Par René Naba
A Ziad Rahbani, In Memoriam
A Ziad Rahbani, fils de la grande vedette de la chanson arabe Fairouz, décédé en juillet 2025, pour son éminente contribution à la critique des mœurs sulfureuses libanaises.
Ce dossier en cinq volets est publié à l’occasion de la mort, le 28 septembre 2024, de Sayyed Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah Libanais,la formation paramilitaire chiite libanaise et animateur de la résistance anti-israélienne à l’échelle du Monde arabe.
Note de la rédaction de https://www.madaniya.info/
Le contrechamp est une prise de vue effectuée d’un point symétriquement inverse d’une autre prise de vue; le plan ainsi filmé est monté en alternance. En recourant à cette technique narrative, l’auteur de ce texte se propose de procéder à une lecture non conformiste de l’histoire du Liban, chouchou de l’occident…. A une lecture non conforme à l’image véhiculée par les médias occidentaux, qui relève davantage des plaquettes publicitaires que de la sombre réalité de ce pays. Fin de la note.
Un pays atteint d’espionnite aiguë
Le Liban, le pays du lait et du miel tant vanté par la Bible, est aussi un pays de fiel, un pays atteint d‘espionnite aiguë, gangréné par la corruption.
Le Liban est affligé d’une espionnite aiguë, un pays qui compte par rapport à sa densité démographique et à sa superficie le plus grand nombre d’espions à la solde de l’étranger, faisant du «pays des cèdres», une passoire et de Beyrouth un nid d’espion.
Retour sur ce pays, généralement présenté par une presse occidentale comme la «Suisse du Moyen-Orient». Une presse occidentale complaisante des turpitudes de ce pays, reliquat d’un paternalisme post colonial.
Le Liban, le pays du lait et du miel, tant vanté par la bible pour la pureté des cimes de ses monts enneigés et immaculés, est aussi… un pays de fiel à en juger par la corruption qui gangrène tous les secteurs de la société, tous les segments de la population, toutes les composantes socio-politiques et ethnico confessionnelles de la nation, au point d’ériger ce pays en rare exemple d’une mafiocratie gouvernant contre son propre peuple.
Un système de féodalité clanique exerçant le pouvoir sur le mode oligarchique où la confiscation du pouvoir par les classes les plus aisées a générée un système de corruption généralisé, de destruction de l’État au profit des fortunes privées, dont la création ab initio d’une «dette odieuse» constitue le terme ultime d’une criminalité de type mafieuse à la base de l’enrichissement d’un pouvoir criminel protégeant des activités illégales.
De la forfaiture: Un Président faussaire
Michel Sleimane, ancien président de la république et ancien commandant en chef de l’armée, s’est révélé être un faussaire. Le commandant en chef d’une armée d’un pays en guerre se doit de se porter à l’avant-garde de la ligne de front et non de prendre la poudre d’escampette, particulièrement lorsque le commandement suprême est exercé au double titre de Président de la République et chef suprême d’une armée. Certes le plus petit pays arabe, mais au palmarès glorieux, revendique fièrement l’honneur de constituer l’ultime pays du champ de la confrontation, en guerre ouverte avec Israël.
Un honneur insigne qui commande une posture digne. Un pays artisan de glorieux faits d’armes face à l’ennemi officiel du Monde arabe ne saurait tolérer des généraux de pacotille. Une posture de franc-tireur et non de tir au flanc. De voltigeur de pointe sur les lignes de feu et non de planqué, à l’instar de son alter ego sunnite l’ancien premier ministre Saad Hariri, exfiltré à des milliers de km du Front chez ses parrains saoudiens, grand absent de cet événement, comme d’ailleurs de toutes les échéances majeures qu’a connues son pays depuis trois ans.
Et pourtant, incroyable mais vrai. Le président libanais Michel Sleimane s’est révélé être un faussaire, passible de poursuites judiciaires en France pour avoir falsifié un passeport français.
