Par Naram Sarjoun
Trois jours de deuil national ont été observés après l’attaque terroriste meurtrière du 5 octobre courant par des drones armés, juste après la fin de la cérémonie de promotions d’officiers à l’Académie militaire de Homs, en Syrie. Des parents, des enfants, des amis, des instructeurs et des frères d’armes s’étaient rassemblés en une foule compacte pour célébrer l’événement d’autant plus réjouissant qu’un certain optimisme flottait dans l’air après l’annonce de l’accord stratégique syro-chinois suite à la visite de la délégation syrienne et du couple présidentiel en Chine. Le 6 octobre, le ministère de la santé annonçait 89 décès, dont 31 femmes et 5 enfants, ainsi que 277 blessés, certains dans un état grave.
Depuis le 7 octobre les regards du monde entier sont tournés vers la Palestine occupée où l’évolution des attaques et des ripostes démesurées posent deux questions essentielles. Celle de savoir si une immense douleur transformée en colère puis en résistance contre l’occupant n’est pas une force insoupçonnée qui rétablira les droits des Palestiniens, comme ce que nous percevons de l’évolution du ressenti de l’écrivain syrien, Naram Sarjoun, trois jours après le massacre de Homs [1][2]. Et celle de savoir si les Israéliens n’ont pas laissé faire pour mener une guerre totale contre les Palestiniens et rayer Gaza de la carte [3], comme se le demandent certains observateurs régionaux et occidentaux, dont le Docteur Philip Giraldi et le Professeur Michel Chossudovsky. [NdT].
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Extraits de l’article du 6 octobre :
Je crois assurément que l’immense douleur qui nous habite rendrait quiconque capable d’écrire l’Iliade même s’il est analphabète.
Néanmoins, cette fois-ci la douleur rend l’écriture difficile, voire impossible, car elle s’accompagne d’un arrière goût comparable à celui du crime commis ce 5 octobre à Homs. Y a-t-il quelque chose de plus difficile que d’écrire alors que le cœur est drapé d’un linceul, que les dix doigts sont morts et que les sentiments sont incandescents comme les braises ? Et ce qui est plus difficile encore est de lire le ressenti douloureux des uns et des autres, parce qu’une telle lecture enfonce le couteau dans le cœur et que nos yeux sont encore remplis des derniers sourires énigmatiques de nos martyrs, comme s’ils nous mettaient au défi de les comprendre au moment même où ils se préparaient à leur dernier voyage.
Hier, à Homs, nos martyrs ne sont pas tombés en se battant contre la mécréance islamiste, contre les sionistes ou d’autres ennemis. Ils sont tombés pendant qu’ils célébraient un jour de fête ; ce qui est encore plus déchirant pour tout Syrien qui voit cette guerre continuer de dévorer la jeunesse de son pays et ses enfants, même lorsqu’ils se trouvent loin des fronts des combats.
À l’évidence, ceux qui veulent que cette guerre s’éternise ont fini par trouver qu’il est plus facile et moins coûteux de recourir à des opérations plus meurtrières sans confrontation directe, comme lancer des explosifs sur les bus transportant des soldats ou des civils, tendre des embuscades et désormais, utiliser des drones tueurs pour des frappes autrement plus traitresses. Ce qui fait que nous ne devrions plus mourir en nous battant, mais plutôt au cours d’un déplacement à l’intérieur du pays, d’une cérémonie ou d’une célébration avec échange de félicitations et d’accolades affectueuses. C’est une mort d’une terrible laideur.
Les meurtriers parleront de cet événement pour dire qu’il s’agit de messages échangés entre États, en rapport avec les couloirs de transport de l’énergie ou la Route de la soie, voire le blocage d’un règlement entre ceux-ci et ceux-là. Mais, de grâce, dispensez-nous de tous ces commentaires. Le sang syrien qui coule dans nos veines n’a pas à servir d’encre aux courriers entre les nations. Et nos corps engendrés par cette terre syrienne ne sont pas nés pour envelopper leurs communiqués. Quant à notre pays, il n’est certainement pas une boîte aux lettres à leur service […].
Ce qui s’est passé est un défi osé contre notre dignité, notre sécurité et contre le prestige de notre victoire qui a forcé le monde à ne pas oublier de respecter notre volonté d’indépendance. Nous lui avons appris que si tous les assassins de la terre se rassemblaient, ils n’auraient pas raison de notre pays. Nous lui avons appris aussi que si les nations de la Terre, les Conseils de sécurité, l’ensemble des médias, les dirigeants et les armées du monde se rassemblaient, nous serons crucifiés comme le Christ et nous ressusciterons.
Le lâche massacre de Homs en tant que message interétatique ne m’intéresse donc pas. Cependant, il a quand même rappelé l’un des plus beaux vers de la poésie arabe : « L’épée dit plus de vérité sur les événements que tous les écrits, car son fil tranche entre le sérieux et le jeu ». En l’occurrence, « le jeu » est dans les négociations sans fin avec la Turquie, Israël, les États-Unis d’Amérique, les prétendues Forces démocratiques syriennes (FDS), et l’Iran en ce qui concerne son dossier nucléaire.
Ce massacre nous dit très brièvement qu’arrêter de nous battre en 2018 était injustifié, car l’ennemi a bénéficié de la longue trêve qu’il a voulue, afin de réviser ses calculs et se renforcer. Une trêve de cinq années au cours de laquelle nous avons subi des pertes quasi-quotidiennes :
- Les FDS ont été armées et renforcées, plantant leurs griffes dans la chair de l’Euphrate et le corps de notre précieuse Jazira au nord est du pays, enfonçant leurs doigts séparatistes dans les yeux des tribus arabes.
