Par René Naba

Zouheir Siddiq, les confessions d’un faux témoin repenti du procès Hariri
-«Je veux bénéficier du droit d’asile politique au Liban».
Zouheir Siddiq était détenu dans un village au Soudan.
Saad Hariri et Wissam Hassan ont menacé de me kidnapper et d’égorger mon fils, Samir (11 ans).
Wissam Al Hassan m’a chargé d’aviser Gébrane Tuéni du projet d’attentat ourdi contre sa personne.


Zouheir Siddiq et le contexte de l’époque.

Son nom a défrayé la chronique politico-judiciaire de la décennie 2000 et tenu en haleine les observateurs internationaux dans le rocambolesque feuilleton médiatique du Procès Hariri, avant de sombrer dans l’oubli… vedette d’un jour, paria pour toujours.

Mohamad Zouheir Siddiq, de son vrai nom, agent syrien soudoyé par par le clan Hariri, devait tout à la fois criminaliser la Syrie et le Hezbollah en les incriminant dans l’assassinat de Rafic Hariri, ancien premier ministre libanais et chef du clan saoudo américain au Liban.

Une accusation qui se situait dans le prolongement de la stratégie de diabolisation de ces deux pivots essentiels de l’axe de la contestation à l’hégémonie israélo-américaine menée par les occidentaux, notamment les États-Unis et la France, dont le président d’alors Jacques Chirac sera le pensionnaire posthume du milliardaire saoudo libanais, Quai Voltaire à Paris.

L’accusation anti syrienne avait été théorisée par l’ambassadeur de France à Beyrouth, Bernard Emié, futur directeur de la DGSE, sur «la responsabilité implicite de la Syrie» dans l’assassinat de Hariri.

L’accusation anti syrienne est venue en prolongement de la «Syrian Accountability Act», votée par le Congrès américain, deux ans plus tôt, pour rejeter sur la Syrie la responsabilité de l’enlisement américain en Irak, le 12 Décembre 2003 et son prolongement au Liban le Hezbollah Accountability Act (HATA).

Pour aller plus loin sur ce point : https://www.renenaba.com/sous-la-syrie-le-hezbollah/

Rafic Hariri a été assassiné, le 14 Février 2005, au cours d’un attentat à la voiture piégée qui avait coûté la vie à 22 autres personnes.

L’enquête à charge a pâti de nombreux dysfonctionnements. Un élément, plus que tout, a jeté un discrédit sur l’enquête menée par l’allemand Detlev Mehlis: Le témoignage Mohamed Zouheir Siddiq. Ce dernier avait prétendu être un membre important des services secrets syriens au Liban, alors qu’il n’était en fait qu’un simple chauffeur d’un général syrien et recherché pour détournement de fonds. Mohamed Zouheir Siddiq a été arrêté en France en octobre 2005 à la demande du procureur libanais Saïd Mirza en coordination avec la commission d’enquête.

La France a refusé cependant son extradition au Liban le 13 mars 2008, au prétexte qu’elle n’avait pas l’assurance que le justiciable n’encourrait pas la peine de mort. Puis, contre toute attente, la France a prétendu, via son ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, avoir «perdu» Zouheir Siddiq. Certains y ont vu le signe d’un embarras face à l’effondrement de la thèse de l’implication syrienne.

En fait, le subterfuge du faux témoin a été démasqué par son empressement à révéler à son frère avoir perçu cinq millions de dollars comme prix de son faux témoignage. Une révélation faite depuis son portable dont la communication a été interceptée.

Dans l’embarras, la France a alors délivré un faux passeport de l’Europe de l’Est à Zouheir Siddiq pour l’exfiltrer via l’Egypte aux Emirats arabes Unis. Arrêté en 2009, à Charjah, il a été détenu un temps par les services de sécurité des Emirats arabes Unis, avant de disparaître à nouveau.

Douze ans après, Zouheir Siddiq rompt le silence pour se livrer à d’intrigantes révélations. Mais Al Akhbar, nullement dupe de la manœuvre, se pose la question du timing de sa réapparition et surtout la question fondamentale de savoir à qui profite cette apparition, autrement dit pour qui roule ce zombie syrien? Pour l’Egypte et l’Arabie saoudite, en vue de torpiller la candidature de l’héritier du clan, Saad Hariri au poste de premier ministre, désormais non grata pour ces deux pays? s’interroge le journal libanais.