Pitoyable spectacle. Bénéficiant d’une promotion à la suite de l’assassinat de son supérieur hiérarchique, le Général François Hajj, qui lui a grandement ouvert les voies du pouvoir, Michel Sleimane avait été saisi, du temps de son commandement de l’armée libanaise, par une soudaine tentation de Venise, pitoyable remake de la fuite de Varenne.
Toute honte bue, il avait présenté des documents falsifiés à l’ambassade de France à Beyrouth, pour obtenir un passeport français à lui et à sa famille, de même qu’à deux de ses plus collaborateurs au sein de l’armée, son directeur de cabinet, le général Toufic Jizzini et Reda Moussawi. A l’expiration de son mandat présidentiel, Michel Sleimane a caressé le projet de prendre la tête de l’Organisation de la Francophonie, avec le soutien de la «Patrie des Droits de l’homme» qui avait assuré son impunité. Sans doute à titre de gratitude pour sa contribution à la moralisation de la vie publique libanaise.
La corruption gangrène la vie publique nationale s’incrustant dans tous les strates de la société, provoquant incivilité et incivisme; la vénalité de la caste politico médiatique débouchant sur la porosité de la société et la vulnérabilité de la nation.
Beyrouth, un nid espion, Le Liban, une passoire
A- Rafic Hariri
L’exemple vient de très haut. Rafic Hariri, le premier. Le milliardaire libano -saoudien a érigé la corruption en système de gouvernement, faisant de la quasi totalité de la caste politico médiatique ses obligés, à coup de prébendes, y compris l’élite intellectuelle, aussi bien les bourgeois que les communistes, y compris le chef féodal du parti progressiste socialiste, le druze Walid Joumblatt. Il fera main basse sur la ville, et, en un temps record, il deviendra le principal latifundiaire du pays.
Sur Walid Jolumblatt, cf ce lien
B- Riad Salamé
L’inamovible gouverneur de la Banque du Liban pendant trente ans (1993-2023) auparavant gestionnaire du portefeuille de Rafic Hariri au sein de la firme de courtage américaine Merrill Lynch, sinistrera, lui, le secteur bancaire, la fierté du Liban, par sa gestion spéculative, dépossédant de leur pécule une foultitude d’épargnants.
Sur Riad Salamé, cf ces deux liens :
- https://www.madaniya.info/2023/10/02/riad-salame-le-mozart-libanais-de-la-finance-un-bernard-madoff-bas-de-gamme-1-2/
- https://www.madaniya.info/2023/10/10/riad-salame-le-geant-de-la-finance-un-boursicoteur-tortueux-2-2/
C- L’armée
Même l’armée ne résistera pas à la tentation de l’enrichissement facile. Cette institution, dont la mission première est de défendre l’intégrité du territoire et la souveraineté nationale du Liban, sera d’une grande passivité devant les invasions répétitives de l’armée israélienne du territoire libanais, avant de se muer en une force d’interposition entre l’armée israélienne et le Hezbollah, la formation paramilitaire chiite libanaise.
Beyrouth est un vaste cimetière de traîtres, mais ce bilan macabre n’a apparemment pas découragé les vocations tant cette activité périlleuse s’est révélée lucrative, à en juger par le coup de filet anti israélien réalisé par les services de sécurité libanais.
Du gros gibier: Un général, deux colonels, trois cadres supérieurs occupant des fonctions névralgiques au sein d‘une entreprise stratégique de communications, un président sunnite d’un conseil municipal, proche du premier ministre Saad Hariri, le frère d’un garde de corps d’un dirigeant du mouvement chiite Amal. Tous à des postes sensibles.
Soixante-dix arrestations, 25 inculpations pour espionnage au profit d’Israël, un chiffre sans précédent, infligeant au renseignement israélien l’un des plus importants revers de son histoire.
