement plaidé pour une intervention militaire américaine. Machado et l’opposition vénézuélienne réclament une invasion américaine pour une raison simple: ils n’ont aucun soutien populaire au Venezuela. Après des années d’efforts de déstabilisation soutenus par les États-Unis, l’opposition n’a pas réussi à renverser Maduro par des moyens internes, car la population vénézuélienne refuse d’être gouvernée par les marionnettes de Washington.
Dans l’establishment politique américain il n’a eu aucune opposition à l’escalade des tensions entre le gouvernement Trump et le Venezuela. Interrogé mercredi sur sa position quant à un changement de régime au Venezuela, le chef de la minorité sénatoriale, le démocrate Chuck Schumer, a répondu: «Vous savez, si seulement Maduro partait de son propre gré, tout le monde s’en réjouirait.»
Le sénateur Mark Warner de Virginie, principal démocrate à la Commission du renseignement du Sénat, était l’invité de l’émission «This Week» sur ABC dimanche. La présentatrice Martha Raddatz lui a demandé s’il «était d’accord» avec les efforts de Trump «pour évincer le dictateur Maduro», Warner a répondu: «Je suis d’accord, le peuple vénézuélien veut que Maduro parte.»
La semaine dernière, les dirigeants démocrates du Congrès se sont alliés aux républicains pour adopter le plus important budget militaire de l’histoire des États-Unis. La loi de programmation militaire, d’un montant de 901 milliards de dollars (porté à plus de 1 000 milliards de dollars avec les crédits supplémentaires) a été votée par le chef de la minorité, Hakeem Jeffries, la whip de la minorité, Katherine Clark, et le président du groupe démocrate, Pete Aguilar.
Le New York Times, qui parle au nom des factions les plus influentes du Parti démocrate, a publié une série d’éditoriaux intitulée «Dépassée: pourquoi l’armée américaine doit se réinventer». Affirmant que le Pentagone ne se prépare pas suffisamment à une nouvelle guerre mondiale, le Times reconnaît: «À court terme, la transformation de l’armée américaine pourrait nécessiter des dépenses supplémentaires.» Si l’establishment du Parti démocrate a des divergences avec Trump, c’est parce qu’il estime que celui-ci n’est pas suffisamment résolu à la confrontation militaire avec la Russie.
Alexandria Ocasio-Cortez et Bernie Sanders sont restés silencieux devant le renforcement militaire dans les Caraïbes. Quant au nouveau maire de New York, Zohran Mamdani, il a rencontré Trump pour une séance photo souriante à la Maison-Blanche, où il a vanté les efforts du président pour promouvoir «un coût de la vie abordable» – alors même que son armée tuait des civils non armés au large des côtes vénézuéliennes.
Le gouvernement Trump est en train d’allumer la mèche d’un baril de poudre, non seulement au Venezuela, mais dans toute l’Amérique latine et même aux États-Unis. Une guerre de conquête et d’occupation du Venezuela se heurterait à une résistance farouche de la classe ouvrière vénézuélienne et des travailleurs de tout le continent. L’Amérique latine est déjà une région où la lutte des classes s’intensifie; une invasion américaine exacerberait considérablement cette opposition et accélérerait les soulèvements révolutionnaires dans tout l’hémisphère.
Aux États-Unis, les travailleurs ont un intérêt fondamental à s’opposer à l’asservissement impérialiste de leurs frères et sœurs de classe d’Amérique latine. Le gouvernement Trump est confronté à une opposition croissante à ses rafles d’immigrants style Gestapo qui ont provoqué manifestations et grèves dans tout le pays. La colère monte également face aux licenciements collectifs, à la baisse des salaires réels, à la destruction de l’éducation et des soins de santé publics, et au fait que le budget militaire finançant l’accumulation de troupes dans les Caraïbes sera financé par des coupes dans les services d’aide alimentaire, Medicaid, Medicare et la sécurité sociale.
La guerre à l’étranger sert à intensifier la répression intérieure. Le gouvernement qui s’arroge le droit de tuer des personnes en eaux internationales sans preuves ni procédure régulière prépare aussi le terrain pour criminaliser la dissidence aux États-Unis. L’administration Trump a justifié ses meurtres au large des côtes vénézuéliennes en affirmant, sans apporter la moindre preuve, que ceux qu’elle tuait étaient des «terroristes». Ce précédent créé à l’étranger sera importé aux États-Unis, où elle a déjà utilisé le même terme – «terroristes» – pour qualifier les Américains opposés au fascisme.
Dans les années 1980, les États-Unis se préparaient à une guerre à grande échelle en Amérique centrale, ciblant en particulier le Nicaragua, et le gouvernement Reagan avait élaboré des plans pour arrêter et emprisonner 300 000 opposants potentiels à ce conflit. Quarante ans plus tard et avec une cabale fasciste à la Maison-Blanche, les préparatifs de répression de masse sont bien plus avancés.
La lutte contre l’assaut impérialiste visant le Venezuela doit donc être comprise comme faisant partie d’un combat plus large mené par la classe ouvrière internationale contre la guerre, la dictature et la contre-révolution sociale.
L’opposition à la guerre doit s’unir à la lutte contre les rafles d’immigrants, l’austérité et la destruction des droits sociaux. Cela exige une rupture consciente d’avec les deux partis capitalistes et la construction d’un mouvement socialiste international indépendant de la classe ouvrière. C’est la seule base pour stopper la descente dans la guerre et la dictature, et pour réorganiser la société afin qu’elle serve les besoins humains plutôt que les profits et le pouvoir d’une minuscule oligarchie financière.
(Article paru en anglais le 16 décembre 2025)
Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…
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