2 – Les révélations de Zouheir Siddiq: Le récit d’Al Akhbar.

«L’appel provenait d’un mobile portant un numéro étranger. L’interlocuteur anonyme s’est présenté comme étant un médecin traitant un homme souffrant qui réclame de l’aide, dont il ne connaît pas l’identité, mais dont l’épouse se nomme Daad Al Ghoussaymi.

Une rapide vérification révèle l’identité de l’époux: Mohamad Zouheir Siddiq. Le journal demande alors confirmation de l’identité. La réponse intervient aussitôt: L’épouse reprendra contact avec le journal dans un bref délai.

Le journal: Cet indice n’est pas suffisant. Un indice plus concret est nécessaire, une vidéo par exemple.

Réponse: Cela n’est pas possible car la personne est en résidence surveillée, sous forte garde, qui interdit la possession d’un portable.

Deux semaines plus tard, un message parvient au journaliste d’Al Akhbar, via une application. Le message assure que l’expéditeur est Zouheir Siddiq et demande de s’entretenir avec le journaliste, objet du premier appel. Al Akhbar exige alors que l’entretien se fasse par son et image pour s’assurer de l’identité de l’interlocuteur.

Zouheir Siddiq, en personne, apparaît alors. L’homme dont le faux témoignage a servi de détonateur à accuser la Syrie et servi de prétexte à la «Révolution Orange», qui a abouti au départ des troupes syriennes du Liban.

Zouheir Siddiq portait une simple tunique, installé dans une chambre équipée d’un matelas. L’homme avait visiblement subi les atteintes de l’âge.

D’emblée, il lance ses accusations: SAAD HARIRI ET WISSAM HASSAN ONT MENACÉ DE ME KIDNAPPER ET D’ÉGORGER MON FILS SAMIR.

«Wissam Al Hassan, Chef de la section des informations relevant des Forces de Sécurité Intérieures libanaises, et, à ce titre, chargé de la protection rapprochée du premier ministre Rafic Hariri, m’a transporté à bord d’un avion spécial vers l’Arabie Saoudite. Un crime de guerre a été commis à l’encontre de ma famille. Mon fils Samir, 11 ans, a été privé de scolarité.

«En 2005, j’ai été arrêté en Arabie saoudite et j’ai été chargé par Saad Hariri de livrer un faux témoignage sur l’assassinat de son père.

Zouheir Siddiq dément avoir été un officier des services de renseignements syriens, précisant qu’il était un parfumeur au Liban et son père, un fonctionnaire du ministère syrien des finances. Il affirme qu’il a été torturé lors de sa détention mais ne fournit aucun document à l’appui de cette affirmation.

Al Akhbar: «Du fait de votre faux témoignage dans l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri, les documents que vous affirmez avoir en votre possession sont forcément sujet à caution.

Réponse de Zouheir Siddiq: Je détiens onze preuves contre Saad Hariri, que je révélerai prochainement. Je suis disposé à les soumettre au président Michel Aoun.

Al Akhbar: Vous réapparaissez après de longues années d’absence, après le verdict du Tribunal Spécial sur le Liban.

Zouheir Siddiq: J’ai réapparu, car j’ai pu m’échapper de mon lieu de détention.

Al Akhbar: Que cherchez-vous?

Zouheir Siddiq: Je demande au président Aoun de m’accorder le droit d’asile politique afin de présenter aux Libanais les documents en ma possession pour un crime qui a coûté 500 millions de dollars au trésor libanais, au titre de sa contribution au fonctionnement paritaire du Tribunal Spécial sur le Liban (Tribunal Hariri).

Mon passeport et ma carte d’identité m’ont été retirés, précise-t-il, demandant au Liban de lui fournir des documents de substitution.

Zouheir Siddiq lance en outre un appel au président français Emmanuel Macron, lui demandant d’intervenir auprès de la justice française afin de diligenter une enquête sur son arrestation en France. Il a également lancé un appel aux avocats qu’ils se portent volontaires pour assurer sa défense dans les plaintes qu’il envisage de porter contre la France, les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite.