- Les groupes armés jusqu’aux dents d’obédience turque ont pris racine et se sont retranchés dans Idleb au nord-ouest, tout comme la livre et la langue turques se sont enracinées dans une partie non négligeable du nord du pays, au point où nous risquons de voir surgir un deuxième « Sandjak d’Alexandrette » amputé de la Syrie sous la direction d’Al-Joulani, l’agent turc par excellence.
- Au sud et notamment à Sweïda, d’autres agents de l’étranger s’en sont pris à l’État parce qu’ils ont compris qu’il avait à s’occuper de problèmes autrement plus importants.
Cinq années d’une prétendue trêve au cours desquelles les États-Unis d’Amérique ont fait en sorte que des centaines d’entre nous soient tués par Daech, les frères de Daech, les raids israéliens et les raids américains.
Il aurait mieux valu offrir ces immenses sacrifices sur les fronts des combats, car le fait de ne pas riposter alors que nous étions capables de nous battre nous a ôté notre capacité de dissuasion. D’où l’audace de leurs embuscades par procuration et leurs attaques aériennes répétées, par avions et par drones, en toute impunité.
Quiconque parmi nous prétend que l’un de ces terroristes agit indépendamment de l’ordre reçu par une cellule opérationnelle du renseignement des États-Unis se fait des illusions ou alors, il est lui-même un agent américain. Sinon, comment se fait-il qu’alors qu’il est de notoriété publique que les États-Unis ont tué le chef et premier calife de Daech, Abou Bakr al-Baghdadi, puis les trois califes après lui, l’organisation Daech n’ait pas cherché à se venger en s’en prenant à un seul soldat américain, mais a assouvi sa vengeance sur des centaines de soldats syriens, de simples bergers et même de pauvres gens partis récolter des truffes en plein désert ? Et comment se fait-il que l’organisation Al-Qaïda retranchée à Idleb et son chef actuel, Al-Joulani, lesquels ont envoyé des centaines de drones sur nous et sur nos alliés, n’ont jamais pensé à lancer un seul drone, même rudimentaire, sur un véhicule américain, alors qu’ils savent parfaitement que leur maître Oussama ben Laden et son successeur Al-Zawahiri ont été tués par les Américains ?
Je n’accuserai donc pas les terroristes qui ont exécuté cette opération sanglante à Homs, car tout terroriste est un soldat américain élevé au rang de mécréant islamiste ; un criminel et un employé de la CIA avec un salaire officiel, une mission spécifique et les avantages qui vont avec. Les Américains, les Turcs et les Israéliens sont les assassins, et si nous avions agi pour les en dissuader, aucun terroriste n’aurait osé agir de la sorte parce que ses maîtres l’auraient écorché vif pour avoir provoqué une riposte syrienne.
L’Armée syrienne est responsable en premier lieu de la protection du peuple syrien, non l’Iran ou la Russie, deux alliés auxquels nous exprimons notre gratitude et notre amitié. Chacun d’entre nous a ses propres calculs et préoccupations et chacun tient un rôle spécifique dans cette guerre. Il n’empêche que nous devons peut-être leur rappeler, une fois de plus, qu’ils sont ciblés comme nous le sommes […].
La guerre coûtera beaucoup moins cher que l’attente mortelle des négociations. Il est devenu nécessaire d’utiliser nos atouts mis de côté et de sortir nos missiles rangés dans leur hangar. Ils ne sont d’aucune utilité s’ils ne servent pas à dissuader les ennemis de s’en prendre à notre peuple et à notre pays. Et si comme l’a répété le penseur russe Alexander Douguine « sans la Russie, le monde ne mérite pas d’exister », ce qui est en soi une menace terrifiante suggérant un suicide nucléaire, nous devrions adopter cette même philosophie à ce stade de notre résistance à nos ennemis. […].
Extraits de l’article du 8 octobre :
Le message que l’Axe de la Résistance a posté hier, 7 octobre, dans la boîte aux lettres israélienne s’adresse également aux Américains, à savoir que les bases américaines dans la région seront exposées aux mêmes humiliations qu’Israël s’ils ne plient pas bagages et mettent fin à leur occupation illégale de la Syrie.
Partant de là, les séparatistes kurdes doivent bien comprendre le message adressé aux Américains, lesquels auront certainement bien compris que les combattants de Gaza ont accompli des tactiques conçues et enseignées par l’Axe de la résistance. Et ceux qui se sont enracinés dans le nord et le nord ouest de la Syrie, devront ouvrir grand leurs yeux pour ne pas être surpris de voir leurs bases envahies de la même façon.
Quant à la poignée de matamores qui manifestent à Sweïda en appelant aux armes et au jihad, tout en recevant des cargaisons de dollars et des promesses de victoire de la part de leurs amis en Israël afin de leur gonfler le moral, ils doivent se rendre compte qu’Israël n’arrive même pas à assurer sa propre victoire.
Pour conclure, il est important de noter qu’une source digne de confiance affirme que la direction du Hamas n’a appris l’attaque sur Israël que par les médias, car l’Axe de la résistance n’a communiqué qu’avec les dirigeants de l’aile militaire de la Résistance gazaouie et son chef Mohammad al-Deif, non avec l’aile politique dirigée par Ismaïl Haniyeh.
Naram Sarjoun
2023/10/08
Sources : Blog de l’auteur
الكفر الاسلامي .. مجزرة حمص الحد بين الجد واللعب ؟؟ أن نكون أو لا نكون[1]
الخراب الثالث .. رسالة للأميريكيين من محور المقاومة في صندوق بريد العنكبوت[2]
Traduction par Mouna Alno-Nakhal
Source : Mouna Alno-Nakhal
Notre dossier Syrie