L’élément déclencheur de cette contre-offensive libanaise aura été l’assassinat en février 2008 à Damas d’Imad Moughniyeh, le cauchemar de l’Occident pendant un quart de siècle, qui conduisit cette organisation clandestine et opaque à opérer un travail de contre-espionnage en profondeur pour finir par démasquer les pisteurs: deux frères sunnites, originaires de la bourgade d’al-Marj, dans la vallée de la Bekaa, Ali et Youssouf Jarrah, en possession du matériel photographique et vidéo, d’un système GPS dissimulé dans leur véhicule fréquemment garé au poste frontière de Masnaa, sur la route entre Beyrouth et Damas, en vue de pointer les responsables du Hezbollah empruntant le passage vers la Syrie. Opérant depuis vingt ans pour le compte des Israéliens, Ali Jarrah était même muni d’un passeport israélien, pour ses déplacements, via Chypre, en Israël.
Au niveau chrétien, six acteurs majeurs ont été arrêtés : Le général Adib Semaan al Alam, un ancien de la sûreté nationale, un poste où il avait aussi accès au département des passeports, source d’information capitale. Recruté par les services israéliens en 1994, il aurait loué pour le compte des Israéliens des abonnements à lignes de téléphonie cellulaire. Ses employeurs l’auraient convaincu de prendre sa retraite pour monter une agence de recrutement de domestiques asiatiques «Douglas office», qu’il utilisait comme taupes auprès de leurs employeurs, membres de la bourgeoisie libanaise. Grâce à cette couverture, Adib Alam aurait fourni des informations sur le Hezbollah et sur les mouvements internes de l’armée libanaise. Un deuxième officier chrétien inculpé est un beau frère d’un officier de l’armée dissidente libanaise du général Antoine Lahad, les supplétifs de l’armée israélienne au sud Liban.
Convaincu de collaboration avec Israël, le colonel Mansour Diab, était directeur de l’École des forces spéciales des commandos de marine, un poste qui lui a permis de superviser les opérations d’exfiltration d’agents et de transbordement de matériels d’espionnage.
Celui qui passe pour être l’un des héros de la prise d’assaut du camp de réfugiés palestiniens de Nahr el-Bared, l’été 2007, blessé à l’épaule lors de l’attaque, il aurait été recruté par le Mossad pendant ses stages aux États-Unis.
Trois autres libanais employés d’une société de téléphonie cellulaire, la société Alpha, exerçant des fonctions sensibles au sein d‘une entreprise stratégique de communications, ont été inculpés pour «intelligence avec l’ennemi». Précisément pour avoir connecté le réseau de la téléphonie mobile de leur firme au réseau des services de renseignement israéliens, leur répercutant l’ensemble du répertoire de leurs abonnés, de leurs coordonnées personnelles et professionnelles y compris les coordonnées bancaires.
Tareq Rabha, ingénieur des télécommunications, et son subordonné hiérarchique, Charbel Qazzi, auraient fourni à leurs commanditaires le code d’accès des abonnés avec possibilité de permuter les numéros de téléphone en vue de brouiller l’origine d’un appel et son destinataire. Le chef du réseau, Tareq Rabha, en poste depuis 1996, a été recruté par le Mossad en 2001 et percevait pour prix de sa trahison 10 000 dollars par mois. Un 5me chrétien, Joseph Sader, est un employé à l’aéroport de Beyrouth, qui a admis être en charge du repérage des émissaires et diplomates du Moyen-Orient transitant par l’aéroport de la capitale libanaise.
Le 6eme chrétien est une prise surprenante par son ascendance familiale et son appartenance politique. Membre du Courant Patriotique Libanais (CPL), la formation du Général Michel Aoun, le général Fayez Karam, est issu d’une famille de patriotes libanais du Nord Liban, dont le nom est indissociablement lié à l’indépendance du Liban.
Au niveau sunnite, un officier supérieur a été inculpé, originaire du Akkkar, région nord du Liban, le colonel Shahid Toumiyeh, frère de cinq officiers en service dans l’armée et la gendarmerie libanaise. Il a été arrêté en sa possession de plusieurs centaines de documents ultra secrets de l’armée libanaise.
Toujours au niveau sunnite, un proche de Saad Hariri, Zyad Ahmad Hosni, président du Conseil municipal d’une localité de la Bekaa, était chargé de pister les déplacements des dignitaires du Hezbollah dans la zone frontalière libano syrienne et d’obtenir un rendez-vous avec Hassan Nasrallah, le chef du mouvement chiite, en vue de son assassinat à distance.
