Mai 2021, Islamabad – Manifestation de soutien au peuple palestinien
Photo : via arabnews.pk
Par Adnan Abu Amer
Malgré ses capacités militaires meurtrières, Israël est toujours amèrement déçu de perdre la bataille de communication au profit des Palestiniens, qui font des percées significatives dans l’opinion publique internationale. Plusieurs faits illustrent l’échec d’Israël sur les fronts diplomatique et médiatique.
L’un d’entre eux est l’assaut israélien contre la Flottille de la liberté menée par le Mavi Marmara qui se dirigeait vers Gaza en 2010 pour briser le blocus. L’agression a été un double échec pour Israël, qui a admis qu’il ne s’attendait pas à trouver autant de militants de la solidarité à bord du navire.
Bien qu’elle n’ait pas été autorisée à atteindre Gaza, la flottille a atteint son objectif en étant identifiée aux Palestiniens et en délégitimisant Israël par son détournement de la flottille dans les eaux internationales.
Le comportement dément et illégal d’Israël a été exposé avec des images de soldats de l’État d’occupation tirant sur des civils palestiniens désarmés.
Cela suggère qu’Israël ne parvient pas à imposer son récit alors que les médias sociaux peuvent projeter des images alternatives et plus précises dans le monde entier en l’espace de quelques secondes.
Tel Aviv est donc exposé à de forts coups politiques et médiatiques, et bien qu’Israël dispose d’un budget militaire considérable, il a tendance à sous-estimer l’objectif qu’il doit surmonter en termes de relations publiques.
Le message ne passe pas… Cela a un effet direct sur l’issue du conflit, étant donné qu’aujourd’hui la guerre ne se limite pas à la confrontation armée, mais dépend aussi des récits et des images.
Lire également : Flottille pour Gaza : des militants assassinés froidement et à bout portant… par Robert Booth
Les messages anti-israéliens sur les médias sociaux font désormais partie intégrante de toute confrontation militaire. Il suffit de considérer les conséquences de l’assassinat de la journaliste palestino-américaine d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh pour voir comment cela a joué contre Israël et son récit mensonger.
Les pessimistes du côté israélien soulignent que les caméras peuvent être plus efficaces que les bombes et les balles. Ils admettent que les dommages qu’ils subissent en raison de cette campagne de délégitimation permanente sont graves et difficiles à mesurer.
L’exemple le plus infâme à cet égard est sans doute le meurtre de Muhammad Al-Durrah, un enfant palestinien de 12 ans, en septembre 2000, au début de l’Intifada Al-Aqsa. Il a été abattu en direct, sous les yeux du monde entier. La tentative d’Israël de rejeter la responsabilité de cet acte sur les Palestiniens n’a trompé personne.
Cet échec narratif israélien pourrait pousser le nouveau gouvernement israélien d’ultra-extrême-droite à utiliser une main de fer contre les mouvements de boycott visant l’État d’occupation. Il pourrait également limiter l’accès aux médias sociaux, notamment en raison de leur utilisation efficace par le groupe Le Repaire aux Lions en Cisjordanie occupée pour attaquer les soldats et les colons illégaux tout en s’attirant le soutien de la rue palestinienne.
Il est vrai que les attaques israéliennes contre les Palestiniens sont meurtrières, mais sur le plan des médias et de la propagande, Israël ne semble pas disposer d’une stratégie organisée pour établir un sentiment de légitimité ou suivre le rythme de ses offensives militaires.
Les responsables israéliens ne se tiennent pas devant les caméras pour fournir des réponses au public israélien.
Ainsi, l’armée engagée dans des offensives à Gaza, Jénine et Naplouse 24 heures sur 24 manque de moyens de partage de l’information tels que la production de vidéos qui pourraient être diffusées au bon moment. En termes de propagande, ces opérations sont sans valeur et ne parviennent même pas à impliquer le public israélien dans le processus de diffusion, ce qui a un effet négatif sur l’opinion internationale.
Par conséquent, de nombreuses opérations militaires contre les Palestiniens n’ont pas les moyens de fournir des informations en temps réel aux citoyens israéliens. Il est un fait que le monde voit les images les plus brutales des territoires palestiniens occupés, ce qui reflète la faiblesse de la machine de propagande israélienne.
De nombreuses institutions israéliennes sont engagées dans la production de matériel de propagande, tout comme les lobbyistes pro-israéliens du monde entier, mais elles manquent pour la plupart de coordination et n’utilisent pas de technologies avancées pour les différents médias.
Il s’agit d’une étrange omission ou d’un oubli de la part d’Israël, qui fait que les images provenant de Gaza, par exemple, constituent un énorme embarras pour Israël et son récit trompeur d’ « autodéfense ».
Après avoir subi un blocus depuis 2007, ce n’est que maintenant que Gaza reçoit des appels locaux et internationaux pour que ce blocus soit levé. Cela ne devrait pas être surprenant, étant donné qu’une famille palestinienne entière a été brûlée vive récemment parce que les équipements de défense civile et de lutte contre les incendies font partie des articles interdits par Israël dans le cadre de son blocus meurtrier.
Lire également : Voler et tuer en toute impunité ne suffit plus, il faut aussi le silence par Zena al-Tahhan
Les discussions internationales sur Gaza se concentrent sur les questions humanitaires, notamment le niveau élevé de pauvreté et le nombre de personnes tuées et blessées lors des offensives israéliennes. Le fait que l’occupation israélienne est responsable de la situation à Gaza est connu… plus personne ne peut prétendre à l’ignorance, ce qui fait qu’Israël perd la bataille narrative.
Les images montrent une femme palestinienne portant un drapeau de la Palestine devant le mur de l’apartheid en Cisjordanie occupée, qui est ensuite abattue et tombe à terre ; ou un jeune garçon recevant en pleine tête une balle tirée par des soldats lourdement armés ; ou des dizaines de chars se préparant à affronter de jeunes Palestiniens sur le point de brûler des pneus de voiture.
Les experts en propagande israélienne savent qu’il s’agit, en fait, de bombes médiatiques qui profitent davantage aux Palestiniens que les roquettes et autres projectiles tirés à travers la clôture de séparation vers des cibles israéliennes.
Ces images symbolisent le rapport des forces défavorable aux Palestiniens et montrent clairement qu’il s’agit d’un conflit asymétrique : c’est David contre Goliath, mais Israël n’est certainement pas David !
En débridant les règles d’engagement pour donner aux soldats une plus grande latitude pour tuer lorsqu’ils tirent sur les Palestiniens, Israël se tire en fait une balle dans le pied. Ce changement n’est pas seulement cruel et mortel, il illustre aussi un profond crétinisme.
Auteur : Adnan Abu Amer
* Adnan Abu Amer dirige le département des sciences politiques et des médias de l’université Umma Open Education à Gaza, où il donne des cours sur l’histoire de la Cause palestinienne, la sécurité nationale et lsraël.Il est titulaire d’un doctorat en histoire politique de l’université de Damas et a publié plusieurs ouvrages sur l’histoire contemporaine de la Cause palestinienne et du conflit israélo-arabe.
Il travaille également comme chercheur et traducteur pour des centres de recherche arabes et occidentaux et écrit régulièrement pour des journaux et magazines arabes. Son compte Facebook.
23 novembre 2022 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine
Source : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/…