Par Régis de Castelnau

Voilà qu’un épisode judiciaire de la tragédie de Nanterre, est venu se télescoper avec les violences et pillages consécutifs à la victoire du PSG en Ligue des champions. La procédure à l’encontre du policier auteur du coup de feu mortel a fait l’objet de ce que l’on appelle une « ordonnance de règlement », c’est-à-dire que le fonctionnaire a été « mis en accusation » devant la cour d’assises sous la qualification de « meurtre ». Tout le monde se rappelle les trois semaines d’émeutes qui avaient suivi la mort du jeune Nahel, accompagnées de polémique politique particulièrement violente. Les violences devenues complètement habituelles qui ont suivi l’événement sportif ont démontré qu’il n’était pas besoin d’une tragédie, pour les déclencher et les accompagner de pillages. Un simple prétexte suffit, attisé par les rodomontades d’autorités publiques incompétentes d’une part, et opposition politique jamais en retard d’une démagogie clientéliste d’autre part. Ce qui, face au caractère inéluctable de ces émeutes, amène à se poser la question de savoir si quelque part les débordements du lumpenprolétariat des cités, n’arrange pas les jumeaux symétriques de cette partie de tennis délétère. Les ministres, Justice et Intérieur réunis, flirtant avec le racisme, et relayés par les télés poubelles dénonçant bruyamment « la racaille », et affrontent les portes-flingues de la « gauche petite-bourgeoise ». Qui présentent les mêmes à la fois comme des victimes à protéger, mais aussi comme les représentants d’un « nouveau prolétariat rédempteur ». Oubliant opportunément Lénine approuvant Marx et disant : « Le lumpenprolétariat, cette pourriture la plus basse de la population, est incapable d’organisation et toujours prêt à se vendre à la réaction. ».

La réponse judiciaire aux violences et aux pillages a été celle à laquelle on pouvait s’attendre. Fruit d’une politisation des magistrats qui partagent les positions de la petite bourgeoisie urbaine, les décisions ont été marquées par une indulgence voire une complaisance parfois risible. Au grand dam d’une opinion publique en rage, qui garde le souvenir cuisant de la violence de la répression judiciaire des gilets jaunes par exemple. Et c’est dans ce contexte qu’est intervenue l’information du renvoi devant la cour d’assises du policier auteur du coup de feu mortel contre le jeune Nahel à l’occasion d’une course-poursuite pour refus d’obtempérer. Et bien évidemment, les mêmes qui protestaient contre la faiblesse des sanctions contre les pillards et ceux qui agressaient policiers et pompiers, se sont répandus qui en imprécations contre les « juges rouges », et en proclamations de soutien au policier « injustement poursuivi »

Ce télescopage, au-delà du révélateur politique et social démontre une fois de plus l’inculture juridique et judiciaire non seulement de l’opinion publique de notre pays, mais également de ses classes politique et journalistique. Cette ignorance de ce qu’est, et de ce que doit être la justice, rôle du droit dans une démocratie représentative permet toutes les manipulations et toutes les démagogies. Nous en avions eu déjà, de beaux exemples avec le choix du slogan « justice pour Nahel, pas de justice pas de paix » et la polémique autour de la cagnotte Messiha. LFI en tête, qui envoyait ses perroquets sur les plateaux ânonner des slogans auxquels manifestement ils ne comprenaient pas grand-chose. Accompagnés par les belles âmes demandant l’interdiction « de la cagnotte de la honte ».

L’ordonnance de mise en accusation qui prononce donc le renvoi du policier mis en examen devant les assises a bien évidemment relancé le festival combinant chantage judiciaire, mauvaise foi, démagogie et ignorance. Exactement, et au même moment, comme les émeutes post victoire du PSG et les réponses policières et judiciaires. Et pour les mêmes raisons, c’est ce que nous allons voir.

Rappel de quelques principes

Du point de vue judiciaire, la mort du jeune Nahel est un événement que l’institution prévue à cet effet devrait appréhender, pour d’abord dans un premier temps établir ce qu’il s’est passé, puis qualifier juridiquement les faits pour en tirer les conséquences par des décisions ayant force exécutoire. Dans la mesure où l’État va exercer à cette occasion sa « violence légitime », le processus d’élaboration doit être strictement normé et pour fonctionner, la justice pénale doit respecter un certain nombre de principes essentiels, en général très mal connus, et assurer un débat contradictoire – seul moyen d’appréhender le réel pour aboutir à une « vérité judiciaire » utilisable par le juge. Et c’est tout, simplement tout. La justice, comme la plus belle des femmes, ne pouvant donner que ce qu’elle a.

