Par Moon of Alabama

Par Moon of Alabama – Le 16 juin 2022

Le Canada ment en prétendant qu’il applique le droit international alors qu’en fait ses avions espionnent la Chine.

Le 2 juin, le quotidien canadien Globe & Mail rapportait l’interdiction par la Chine d’un avion de reconnaissance canadien :

L’armée canadienne accuse les avions de guerre chinois de harceler ses avions de patrouille en mission de sanction contre la Corée du Nord

L’armée canadienne a accusé les avions de guerre chinois de harceler ses avions de patrouille lorsqu’ils surveillent les tentatives de contournements des sanctions par la Corée du Nord, obligeant parfois les avions canadiens à dévier de leur trajectoire de vol.

À plusieurs reprises entre le 26 avril et le 26 mai, des avions de l’Armée de l’air de l’Armée populaire de libération (PLAAF) se sont approchés d’un avion de patrouille à long rayon d’action CP-140 Aurora de l’Aviation royale du Canada (ARC), ont déclaré les Forces armées canadiennes dans un communiqué mercredi.

De telles interactions sont préoccupantes et de plus en plus fréquentes, a déclaré l’armée canadienne, notant que les missions ont lieu pendant les opérations approuvées par les Nations Unies pour mettre en œuvre les sanctions contre la Corée du Nord.

Les aéronefs canadiens faisaient partie de l’opération NEON d’Ottawa, dans le cadre de laquelle des navires, des aéronefs et du personnel militaires sont déployés pour repérer en mer les cas présumés de contournement des sanctions, notamment les transferts de navire à navire de carburant et d’autres fournitures interdites par les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

Les Nations unies ont-elles vraiment donné au Canada la mission ou même le droit d’identifier les évasions de sanctions en haute mer ou près de la Corée du Nord ? Je trouve cela étonnant.

Quatre jours plus tard, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a été interrogé sur ces incidents. Ses réponses sont intervenues après que la Chine eut expliqué sa position :

Le ministère chinois des affaires étrangères avertit le Canada que provoquer Pékin pourrait entraîner de « graves conséquences » après que l’armée canadienne a accusé, la semaine dernière, des avions de guerre chinois de harceler ses appareils, qui sont là pour surveiller le respect des sanctions des Nations unies par la Corée du Nord.

Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a laissé entendre lors d’un point de presse à Pékin, lundi, que ces patrouilles d’avions canadiens et alliés sont illégales. « Le Conseil de sécurité de l’ONU n’a jamais autorisé un pays à effectuer une surveillance militaire dans les mers et l’espace aérien d’autres pays au nom de l’application de sanctions », a-t-il déclaré aux journalistes.

La réponse de Trudeau à cette question est quelque peu confuse :

Le Premier ministre Justin Trudeau, en réponse, a défendu les patrouilles qui, selon lui, font partie d’un effort multinational pour faire appliquer les sanctions de l’ONU. Il a averti Pékin que les pilotes des deux côtés risquaient d’être blessés ou tués par le comportement de la Chine.

« Les actions de la Chine sont, dans ce cas là, irresponsables et provocatrices, et nous continuerons à avertir avec force qu’elles mettent des gens en danger tout en ne respectant pas les décisions de l’ONU d’appliquer les sanctions de l’ONU contre la Corée du Nord », a-t-il déclaré aux journalistes lors d’une conférence de presse à Ottawa avec le président du Chili lundi.

Les pilotes de chasse chinois ont récemment intensifié leur comportement agressif à l’encontre des avions militaires canadiens volant dans l’espace aérien international près de la Corée du Nord.

Un « effort multinational pour appliquer les sanctions de l’ONU » est quelque chose de différent d’une « opération approuvée par l’ONU pour appliquer les sanctions contre la Corée du Nord », ce que l’armée canadienne a affirmé.

Depuis 2019, le Canada a, de temps en temps, envoyé une frégate navale ou un avion de patrouille à long rayon d’action pour aider à surveiller les approches océaniques de la Corée du Nord dans le cadre d’une mission multinationale, avec les États-Unis et d’autres alliés, pour faire appliquer les sanctions contre Pyongyang concernant son programme d’armes nucléaires. La zone de patrouille comprend la mer de Chine orientale contestée, au-dessus de laquelle la Chine a établi une zone d’identification de défense aérienne en 2013.

Les pays à l’origine de cet effort sont les États-Unis et leurs mandataires habituels. Mais s’il s’agissait d’une mission de l’ONU ou approuvée par l’ONU, la Chine et la Russie auraient dû l’accepter au Conseil de sécurité de l’ONU. Elles ne l’ont jamais fait.

