Zelensky, Starmer et Macron à Lancaster House le 2 mars 2025. (Lauren Hurley / No 10 Downing Street)
Par Mark Lesseraux
L’Occident collectif (les États-Unis, l’Europe, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Israël et certaines parties de l’Amérique latine) contre les 81 % restant du monde
Les Monsieur/Madame Je-sais-tout occidentaux – Les donneurs de leçons occidentaux
Par Mark Lesseraux – 15.08.25 – New York
J’ai des amis qui se targuent de leur accès à ce qu’ils considèrent comme un large éventail d’opinions et de sources d’information. Ce sont des personnes intelligentes qui s’intéressent sincèrement à tout, de la politique aux questions philosophiques et scientifiques, etc. Jusqu’à il y a environ trois ans et demi, je partageais une grande partie des opinions politiques de ces amis. Nous étions ce que la plupart des étasuniens considèrent comme « de gauche ». Nous votions presque systématiquement démocrate, quelle que soit la campagne électorale. Quelques-uns d’entre nous, dont moi-même, avons soutenu les campagnes de Bernie Sanders en 2016 et 2020. Lorsque Bernie a été (apparemment) bloqué par le Comité national démocrate, nous avons bien sûr voté pour les démocrates de l’establishment, Hillary Clinton et Joe Biden.
En clair, nous nous considérions comme un peu plus informés que la majorité. Je me souviens encore de ce sentiment, une sensation qui s’accompagnait d’une supériorité intellectuelle implicite chaque fois qu’un de mes amis républicains s’exprimait sur un sujet qui contredisait ce que je considérais comme la vérité d’un sujet sociopolitique. Voyez-vous, contrairement à mes amis républicains moins informés, je croyais avoir examiné plus en profondeur ce que la soi-disant « droite » et la soi-disant « gauche » avaient à offrir et en être ressorti avec un point de vue plus raisonné et mieux articulé.
À l’époque, il me semblait évident qu’une part considérable de mes connaissances avait subi un lavage de cerveau les poussant à croire les fausses informations diffusées par les médias grand public. Ce fut le cas pendant des décennies, en fait. Nous, les « progressistes » les plus intelligents et les mieux informés, étions simplement un peu plus branchés, un peu plus dans le coup que nos amis de droite, moins chanceux et plus crédules. Du moins, c’est ce que nous pensions.
Ce moment où l’on réalise que l’on est un idiot
J’ai écrit en détail sur une prise de conscience que j’ai eue en 2022 et qui a quelque peu transformé ma vision du monde. Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez consulter mon article d’il y a quelques mois ici : https://www.pressenza.com/fr/2025/06/traversee-de-la-zone-interdite-au-dela-de-la-vallee-des-neoconservateurs-usa/. Pour aller droit au but : il y a environ 3 ans et demi, en raison de plusieurs facteurs différents, je me suis retrouvé dans une situation où il était nécessaire de m’aventurer dans les eaux troubles en ligne des sources d’information non occidentales du monde entier. J’ai regardé des nouvelles de Chine, d’Afrique, de Russie, d’Amérique du Sud, d’Inde, etc. Après quelques mois d’accumulation de ce que je considérais comme un groupe de sources relativement fiables, j’ai commencé à comparer et à contraster ce que ces sources disaient sur les affaires étrangères et les événements liés à la guerre avec ce que disait la presse occidentale.
Au fil des mois, il est devenu évident que toutes les sources d’information occidentales « grand public », du New York Times à Fox News, en passant par le Daily Mail au Royaume-Uni, le journal BILD en Allemagne, Le Monde en France et le Globe and Mail au Canada, etc., répétaient fondamentalement le même récit sur ce qui se passait dans les guerres de l’époque. J’ai constaté une adhésion uniforme à ce récit dans les podcasts occidentaux financés, en tout ou en partie, par de grandes entreprises occidentales.
Dans la sphère non occidentale, dans les récits du « Sud global », j’ai constaté une certaine uniformité, mais pas autant qu’en Occident, étonnamment. En six mois de recherche d’informations en ligne, j’avais retenu comme références neuf ou dix sources, issues à la fois de la sphère progressiste occidentale et de la sphère non occidentale, ainsi qu’un groupe de cinq ou six sources occidentales « grand public » que j’avais choisies.
Fin 2022, après quelques accès de dissonance cognitive causés par une perte quasi totale de confiance dans la quasi-totalité des médias grand public occidentaux, j’en suis arrivé à la conclusion troublante qu’une partie de mes croyances sur le monde reposait sur ce qui s’est avéré être un ensemble d’hypothèses myopes et limitées, qui ne résistaient tout simplement pas à une analyse sérieuse combinant des sources occidentales et non occidentales. En fait, en un peu plus de six mois, j’ai réalisé que mes opinions étaient parfois aussi mal informées que celles d’amis que je considérais auparavant comme ignorants.