Malheureusement pour différentes raisons, faute de moyens et du fait d’une politisation dangereuse, la justice française est à la dérive. Et ceux qui poursuivent des objectifs sans rapport avec cette mission vont systématiquement et à chaque fois tenter de la manipuler. L’affaire Nahel en est une nouvelle illustration. Et réciproquement Et l’on sait qu’assigner à la justice des objectifs qui ne sont pas les siens implique nécessairement la mise en cause des principes fondamentaux et par conséquent des libertés publiques.

Dans la tragédie de Nanterre, une vidéo de quelques secondes a donné à voir une violence policière inutile qui s’apparentait à un homicide volontaire. Suscitant l’émotion que l’on connaît, les utilisations politiciennes et l’explosion sociale qui n’attendait que son étincelle.

Le jeudi 29 juin, le procureur de Nanterre a lu un communiqué décrivant les faits tels qu’une enquête rapide avait pu les établir et les conséquences judiciaires qu’entendait, dans un premier temps, en tirer l’autorité de poursuite. Constatations matérielles, témoignages divers et vidéos de surveillance donnaient un éclairage dont il résultait que le jeune Nahel, circulant au volant d’un véhicule puissant et multipliant les infractions dangereuses au code de la route, avait refusé de s’arrêter malgré les demandes de deux motards de la police jusqu’à être coincé dans un embouteillage. Embouteillage dont il avait tenté de s’extraire malgré les ordres des deux policiers, l’un d’entre eux faisant alors usage de son arme avec les conséquences mortelles que l’on connaît. Cette description était celle que pouvait faire le procureur grâce à ses pouvoirs d’enquête 24 heures après les faits. Il considérait à ce moment que les conditions légales pour l’usage d’une arme létale n’étaient pas réunies et annonçait l’ouverture d’une information judiciaire, c’est-à-dire la désignation d’un juge d’instruction, pour homicide volontaire, et la réquisition d’un mandat de dépôt pour le fonctionnaire auteur du tir. Pour une fois, force était de constater que le parquet de Nanterre avait fait convenablement son boulot.

Bon, naufrage politique national aidant, cela n’a absolument pas empêché les récupérateurs professionnels qui se trouvent de part et d’autre de l’échiquier politique de continuer à galoper, les lâches de finasser, et les ignares d’éructer. « La justice, on veut bien, mais à condition qu’elle nous donne raison. Même si nos revendications sont ineptes et surtout destinées à nous faire valoir et à exercer des chantages politiques ».

Démagogie et chantage judiciaire

Le premier à monter à l’assaut fut l’avocat que l’on retrouve habituellement dans ces affaires, contempteur professionnel du racisme systémique de l’État français. Produisant un communiqué chef-d’œuvre de démagogie : il annonçait le dépôt d’une plainte « pour homicide volontaire contre le policier auteur du tir » et, pour faire bon poids, contre son collègue pour complicité. Désolé, mais cette annonce à grand son de trompe était absurde. Plainte inutile puisqu’il était évident que le parquet avait d’ores et déjà réalisés son enquête préliminaire et pris en conséquence ses décisions d’ouverture d’information judiciaire. C’est-à-dire la désignation d’un juge du siège pour conduire l’instruction. La famille que cet avocat disait représenter devrait se constituer partie civile devant le juge d’instruction et disposera de tous les privilèges procéduraux attachés à ce statut. Traduction : « je dépose une plainte. Je sais qu’elle est inutile et qu’elle ne servira à rien, et que c’est du baratin, mais comme ça j’épate les ignorants et je les mobilise ». Pour faire bon poids, on nous parla ensuite d’une plainte pour « faux en écriture publique » à l’encontre des policiers qui avaient rédigé un procès-verbal dans lequel ils indiquaient avoir été mis en danger par le redémarrage de la Mercedes. Là aussi, plainte inutile, puisque pendant l’instruction il sera loisible à la partie civile de solliciter cette incrimination. On passe ensuite à la « demande de dépaysement avec dessaisissement immédiat du parquet de Nanterre » parce que celui-ci révélerait « son incapacité totale à diriger cette enquête d’une manière sereine et objective ». Bigre, le confrère est un rapide : au bout de quelques heures il avait déjà une idée très arrêtée sur la sérénité du procureur. Sur son objectivité aussi, en oubliant qu’un procureur avocat de la République n’a pas à être objectif, pas plus qu’un avocat défendant un particulier. Celui qui doit être objectif et impartial c’est le juge du siège. Et que dans une justice normale, ce sont les règles du code de procédure qui déterminent les compétences. Pas plus qu’on ne choisit son juge, on ne choisit son parquet, fut-il un adversaire.