Au niveau chiite, quatre prises consistantes: Ali Hussein Mintash, frère d’un garde de corps d’un dirigeant du mouvement chiite Amal, chargé du repérage des sites de lancement des missiles;, le deuxième, un représentant en pharmacie, Jaoudat Salmane al Hakim, revendique un bilan particulièrement lourd puis qu’il a participé à l’assassinat de trois responsables du Hezbollah: Ghaleb Awad, dans la banlieue sud de Beyrouth, en 2004, et les frères Majzoub, à Saida, en 2006.
Toujours au niveau chiite, un garagiste de Nabatiyeh, ville chiite du Sud Liban, Marwan Fakir, un concessionnaire automobile du Hezbollah, aurait utilisé ses talents pour installer des dispositifs de localisation sur des voitures du parti. Un quatrième chiite, Nasser Nader, est suspecté d’avoir organisé la surveillance du quartier de Dahieh, le bastion du Hezbollah dans la banlieue sud de Beyrouth, dévasté par des bombardements israéliens d’une grande précision en 2006.
La découverte de ce réseau serait le fruit d’un événement fortuit : un puissant logiciel confié par les Occidentaux à la sécurité libanaise pour détecter les anomalies des communications cellulaires dans l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri, un logiciel capable d’analyser des dizaines de milliers d’appels téléphoniques et d’en déceler les anomalies.
Comme, par exemple, des téléphones portables qui ne s’activent qu’à certains moments. Ou qui ne communiquent qu’avec un ou deux numéros.
Le responsable de ce programme, un brillant officier spécialiste des systèmes informatiques, le capitaine Wissam Eid, devenu sans doute encombrant par ses découvertes, a été pulvérisé, le 25 janvier 2008, par un attentat à la voiture piégée.
Plus grave, un des fournisseurs d’accès internet au Liban était alimenté par une société israélienne, la branche régionale de la société anglo italienne Tiscali, via son relais de Chypre, relié par une antenne pirate sur le Mont Barouk au Liban, une antenne pirate greffée sur l’antenne de la chaîne de télévision MTV, propriété de Gabriel Murr, frère du ministre de la défense Elias el Murr.
Pis encore, une des antennes placées au sud Liban, dans la bourgade de Safarieh, proche de Saida, était dirigée vers la zone frontalière libano israélienne, zone de déploiement de la Finul, avec un réseau disposant d’une capacité de captation de la totalité de la messagerie électronique des «Casques bleus» de l’ONU.
Toutes les communautés libanaises sont représentées: chrétiens, sunnites, chiites, originaires du Sud Liban, de la Bekaa ou de Beyrouth. Toutes ont fourni des agents, soit pour glaner des informations, soit pour préparer des dossiers d’objectif ou organiser la filature des dirigeants du Hezbollah.
Certains travaillaient pour Israël depuis les années 1980, recrutés pour des motifs variés: financiers, idéologiques ou psychologiques, voire même pour des cas de chantages sexuels ou d’addiction à la drogue.
Une quarantaine de suspects ont été placés en détention, une trentaine d’autres sont toujours recherchés par les autorités libanaises. Certains ont réussi à fuir, prenant l’avion vers une destination inconnue, d’autres ont franchi la frontière entre les deux pays, toujours techniquement en guerre depuis 1949.
Ce bilan ne tient pas compte des avatars tel celui de l’agent franco afghan Karim Pakzad, représentant du Parti socialiste français à l’Internationale socialiste, arrêté le 26 avril 2007 par le Hezbollah, dans la banlieue Sud de Beyrouth, alors qu’il prenait des photos du bunker d’Hassan Nasrallah, porteur d’un appareil d’interception des communications téléphoniques, ni de la mystérieuse évaporation d’une non moins mystérieuse néerlandaise, Inneke Botter, ancien cadre supérieur de la succursale hollandaise de la firme française Orange, partenaire de la société libanaise, proche de la Mafia israélienne opérant en Europe centrale notamment en Géorgie et en Ukraine, démasquée par les services de renseignements russes. Inneke Botter, une protégée de Marwane Hamadé, à l’époque ministre des télécommunications et artisan de son recrutement.