En réalité, nous vivons tous, en partant du principe que les connaissances et les informations qui nous sont présentées dans notre petite partie du monde sont d’une certaine manière supérieures à celles qui prolifèrent en dehors de notre petite bulle occidentale « civilisée », dans une construction mentale illusoire de ce que nous considérons comme la « réalité » du monde dans lequel nous vivons.
La propagation de l’ignorance par les médias occidentaux grand public (4 exemples) :
1- Il y a environ sept mois, j’ai écrit un article qui relatait l’actualité la plus importante (et de loin) de ces dernières années. En fait, l’événement auquel je fais référence pourrait bien être l’événement le plus important du XXIe siècle. Et non, il ne s’agissait pas de la récente élection de Donald Trump. Je parie que la grande majorité des Occidentaux qui lisent ces lignes aujourd’hui ne savent pas de quoi je parle. Je ne plaisante pas et n’exagère pas en affirmant que cet événement, presque totalement ignoré par les médias occidentaux grand public, a bouleversé les mentalités. Lorsque vous aurez fini de lire cet article, vous pourrez accéder à l’histoire de mon article que j’ai mentionné ci-dessus en cliquant sur ce lien : https://www.pressenza.com/2024/11/the-biggest-world-news-item-of-2024-was-not-the-recent-us-election/ [La nouvelle la plus importante de 2024 n’était pas la récente élection étasunienne.]
2- Cette question va probablement irriter certains d’entre vous, mais je vais quand même l’inclure ici, car la grande majorité du monde (non occidental) le sait depuis au moins 2023 : la guerre en Ukraine est, sans aucun doute, une guerre par procuration des États-Unis qui a techniquement commencé en 2014 avec l’aide d’un coup d’État soutenu et financé par les États-Unis contre un gouvernement ukrainien démocratiquement élu. Cette guerre a coûté aux contribuables étasuniens 250 milliards de dollars d’aide à l’Ukraine, dont une partie aurait apparemment été empochée par des responsables du gouvernement ukrainien (1). Si vous pensez que les États-Unis dépenseraient 250 milliards de dollars pour une guerre dite « humanitaire », alors j’ai une île à vous vendre. La guerre en Ukraine était/est manifestement une nouvelle tentative ratée de changement de régime par les États-Unis et l’OTAN.
Vladimir Poutine et la Russie ne voulaient pas de cette guerre, contrairement aux informations largement relayées par les médias occidentaux selon lesquelles M. Poutine aurait envahi l’Ukraine comme première étape d’une offensive impérialiste transeuropéenne. En réalité, la guerre a été provoquée et imposée à la Russie par des décennies de traités non respectés par les États-Unis, de fausses promesses et d’empiètements constants des États-Unis et de l’OTAN sur la frontière russe. Pour plus d’informations sur la manière dont les États-Unis prévoyaient d’utiliser sciemment la population ukrainienne comme chair à canon, comme bélier contre la Russie, voir mon article de mi-2024 : https://www.pressenza.com/2024/08/the-us-calculated-sacrifice-of-the-ukrainian-population/
De plus, l’Ukraine perd la guerre contre la Russie depuis début 2023, et peut-être bien depuis plus longtemps. D’ici la fin de la décennie, il deviendra évident que les informations relayées par la presse occidentale sur cette guerre ont été déformées, voire d’une manière criminelle, dans un nombre considérable de cas. Deux millions de soldats sont morts à ce jour dans cette guerre (dont plus de la moitié sont ukrainiens), une guerre qui aurait pu prendre fin en mai 2022 si les États-Unis et le Royaume-Uni n’avaient pas perturbé les négociations en cours entre l’Ukraine et la Russie (2). Cette guerre aurait pu être évitée. Malheureusement, Joe Biden, obéissant aux ordres de ses conseillers néoconservateurs, a tout fait pour la déclencher. Vous pouvez lire les détails de leur démarche ici : https://www.jeffsachs.org/newspaper-articles/wgtgma5kj69pbpndjr4wf6aayhrszm
Enfin, l’idée que parler de la guerre entre l’Ukraine et la Russie d’une manière qui ne correspond pas au récit des médias occidentaux « grand public » fasse de vous une sorte de victime de la propagande russe est absurde. Il faut absolument dépasser ce genre d’absurdités. Le professeur Jeffrey Sachs, l’ancien colonel américain Douglas McGregor, moi-même et des centaines de millions (en fait des milliards) d’autres personnes dans le monde qui approuvent tout ce qui précède ne sont pas malades, simplement parce que certains, aux États-Unis et en Europe, qui sont encore attachés à un récit de guerre occidental démenti et truffé d’erreurs, affirment que nous le sommes. Le temps de grâce est révolu pour ce genre de balivernes maccarthystes.