La raison de cette défiance apparaît dans le communiqué qui reproche au procureur d’avoir ouvert une enquête sur les refus d’obtempérer et les « mises en danger délibéré d’autrui » concernant le véhicule Mercedes. Infractions que l’enquête a permis d’établir et qui ont leur importance dans l’enchaînement des faits ayant conduit au tir mortel. Ce que ne voulait surtout pas les tenants de la politisation de l’affaire, c’était que l’on puisse écorner l’image du martyr, présenté par toutes les belles âmes comme « un petit ange parti trop tôt ». Il y eut également les menaces de procédure contre ce qui aurait invoqué l’existence d’un casier judiciaire. Alors même qu’il semblait bien que sa virginité avait plus à voir avec la durée des procédures qu’avec un comportement irréprochable. Donc dès le début de l’affaire, les protagonistes – et en particulier les militants et figures de la France insoumise – ont instrumentalisé le droit pour soutenir leur stratégie politique. On retrouvait notamment parmi eux tous les activistes qui animent les comités Adama Traoré, et ont repris le mot d’ordre « pas de justice, pas de paix ! »

Alors, « pas de justice » ? Sur le plan judiciaire, la justice était en route, les procédures en cours, des juges d’instruction désignés, le policier auteur du coup de feu mortel a été mis en examen pour meurtre, il fut mis en détention, et de nombreuses investigations étaient en cours. Donc il n’était pas possible de dire à ce moment qu’il n’y avait « pas de justice ». Celle-ci s’est mise en mouvement dans le respect des procédures et des principes qui gouvernent le procès pénal dans un pays civilisé. Ce mot d’ordre était donc absurde, sauf à considérer par avance que la justice ne serait pas rendue. Ou bien à estimer que l’on peut se dispenser d’une procédure régulière, pour lui préférer un lynchage en bonne et due forme qui viendrait succéder au procès médiatique auquel toute la France d’en haut a participé.

Il est significatif que toutes ces argumentaires aient été minutieusement repris par les têtes d’affiche LFI comme autant d’éléments de langage permettant de faire vivre le slogan réactualisé de l’affaire Adama Traoré « Pas de justice, pas de paix ». Et tant pis pour ceux qui s’imaginent que la « Justice » c’est d’abord et avant tout le respect des procédures et le refus de l’arbitraire.

À ce stade, il convient cependant de rappeler quelques éléments profondément politiques. Tout d’abord, ce que l’on peut déjà savoir du drame de Nanterre, c’est que la responsabilité des deux policiers est t engagée. Et l’on doit légitimement se poser la question concernant les comportements des forces de l’ordre, et ce depuis quelques années. On se rappellera le sauf-conduit général à toutes les violences policières qui fut donné par Emmanuel Macron et par la justice qui les a couvertes, au moment de la crise des gilets jaunes. On se rappellera aussi l’attitude des forces de police au moment de la crise du Covid, appliquant toutes les réglementations coercitives les plus débiles avec célérité. Sans oublier bien sûr la répression zélée de tous les mouvements de revendication sociale ante ou post-covid.

Cette pression a particulièrement bien marché, puisqu’il apparaît que l’instruction a été nettement à charge, le policier mis en cause a dû subir une détention provisoire de plus de six mois alors qu’il présentait toutes « les garanties de représentation » qui aurait permis de la limiter et de respecter ainsi la présomption d’innocence. Cette attitude particulière de la justice est due à deux facteurs très directement politiques.

Tout d’abord la mort du jeune Nahel a constitué l’étincelle qui a mis le feu à la plaine et plongé la France dans une situation de quasi insurrection pendant plusieurs semaines. Il fallait apaiser et ne pas donner de grain à moudre aux démagogues et aux partisans du pire. Mais ensuite, la complaisance judiciaire avec le lumpenprolétariat issu de l’immigration a également joué son rôle. Les magistrats l’ont fait savoir au policier poursuivi.