A propos de la Syrie

Zouheir Siddiq assure qu’il retournera dans son pays d’origine la tête haute, faisant valoir que le président Bachar Al Assad lui avait rendu justice lorsqu’il a assuré, dans une interview à un quotidien koweitien, qu’il ne le connaissait pas et que le faux témoin avait dû étre soumis à de fortes pressions pour faire de telles déclarations.

Zouheir Siddiq a révélé avoir confié à un proche des documents secrets qui seront publiés s’il lui arrivait malheur, assassinat ou kidnapping.

Le 2eme volet des révélations de Zouheir Siddiq – Al Akhbar 13 Mai 2021

3 – Zouheir Siddiq son lieu de détention dans un village au Soudan

Zouheir Siddiq indique qu’il est arrivé en Egypte, sous la mandature du président Hosni Moubarak et aussitôt placé en résidence surveillée, assurant avoir été détenu avec les membres de sa famille dans un village au Soudan, proche de la frontière égyptienne. Il s’est toutefois abstenu de révéler les circonstances de sa sortie.

Al Akhbar précise, en se référant à des sources judiciaires libanaises, que l’Egypte avait adressé une requête au Liban demandant l’extradition de Zouheir Siddiq que le Liban y a fait droit mais que l’Egypte n’y a pas donné suite.

Le lien de parenté de Zouheir Siddiq avec Marwane Hamadé, oncle maternel de Gebrane Tuéni et proche collaborateur de Rafic Hariri.

«Zouheir Siddiq: L’oncle maternel de mon épouse, Daad Al Ghoussaymi, est originaire de Baakline, fief électoral de Marwane Hamadé dirigeant druze dans la région du Chouf dans le Mont Liban. En dépit de cette proximité, il assure n’avoir jamais rencontré Marwane Hamadé.

4 – Sa rencontre avec Rifa’at Al Assad, oncle du président Bachar Al Assad, en exil en Europe depuis trente ans.

Zouheir Siddiq: «J’ai rencontré Rifa’at Al Assad en Espagne, en 2005, que je connaissais depuis 1986. La rencontre a eu lieu par l’entremise d’un intermédiaire. Rifa’at m’a demandé de collaborer avec les Saoudiens afin de préserver la vie des membres de ma famille.

Sur Rifa’at Al Assad : https://www.madaniya.info/2020/04/03/rifaat-al-assad-devant-la-justice-francaise-un-proces-biaise-un-proces-de-diversion-a-usage-exclusif-de-lopinion-interne-francaise/

Zouheir Siddiq a alors montré la photo de quelques personnes impliquées dans son enlèvement, ajoutant qu’il ne se trouvait pas aux Emirats arabes unis de son plein gré. Parmi ses ravisseurs figurait un libanais «Hani A’ » chargé de sa surveillance, a-t-il ajouté.

5 -Rencontre avec Gerhard Lehman: Point de déflagration de l’enquête internationale.

L’entretien du faux témoin avec l’enquêteur allemand, qui a eu lieu en 2005, a constitué le point de déflagration de l’enquête internationale. Une vidéo diffusée à l’époque par la chaîne libanaise «Al Jadid», révélait que les enquêteurs internationaux ont tenté de convaincre Zouheir Siddiq d’impliquer quatre officiers supérieurs libanais en déclarant les avoir aperçu dans un appartement du Quartier Mouawad où l’attentat anti-Hariri avait été préparé.

Au cours de ce même entretien,Wissam Al Hassan, chef de la section de l’information des Forces de Sécurité Intérieure libanaises et les enquêteurs internationaux ont fourni au faux témoin de nouvelles informations pour modifier son témoignage et la conformer en conséquence aux résultats de leur enquête sur le terrain.

Une rectification a posteriori ou plutôt un ajustement du témoignage du faux témoin.

Jamil Sayyed, ancien directeur de la sûreté générale, et trois autres officiers d’autorité, le général Moustapha Hamdane, chef de la garde présidentielle, le général Raymond Azar, chef du renseignement militaire, et le général Ahmad el Hajj, chef des services de renseignements sont été arrêtés arbitrairement, le 30 août 2005, et relâché 4 ans après sans qu’aucune charge n’ait été retenue contre eux. Leur arrestation répondait au souci des pays occidentaux d’éliminer du théâtre de l’enquête des responsables à la personnalité affirmée pour leur substituer des partisans du clan Hariri acquis à la collaboration afin d’orienter les investigations dans le sens souhaité par les occidentaux en vue de son instrumentalisation contre la Syrie et le Hezbollah.