- La suite de ce récit sur ce lien : https://www.renenaba.com/le-tribunal-special-sur-le-liban-a-lepreuve-de-la-guerre-delombre
D- Marwane Hamadé, un vibrionnaire pourfendeur du Hezbollah à la tête d’un ministère noyauté par les Israéliens.
Au delà de la présence aux côtés de Marwane Hamadé d’Inneke Botter, l’espionne israélienne, le relais hertzien du Mont Barouk opérant pour le compte d’Israël, était située dans la région montagneuse du Chouf, fief de Walid Joumblatt, partenaire de Saad Hariri dans la révolte anti syrienne. Son installation s’est faite sous le mandat du lieutenant de Walid Joumblatt du temps de son passage au ministère des télécommunications, Marwane Hamadé, à une période charnière allant de 2005 à 2008, c’est-à-dire du début de l’enquête internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri, principalement fondée sur le décryptage de communications biaisées par les services israéliens, à son épreuve de force avec le Hezbollah en mai 2008, en passant à la guerre de juillet 2006 où il s’était placé à l’avant-garde de la dénonciation du mouvement chiite. Le plus ferme partisan du démantèlement du réseau de transmission autonome du Hezbollah s’est trouvé être, curieusement, à la tête d’une administration noyautée par les taupes israéliennes.
Un des grands experts de l’OGERO, Milad Eid, l’organisme gestionnaire du câble sous marin reliant Beyrouth au Sud Liban, la zone de déploiement du Hezbollah, s’est révélé être un grand espion d’Israël et le régulateur des transmissions filaires de l’État libanais équipé d’un logiciel de conception israélienne. Habituellement prolixe particulièrement dans les médias français, Marwane Hamadé, vibrionnaire pourfendeur de l’omnipotence du Hezbollah, est mutique depuis la révélation du noyautage de son ancienne administration.
L’interlocuteur privilégié du proconsul américain Jeremy Feltman, le chouchou de Bernard Kouchner, ministre français des affaires étrangères qu’il avait mis dans la confidence au sujet de l’assaut contre le système des communications du mouvement chiite ne s’est jamais expliqué sur le fait d’attribuer à une société israélienne KAPIRA, sous couvert d’une société écran française, la gestion des communications transitant par l’organisme gouvernemental OGERO, ni sur son comportement à tout le moins désinvolte sur l’ensemble du dossier. En plein naufrage politique, le flamboyant stratège de «la révolution des Cèdres» n’est maintenu au seuil de la ligne de flottaison que par la volonté de son mentor Joumblatt. L’homme le plus détesté de la banlieue sud de Beyrouth a dû se faufiler, sous forte escorte, dans le cortège funéraire lors des obsèques de Cheikh Mohamad Fadlallah, guide spirituel de la communauté chiite libanaise, en juillet 2010, en vue de la présentation de ses condoléances, dans une démarche interprétée comme une forme de repentance, signe indiscutable de la disgrâce d’un homme au halo de «martyr vivant» écorné.
E- De l’imposture: Elias El Murr, Interpol en guise de bonus au Judas libanais.
Son parcours gouvernemental aura été un chapelet de forfaitures qui le conduiront par son abdication au bloc atlantiste au sommet de l’organisation de coopération criminelle, Interpol, en guise de prime à ce judas libanais.
Pur produit de la féodalité clanique libanaise, l’homme aura asservi sa fonction, pour la vassalisation de son pays à ses ennemis. Ministre de la Défense, Elias El Murr passe pour avoir renseigné Israël sur les positions du Hezbollah durant la guerre de destruction du Liban, maintenant l’armée libanaise l’arme au pied, en juillet 2006, plutôt que d’assurer la couverture militaire de la formation paramilitaire.