Quand Jean Messiha jubile

Mais il ne faut pas oublier l’autre jumeau symétrique, le préposé habituel au retour des heures sombres qui s’est installée sur ses estrades pour délivrer le discours xénophobe que l’on attendait de lui. Parmi eux, qui d’autre que le zemmourien Jean Messiha, grand habitué des provocations arabophobes et des coups médiatiques ? Il a décidé de lancer une cagnotte faisant appel à la générosité des Français pour venir en aide à la famille du policier incarcéré. Immédiatement, et à la grande joie de Messiha : polémique géante, cris de rage, interventions outrées d’enfants de milliardaires du showbiz, et naturellement, comme d’habitude, appels à l’interdiction, à la suppression, et à la censure. Parce que cette cagnotte a pris très rapidement une tournure qui en a fait le thermomètre de l’exaspération d’une majorité écrasante de l’opinion publique. Face aux problèmes d’insécurité, d’immigration incontrôlée, et à l’invraisemblable chaos qui a succédé à la mort du jeune Nahel, on assistait sans surprise à un sondage très clair.

L’écoute des médias et des réseaux sociaux offrait une nouvelle démonstration de cette aversion pour la justice, ses principes et pour les libertés publiques en général. Le tout à base de cours de morale aussi pénibles qu’ineptes et de joyeuses et massives violations de la présomption d’innocence. Et comme d’habitude, après avoir dit que la police tuait et qu’il fallait la dissoudre, réflexe habituel, le camp des « pro-émeutes » se tournait vers la puissance publique pour lui demander de réprimer. En l’occurrence, d’interdire cette cagnotte si attentatoire à la morale, en utilisant d’ailleurs et de façon assez savoureuse le précédent de la cagnotte du boxeur gilet jaune Christophe Dettinger, en janvier 2019. Pour rappel, Marlène Schiappa, alors préposée à l’élaboration des âneries du discours macroniste, avait prétendu qu’il fallait dresser la liste des contributeurs et les poursuivre comme complices des coups de Dettinger. La cagnotte fut effectivement bloquée du fait de l’attitude de Leetchi, la société qui gérait le compte, et de la complaisance de la magistrature totalement mobilisée contre les Gilets jaunes et pour la protection d’Emmanuel Macron. Mais pour les gens de LFI, les petites infamies de la responsable du « fonds Marianne » offraient un précédent dont il fallait s’inspirer. En oubliant bien sûr que Jean-Luc Mélenchon lui-même avait protesté contre le blocage de la cagnotte Dettinger.

La cagnotte est licite

Alors comment se posait le problème ? Le caractère profondément déplaisant du comportement de Jean Messiha, en permanence dans la surenchère et jubilant de pouvoir narguer ses adversaires, était incontestable en ces moments difficiles. Pour autant, sur le plan juridique cet appel à la solidarité était destiné à la famille du policier incarcéré. Qui ne disposait plus de revenus et se trouvait en danger du fait de la révélation de son identité et de son adresse par les petits malins. Elle avait dû déménager en urgence pour se rendre dans un hôtel qu’elle du également dû quitter après dénonciation. La responsabilité collective n’existant pas en droit pénal, et il n’y a aucune raison pour ne pas venir en aide à cette famille en difficulté. Mais ce n’était pas le genre d’argument qui risquait de priver la meute de son appétit pour le lynchage.

Le sommet de la bêtise vindicative fut atteint par Arthur Delaporte parlementaire socialiste parlant de « crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ». Rien que ça !

Le rappel des éléments concernant le dossier de l’affaire de Nanterre nous est apparu nécessaire au regard de la polémique furieuse qui s’est de nouveau déclenchée à l’occasion du renvoi du policier auteur du coup de feu devant les assises pour meurtre. Polémique furieuse sur les éléments de laquelle il fallait revenir pour montrer comment la justice française est désormais complètement prise en otage par la bataille politique qui agite notre pays.

Qui oppose une opinion publique en rage contre ce qu’elle considère, souvent à juste titre, comme une complaisance à base idéologique de la justice pour ceux qui sont à l’origine d’une montée de l’insécurité qui pourrit la vie des couches populaires. Complaisance dénoncée par des démagogues exclusivement soucieux des échéances électorales, et qui se sont toujours bien gardés de donner à la justice française tant en termes de moyens matériels qu’en termes de recrutement, les ressources dont elle a besoin. En face d’elle, une partie de la classe politique que le clientélisme vis-à-vis « couches dangereuses » issue d’une immigration laissée à elle-même, ne rebute pas.

Démagogie et petits calculs scandent et organisent la vie politique dans notre pays. Symptôme d’une crise que des élites défaillantes ont contribué à installer et qui affecte une France, dirigée par un narcisse incompétent, sociopathe à la dérive marchant résolument vers sa catastrophe.

Source : Regis’s Substack
https://regisdecastelnau.substack.com/…

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