Pourtant, Trudeau insiste sur l’écran de fumée de l’ONU :

« Le Canada participe à une mission de l’ONU visant à interdire, à intercepter et à assurer le respect des sanctions contre le régime meurtrier de la Corée du Nord », a déclaré le Premier ministre. « Le Canada continue de défendre la primauté du droit. Nous continuons à défendre le multilatéralisme. Nous continuons à défendre les principes de la Charte des Nations Unies. »

Je n’ai trouvé aucune nouvelle ou document officiel indiquant que l’ONU a déjà conçu ou demandé une telle mission.

Il existe un total de neuf résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies contre la Corée du Nord. La plus pertinente ici est la résolution 1718 de 2006. Au paragraphe 8, elle demande aux pays membres d’appliquer certaines sanctions :

Agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, et prenant des mesures en vertu de son article 41 …

  1. Décide que :

(a) Tous les États membres empêchent la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects à la RPDC, par leur territoire ou par leurs ressortissants, ou en utilisant des navires ou des aéronefs battant leur pavillon, et qu’ils soient ou non originaires de leur territoire, de :

[… une liste de certains systèmes d’armes et de matériels].

Ce paragraphe limite toute mesure que les pays peuvent prendre, avec l’accord du CSNU, à leur territoire, leurs ressortissants ou les navires sous leur contrôle. Il n’autorise pas à faire quoi que ce soit à d’autres territoires, ressortissants ou navires battant pavillon étranger ou à agir contre de tels navires en haute mer.

Le paragraphe 8d, qui concerne les sanctions financières, comporte des restrictions similaires :

d) Tous les États membres, conformément à leurs procédures légales respectives, gèlent immédiatement les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques qui se trouvent sur leur territoire à la date d’adoption de la présente résolution ou à tout moment par la suite, ….

La résolution 2094 du CSNU de 2013 a ajouté des sanctions supplémentaires mais a inclus les mêmes restrictions territoriales :

Décide que les États Membres, outre qu’ils s’acquitteront des obligations qui leur incombent en vertu des alinéas d) et e) du paragraphe 8 de la résolution 1718 (2006), empêcheront la fourniture de services financiers ou le transfert de fonds vers, par ou depuis leur territoire, ou à ou par leurs ressortissants ou des entités constituées conformément à leur législation (y compris des succursales à l’étranger), ou des personnes ou institutions financières se trouvant sur leur territoire, …

En fait, toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies dont j’ai connaissance, à l’exception des quelques-unes qui autorisent directement une guerre, comportent des restrictions similaires. Les ordres ou les demandes adressés aux pays membres de l’ONU pour appliquer des sanctions ou prendre d’autres mesures sont toujours limités aux choses ou aux personnes que le pays contrôle légalement. Les raisons en sont évidentes. Les droits des autres pays seraient violés si les Nations unies permettaient au Canada ou à toute autre personne d’intervenir en dehors de leur propre domaine juridique.

L’affirmation de l’armée canadienne selon laquelle ses avions participent à des « opérations approuvées par les Nations Unies » est donc fausse. Il n’y a aucune approbation de l’ONU pour de telles opérations.

L’affirmation du Premier ministre canadien selon laquelle il participe à une « mission de l’ONU » est fausse. Il n’existe aucune mission de ce type concernant la RPDC.

Les avions espions canadiens qui volent près de la frontière chinoise n’appliquent pas le droit international. Il s’agit simplement d’un subterfuge pour cacher leur véritable mission qui est en fait d’espionner la Chine.

Il convient de rappeler à M. Trudeau l’incident survenu en 2001 près de l’île de Hainan, au cours duquel un avion à réaction chinois est entré en collision avec un avion espion américain qui a ensuite dû effectuer un atterrissage d’urgence en Chine :

Les 24 membres de l’équipage (21 hommes et 3 femmes) ont été détenus pendant 10 jours au total, et ont été libérés peu après que les États-Unis aient émis une « lettre de regrets » aux Chinois. L’équipage n’a que partiellement réussi à détruire le matériel classifié, et certains des documents qu’il n’a pas réussi à détruire comprenaient des clés cryptographiques, des manuels de renseignement électromagnétique et les noms des employés de la National Security Agency. Certains des ordinateurs capturés contenaient des informations détaillées sur le traitement des communications PROFORMA en provenance de Corée du Nord, de Russie, du Vietnam, de Chine et d’autres pays. L’avion transportait également des informations sur les paramètres des émetteurs des systèmes radar alliés des États-Unis dans le monde entier. Le fait que les États-Unis pouvaient suivre les sous-marins de la PLAN par transmission de signaux a également été révélé à la Chine.

Les États-Unis évitent désormais largement de telles missions. Ils ordonnent plutôt au Canada (et à l’Australie) de les effectuer, en leur faisant supporter les risques. Le fait d’énerver la Chine en prétendant, à tort, que ces missions sont effectuées en vertu du droit international ne fera qu’accroître le risque d’un autre incident grave.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

Source : Le Saker francophone
https://lesakerfrancophone.fr/…

Notre dossier Chine