UN News. Une femme attend de recevoir de la nourriture à Gaza.

Par ONU Info

Source : ONU Info

Rendre compte de la peur et du chaos engendrés par la guerre à Gaza, tout en luttant quotidiennement pour survivre et protéger sa famille, est vécu comme une obligation par le correspondant d’ONU Info dans l’enclave palestinienne assiégée.

Près de 21 mois se sont écoulés depuis les attaques sanglantes du 7 octobre 2023 contre Israël, qui ont déclenché le conflit brutal actuel.

Des milliers de personnes sont mortes et une grande partie de Gaza a été dévastée, mais la vie doit continuer, selon notre correspondant, qui garde l’anonymat pour des raisons de sécurité.

« Ceux qui vivent ici à Gaza n’ont pas besoin de longues explications pour comprendre le sens de cette guerre.

Il suffit d’écouter quelques minutes : le vrombissement incessant des avions au-dessus de nos têtes, et les frappes aériennes réduisent tout au silence, sauf la peur qui, bien qu’invisible, emplit chaque espace entre nos tentes et s’infiltre dans nos corps. 

La nuit, l’obscurité est totale, à l’exception des éclairs des bombardements.

Nous dormons en sachant que le réveil n’est pas garanti.

Chaque matin à Gaza est une nouvelle tentative de vivre, et chaque soir un défi de survie. Telle est la dure réalité dans laquelle nous vivons.

Je fais partie des plus de deux millions de Palestiniens qui vivent sous le poids du déplacement. Je documente des histoires de guerre et de désespoir, tout en en ressentant toute l’amertume.

Depuis la destruction de notre maison en novembre 2023, la tente est devenue notre refuge. Ma famille, autrefois partie intégrante de mon intimité, fait désormais partie des histoires que je partage avec le monde.

© UNICEF/Mohammed Nateel. Un jeune garçon est sauvé après avoir été pris dans une attaque contre un abri scolaire.

Ici, la vie est simple et tragique.

Dormir à même le sol, cuisiner au feu de bois et la quête épuisante d’un morceau de pain ne sont plus des options, mais un mode de vie imposé par la cruauté de la guerre.

Dans le visage de mon fils aîné, qui n’a pas encore 14 ans, je vois le reflet d’une guerre qui lui a volé son enfance et lui a imposé des fardeaux plus lourds que son âge.

Il est devenu un expert en distribution d’eau, marchandant son pain et transportant de lourds litres d’eau. Je ressens une immense fierté pour son courage, mais aussi un douloureux sentiment d’impuissance, car je ne peux pas le protéger de ce qui se passe autour de nous.

Ma femme s’efforce de créer une oasis d’espoir pour nos autres enfants. Mes deux filles aînées continuent d’apprendre en ligne lorsque l’internet fonctionne par intermittence et de lire les livres disponibles.

Ma cadette dessine sur des morceaux de carton usés, tandis que mon plus jeune fils, âgé de quatre ans, n’a aucun souvenir, si ce n’est le bruit des explosions.

Nous restons impuissants face à ses questions innocentes. Il n’y a pas d’école, pas d’éducation, seulement des tentatives désespérées pour préserver la lumière de l’enfance, face à une réalité brutale.

Plus de 625.000 enfants à Gaza ont été privés d’éducation.

Cela est dû à la destruction des écoles et au manque d’un environnement sûr où apprendre.

L’avenir de toute une génération est menacé.

UN News. Un dessin représente des personnes mourant alors qu’elles tentent d’accéder à de la nourriture dans un camion à Gaza.

Je travaille aux côtés d’autres journalistes. Nous errons entre les hôpitaux, les rues et les refuges.

Nous transportons nos équipements non seulement pour documenter les événements, mais aussi pour être la voix de ceux dont la voix a été réduite au silence.

Nous filmons un enfant souffrant de malnutrition sévère, écoutons le récit d’un homme qui a tout perdu et assistons aux larmes d’une femme incapable de nourrir ses enfants.

Nous documentons une scène qui se répète quotidiennement : des milliers de personnes se précipitent pour rejoindre un camion de farine. Elles courent après les camions, ramassant les derniers grains de farine.

Le danger leur importe peu, car l’espoir de mettre la main sur une miche de pain est plus précieux que la vie.

À chaque fois, des victimes tombent le long des itinéraires des convois et des points de distribution militarisés.

Nous arpentons les rues, attentifs au moindre bruit, comme si nous attendions la fin à chaque virage.

Il n’y a plus de temps pour les surprises ou la tristesse, seulement une tension et une anxiété constantes qui font partie intégrante de l’ADN des survivants ici.

C’est la réalité que les caméras ne capturent pas, mais c’est la vérité quotidienne que nous essayons d’expliquer au monde.

© WHO. Une employée de l’OMS évalue un hôpital détruit dans le nord de Gaza.

Nous documentons les efforts des Nations Unies et de ses différentes organisations.

Je vois des membres du personnel dormir dans leurs voitures pour se rapprocher des points de passage, et je vois nos collègues de l’ONU pleurer en écoutant les histoires de mes compatriotes gazaouis.

L’aide est insuffisante. Les points de passage s’ouvrent et se ferment brusquement, et certaines zones sont privées de ravitaillement pendant des jours.

Les quartiers ouest de la ville de Gaza sont surpeuplés. Des tentes sont dressées à chaque coin de rue, sur les trottoirs et parmi les décombres des maisons détruites, dans des conditions désastreuses.

La monnaie locale s’est évaporée. Ceux qui ont de l’argent sur leur compte bancaire paient des frais allant jusqu’à 50 % pour le retirer, pour finalement se retrouver face à des marchés presque vides. Tout ce qui est disponible est vendu à des prix exorbitants.

Les légumes sont rares, et lorsqu’ils sont disponibles, le kilo peut coûter plus de 30 dollars. Les fruits et la viande ne sont plus qu’un lointain souvenir.

Le système de santé est en plein effondrement : 85 % des hôpitaux de Gaza ne fonctionnent plus et la plupart des services de dialyse et de chimiothérapie sont à l’arrêt.

Les médicaments pour les maladies chroniques sont indisponibles. Je ne parviens pas à obtenir de médicaments pour mes parents, qui souffrent de diabète et d’hypertension, et il n’y a aucun espoir d’opération chirurgicale qui pourrait sauver le bras de mon frère, blessé lors d’une frappe aérienne.

© UNRWA. Un jeune garçon transporte une bouteille d’eau dans une zone où des gens vivent dans des tentes.

Parfois, je me sens tiraillé entre deux identités : le journaliste qui documente la souffrance et l’être humain qui la subit.

Mais c’est peut-être là que réside la force de notre mission journalistique depuis la bande de Gaza : être une voix au cœur de la tragédie, transmettre au monde la réalité de ce qui se passe au quotidien.

Chaque jour à Gaza pose une nouvelle question :

Survivrons-nous ?

Nos enfants reviendront-ils de leur quête d’eau ?

La guerre prendra-t-elle fin ?

Les points de passage seront-ils ouverts pour permettre l’acheminement de l’aide ?

À partir de là, nous poursuivrons notre route, car des histoires non racontées meurent et parce que chaque enfant, chaque femme et chaque homme de Gaza mérite d’être entendu.

Je suis journaliste.

Je suis père.

Je suis déplacé.

Et je suis témoin de tout ».

Source : ONU Info
https://news.un.org/fr/…

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