3- Il y a un an ou deux, écrire sur le fait qu’Israël est manifestement un État d’apartheid qui a recouru à la violence de masse contre la population palestinienne tout au long du XXIe siècle, sans doute depuis le milieu du XXe siècle, aurait rencontré plus de résistance que je ne le pense aujourd’hui. Les gens commencent à avoir une vision complète de ce qu’Israël fait depuis des décennies. Plus de 200 000 Gazaouis ont été assassinés par Israël (et ce chiffre continue d’augmenter) dans le cadre du génocide israélien actuel, reconnu par Amnesty International et l’ONU (3). Jusqu’à il y a environ un an, la plupart des Occidentaux soutenaient Israël malgré son recours systématique au terrorisme, son racisme manifeste/son apartheid d’État et ce qu’il appelle ses « tontes de pelouse » périodiques, qui ont impliqué le meurtre de milliers de civils palestiniens par l’armée israélienne au XXIe siècle. Le fait que tout cela commence à peine à faire surface pour la plupart des gens en Occident est un exemple de la façon dont la presse occidentale « grand public » a maintenu les gens dans l’ignorance quant à la longue liste de crimes de guerre commis par Israël au cours du dernier demi-siècle.
4- Le système politique bipartite étasunien est devenu, au XXIe siècle, un parti unique, appartenant à une classe sociale dominée par des milliardaires donateurs. Quiconque pense encore que le Parti démocrate est moins obsédé par la guerre et/ou moins corrompu que le Parti républicain se trompe lourdement. Pour en savoir plus à ce sujet, consultez mon article de 2024 : https://www.pressenza.com/2024/03/the-birth-of-the-american-uniparty-and-the-rise-of-the-multi-polar-world-order/
Les 81 % restants du monde : quelques pistes de réflexion
Pensez à ce que vous et moi avons considéré comme « la réalité de notre monde », « la façon dont les choses sont », etc., toutes ces années. Puis, songez au fait que la quasi-totalité de nos informations ont été filtrées à travers un prisme occidental. Pensez ensuite au fait que ce prisme, cette lentille, a été façonné, dans une large mesure, par des personnes redevables à de puissants conglomérats d’intérêts particuliers et à des oligarques, des personnes extrêmement riches qui financent, sélectionnent et diffusent l’information par le biais de médias désormais presque entièrement détenus et contrôlés par ces mêmes personnes.
Suggérer que nous devrions réfléchir à ces questions n’a rien à voir avec l’affirmation selon laquelle les médias non occidentaux ne contiennent pas de propagande. Cette propagande est diffusée partout dans le monde, à des degrés divers et à des endroits différents. Ce qui est mis en évidence ici, c’est que nous supposons que nous, et seulement nous, détenons la véritable information, alors qu’en réalité, nous n’avons accès qu’à moins d’un quart de la situation globale.
Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemblerait la vie en dehors de la bulle d’information occidentale dans laquelle vous et moi vivons depuis toutes ces années ? Vous êtes-vous déjà demandé ce que les 81 % restants de la population mondiale pensent de l’actualité, des guerres perpétuelles que nous vivons depuis 23 ans ? Si oui, j’ai compilé une liste de points de départ pour tous ceux qui souhaitent s’intéresser aux opinions et aux informations en dehors du discours dominant des médias occidentaux. Voir ci-dessous :
Voici une liste de chaînes YouTube et de personnes connues qui proposent une alternative au discours américain et occidental :
1- The Duran Channel – L’un des podcasts/chaînes YouTube géopolitiques les plus importants et les plus fiables au monde.
2- Dialogue Works – Une excellente source d’opinions nouvelles, avec des invités hautement qualifiés du monde entier.
3- Jeffrey Sachs – Ce clip présente Jeffrey Sachs, qui est, à mon avis, l’une des meilleures sources d’information géopolitique actuelle. Il contient des informations fondamentales. Je ne connais pas la chaîne sur laquelle il est diffusé.
4- Al Jazeera News – Une bonne source d’informations alternatives.
5- MOATS avec George Galloway – Galloway est un progressiste politique et membre du Parti des travailleurs au Royaume-Uni. C’est également un animateur de talk-show très divertissant et instructif.
6– Glenn Greenwald – Glenn est l’un des meilleurs journalistes de la planète. Sans conteste .
7- The Jamarl Thomas Show – Jamarl est un intervieweur très perspicace et l’un des principaux présentateurs de points de vue alternatifs sur youtube. Ce clip est destiné aux étudiants avancés.
8- Colonel Douglas McGregor et la chaîne YouTube « Judging Freedom » – McGregor est peut-être bien le plus grand expert militaire au monde, à mon avis et à celui de beaucoup d’autres. « Judging Freedom » est une émission YouTube qui accueille d’excellents invités.
9- Neutrality Studies – Une excellente émission suisse, qui s’affranchit du discours occidental. The New Atlas avec Brian Berletic – Brian est l’un des reporters de guerre les plus compétents et les plus instructifs de youtube.
10- Mark Lesseraux at Pressenza – Le lien précédent vous permet d’accéder à tous mes articles chez Pressenza :
Notes
1- https://www.youtube.com/watch?v=p8zvuaQ-I_k
2- https://www.youtube.com/watch?v=ckWJubAcumY
3- https://www.youtube.com/shorts/6p5sKUDT5eE
Traduit de l’anglais par Evelyn Tischer
Source : Arrêt sur Info
https://arretsurinfo.ch/…