Le journal libanais «Al Akhbar» a ainsi publié une trentaine de câbles émanant de l’ambassade des États-Unis à Beyrouth datant de 2008-2009. Deux d’entre eux ont fait particulièrement du bruit à Beyrouth : le premier attribue au ministre libanais de la Défense, Elias el-Murr, des conseils indirects adressés à Israël sur la manière d’agir en cas de nouvelle offensive militaire contre le Hezbollah. Le ministre aurait notamment recommandé d’éviter de «bombarder des ponts et des ouvrages d’infrastructure dans les régions chrétiennes». Selon le câble, «Murr a donné des directives (au chef de l’armée Michel) Sleimane demandant que les forces armées libanaises ne s’impliquent pas si Israël vient».
Ministre de l’intérieur (2000-2004), il avait auparavant amplifié les liens du Liban à l’INTERPOL. Au-delà de toute mesure. Au-delà de toute décence. Sous sa direction, en effet, les dossiers de police partagés par le Liban dans les bases de données d’INTERPOL ont presque doublé en moins de trois ans. Autrement dit, l’homme a veillé, non à protéger ses concitoyens libanais, mais à transférer un important lot de la banque de données du renseignement libanais à Interpol pour un meilleur pistage de ces compatriotes.
Gendre du président Emile Lahoud (1998-2006), il s’assurera une posture privilégiée durant sa mandature présidentielle cumulant tour à tour les fonctions de vice premier ministre et de ministre de l’intérieur, puis de ministre de la défense, avant de succomber aux sirènes de l’ennemi de son beau-père, le milliardaire libano saoudien Rafic Hariri et de s’aménager un destin international, loin des magouilles libanaises dont il aura été un des grands contributeurs.
Beau-frère de Gébrane Tuéni, l’ancien directeur du journal An Nahar assassiné, Elias El Murr, symbolise mieux que tout le système des alliances rotatives des éditocrates libanais de l’après -guerre. Bailleur de fonds des milices libanaises durant la guerre civile, le tandem orthodoxe s’adossera successivement au camp rival du général Michel Aoun, chef du Courant Patriotique Libanais alors en exil en France, avant de basculer dans le camp Hariri après un bref transit dans le camp du président Emile Lahoud.
Le tandem a été la cible d’un double attentat sans doute en guise de sanction d’un parcours erratique. Le ministre en a réchappé, le journaliste a succombé. Celui que des laudateurs empressés ont qualifié de «martyr de la presse libanaise» était en fait un partenaire en affaires d’un ancien milicien libanais reconverti dans le trafic des stupéfiants dont il assurera la responsabilité de chef de réseau en Europe orientale.
Avide et cupide, soucieux de rentabilité «Gaby» avait coutume de louer aux mafieux de la drogue sa voiture blindée durant son absence du Liban. Nul au sein de la commission d’enquête internationale ne s’est hasardé à fouiller cet aspect marécageux du dossier, sans doute pour ne pas écorner le processus de construction du mythe du «martyr de la presse libanaise».
Le parcours d’Elias El-Murr, homme en charge de la sécurité puis de la défense du Liban, un pays sensible, sa maîtrise de la langue arabe, sa bonne connaissance du Moyen-orient et ses excellentes relations avec les dirigeants de la zone gangrenée par le djihadisme ne lui aura été d’aucun secours.
La sphère euro méditerranéenne, sous son magistère à Interpol, est devenue une passoire de Londres (2012), à Pais (2015), à Bruxelles et Amsterdam, ainsi qu’à Tunis (2015), Koweït et surtout l’Arabie saoudite
Sans nul doute, Elias El Murr et sa coterie familiale passeront à la postérité comme le plus bel exemple moral pour l’édification civique de la génération de la relève libanaise. Reporters Sans Frontières a d’ailleurs rétrogradé la place du Liban de la 61eme à la 91éme place entre 2005 (date de la création du TSL) et 2009, soit une perte de 39 places en cinq ans.Sur le mercantilisme de la presse libanaise et les alliances rotatives du clan Murr-Tuéni, ce lien : https://www.renenaba.com/les-tribulations-de-la-presse-libanaise-2/
Illustration
LBCI Lebanon
Source : auteur
https://www.madaniya.info/…
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