«Al Akhbar»: Est il concevable que Saad Hariri fabrique un faux témoignage pour désigner les assassins de son père, plutôt que de traquer les vrais auteurs de cet assassinat afin de les démasquer?

Zouheir Siddiq: L’initiative en la matière ne revenait pas à Saad Hariri, qui ne pouvait même pas disposer de son sort. Puis, joignant le geste à la parole, il présente des photos des personnes impliquées dans son enlèvement.

6 – Wissam Al Hassan m’a chargé d’aviser Gebrane Tuéni du projet d’attentat ourdi contre sa personne.

Zouheir Siddiq assure que Wissam Al Hassan l’a chargé de prendre contact avec le journal An Nahar pour mettre en garde Gebrane Tuéni et de le déconseiller de revenir au Liban de crainte qu’il ne soit arrêté par les services syriens et le Hezbollah.

Wissam Al Hassan a transmis à Zouheir Siddiq le numéro de téléphone d’un journaliste du quotidien libanais, M. Nabil Abou Mouncef, afin de lui transmettre cet avertissement.

«J’ai contacté M. Nabil Abou Mouncef pour l’informer que la décision d’assassiner Gebrane Tuéni a été effectivement prise par les services syriens et le Hezbollah.

«Malgré mon avertissement, Gebrane est retourné au Liban, venant de France et il a été assassiné».

Al Akhbar: Comment Wissam Al Hassan était-il au courant de la décision d’assassiner Gebrane Tuéni. Pourquoi Wissam Al Hassan n’a-t-il pas pris soin d’aviser personnellement Gebrane Tuéni, alors qu’il connaissait pertinemment la partie qui allait commettre ce crime?

Zouheir Siddiq poursuit son récit en ces termes: Wissam Al Hassan m’a demandé de prendre également contact avec Charles Ayoub, directeur de la revue Ad Dyar, mais ce dernier a coupé court à la conversation: «Si le régime syrien a assassiné Rafic Hariri autant dire que c’est moi qui l’ait assassiné» a rétrorqué le journaliste dans une boutade destinée à dénoncer le caractère fantaisiste de cette accusation.

En conclusion de sa conversation avec Al Akhbar, Zouheir Siddiq a menacé la France et les Emirats arabes unis: «Des membres de ma tribu vont kidnapper des Français et des Emiratis s’il m’arrivait malheur», a-t-il dit, laconique.

Il a réitéré son appel au président libanais Michel Aoun, «l’homme qui ne craint que Dieu» et lui a renouvelé sa demande de bénéficier d’un droit d’asile politique au Liban.

«Je révélerai toute la vérité sur cette affaire. Puis je retournerai en Syrie pour relever la tête de la Syrie», a-t-il ajouté, affirmant sa pleine disposition à comparaître devant la justice libanaise pour une confrontation avec tous les protagonistes de cette affaire.

Pour aller plus loin sur Gebrane Tuéni, Directeur du journal An Nahar :
https://www.renenaba.com/gebrane-tueni-martyr-du-journalisme-de-complaisance/
https://www.madaniya.info/2022/06/08/10eme-anniversaire-du-deces-du-journaliste-ghassane-tueni/

2me volet
Pour le locuteur arabophone : ce lien

A propos du Tribunal Spécial sur le Liban (TSL)
https://www.renenaba.com/le-tribunal-special-sur-le-liban-a-lepreuve-de-la-guerre-de-lombre/

Un procès politique sous habillage juridique
1 er volet : https://www.renenaba.com/liban-tsl-un-proces-politique-sous-habillage-juridique/
2me volet : https://www.renenaba.com/libantsl-un-proces-politique-sous-habillage-juridique-2/
3eme volet: Les Etats Unis, une justice à la carte; La France en suspicion légitime : https://www.renenaba.com/les-etats-unis-une-justice-a-la-carte-la-france-une-suspicion-legitime/

Source : auteur
https://www.madaniya.info/…