Par René Naba
Donald Trump dans les pétromonarchies du Golfe
Comme lors de son premier mandat présidentiel en 2016, Donald Trump a réservé sa première visite officielle à l’Arabie saoudite, si l’on excepte son déplacement au Vatican pour assister aux obsèques du Pape François.
Comme à l’accoutumée, la presse internationale s’est émerveillée des contrats mirifiques qu’il a conclus avec les autocrates du Golfe. Mais les observateurs lucides du Monde arabe ont été plongés dans une consternation insondable. Et pour cause.
Ainsi en Arabie saoudite, Donald Trump a empoché un contrat de 160 milliards de dollars d’armement. Une somme sensiblement équivalente à l’aide militaire américaine à Israël, dans la première phase de la guerre de destruction de Gaza et de l’anéantissement des Palestiniens de l’enclave. Un contrat de compensation des sommes engagées par les États Unis pour épauler Israël dans sa besogne. Autrement dit le Royaume wahhabite a épongé les dettes contractées par l’Amérique dans cette affaire. A bas prix pour sa dignité.
La générosité saoudienne n’a pas été, en effet, payée de retour. Donald Trump a exclu de la transaction le chasseur bombardier de supériorité technologique, le F 28, un avion furtif par les États Unis et…Israël, dans le but précisément de maintenir une supériorité militaire à l’état hébreu.
Lors de la précédente visite du président américain, en 2017, le régime saoudien avait conclu une transaction militaire d’une valeur de 460 milliards de dollars, mais cet arsenal n’a été d’aucun secours au Royaume dans sa guerre d’agression contre le Yémen. Au terme d’une guerre de dix ans, désastreuse pour son image, le chef de file du Monde arabe et islamique a été contraint de souscrire à un cessez le feu avec le plus pauvre des pays arabes. Un exploit réalisé en dépit du blocus américain des côtes yéménites et du soutien multiforme des pays occidentaux et de leurs mercenaires à leur bailleur de fonds saoudien.
Le Qatar n’a pas été en reste. La principauté gazière va débourser 200 milliards de dollars pour doter la flotte de Qatar Airways de 156 gros transporteurs Boeing.. Avec en prime, un cadeau fastueux: un Boeing 747 B8, d’une valeur de 400 millions de dollars, doté de cinq salles de bain, de luxueux salles à manger et de non moins luxueux bureaux de travail, avec tous les gadgets électroniques y afférents.
Tant de prosternation devant l’artisan du Muslim Ban laisse rêveur, contrastant avec le geste du défunt pape François consignant dans son testament l’affectation d’un de ses papamobiles à la population de Gaza, transformée en la circonstance en clinique ambulante.
Tant de faste et de contorsionnement devant l’artisan du Muslim Ban, pose la question du ressort de l’Islamophobie. Il découle de cette distorsion de comportement que l’islamophobie frappe les musulmans de droit commun, « The ordinary people », toujours, les puissants, jamais. Ce qui m’empêche pas néanmoins un islamophobe rabique Eric Zemmour de se livrer méticuleusement à des statistiques ethniques sur la criminalité des basanés (noirs et arabes majoritairement musulmans), occultant soigneusement la criminalité en col blanc ou pis, la criminalité de ses coreligionnaires de Bernard Madoff, qui a sinistré l’économie américaine, à Harvey Weinstein, le prédateur sexuel des starlettes d’Hollywood et d’ailleurs, à Jeffrey Epstein, le trafiquant de la chaire fraîche, enfin Dominique Srauss Kahn, sans parler du scandale de la taxe carbone.
Curieux cheminement que cette phobie en ce que l’lslamophilie a précédé l’Islamophobie. Songeons à la séquence « des combattants de la liberté » de la guerre anti soviétique d’Afghanistan (1979-1989), de la Tchétchénie, du Caucase et de la Bosnie (1995) 2011-2021) sans parler de la séquence dite du « printemps arabe ». Une islamophilie qui autorise un autocrate à découper à la scie un de ses opposants, en l’occurrence Jamal Khashoggi, et continuer à se pavaner devant un parterre de puissants de ce monde, particulièrement les dirigeants des « grandes démocraties occidentales ».
Mais pourquoi donc les autocrates du Golfe ne tirent-ils pas les leçons de l’Histoire, quand on songe au tragique destin du Chah d’Iran, à celui de Saddam Hussein, de Mouammar Kadhafi, cruellement éliminé, comble de l’ingratitude, par le président Nicolas Sarkozy dont il avait financé sa campagne électorale.
Clin d’œil racoleur: L’atterrissage de Donald Trump sur la terre de la prophétie musulmane a été salué par le symbole de la contre culture américaine contestataire et de la libération sexuelle de la décennie 1980: WMCA du groupe californien Village People. Un clin d’œil de la part des dirigeants d’un pays qui passe pour être un des plus gros consommateurs du captagon. Comprenne qui voudra.
Illustration
Le président américain Donald Trump posant à côté d’un drone MQ-9 Reaper sur la base militaire d’Al-Udeid, à Doha au Qatar, le 15 mai 2025. AP – Alex Brandon
Source : auteur
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