Un homme portant un masque passe devant une fresque représentant un virus
pour attirer l’attention et sensibiliser à la lutte contre la pandémie de coronavirus
dans la bande de Gaza, le 3 octobre 2020. Photo par Mustafa Hassona, Anadulu Images.

Par Yousef Aljamal

Avec le déclenchement de la pandémie COVID-19, la situation catastrophique dans la bande de Gaza s’aggrave et exige une intervention immédiate de la communauté internationale.
06.01.2021 – La bande de Gaza, une enclave côtière de 41km de long, qui abrite plus de 2,1 millions de Palestiniens, dont 75% sont des réfugiés, a été l’un des derniers territoires à être touché par la pandémie COVID-19 en raison de son isolement et de son siège qui durent depuis 13 ans.

Lorsque le COVID-19 est apparu, certains pensaient que Gaza était largement immunisée contre le virus et que le fardeau de la pandémie mondiale lui serait épargné. Les enfants nés à Gaza en 2007, l’année où le siège a été officiellement imposé, ont maintenant moins de 13 ans. C’est la durée du siège – un siège qui, ironiquement, a d’abord protégé Gaza de la pandémie mondiale, mais, hélas, pas pour très longtemps.

Ce même siège qui a stoppé l’arrivée de la pandémie à Gaza pendant quelques mois a transformé la vie des Palestiniens en une souffrance permanente. Depuis 2007, Gaza est pratiquement coupée du reste du monde. Cependant, le siège et sa protection temporelle contre le virus n’ont pas duré longtemps : le premier cas de transmission au sein de la communauté a été enregistré à Gaza fin août 2020.

La récente augmentation du nombre de patients atteints de COVID-19 dans l’enclave côtière est inquiétante pour plusieurs raisons.

Une infrastructure sanitaire fragile

Lors de ses trois attaques israéliennes majeures sur Gaza en 2008, 2012 et 2014, Israël a pris pour cible des dizaines d’établissements de santé, y compris des équipes médicales, des ambulances, des hôpitaux et des laboratoires.

En 2014, une enquête d’Amnesty International a révélé que les forces israéliennes ont délibérément mené des attaques contre des professionnels de la santé à Gaza, qui ont entraîné la mort de six personnes.

« Les descriptions déchirantes faites par les ambulanciers et autres médecins de la situation totalement impossible dans laquelle ils doivent travailler, avec des bombes et des balles qui tuent ou blessent leurs collègues alors qu’ils tentent de sauver des vies, dépeignent une sombre réalité de la vie à Gaza », a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

Le ciblage des infrastructures de santé déjà fragiles a eu des conséquences catastrophiques pour la population de Gaza. Aujourd’hui, à Gaza, des milliers de patients, y compris des cancéreux, n’ont pas accès aux médicaments dont ils ont cruellement besoin. Actuellement, des milliers de cancéreux de Gaza reçoivent des traitements en Cisjordanie , où ils demandent des permis israéliens pour entrer à Jérusalem.

Dans de nombreux cas, ils reçoivent un refus pour « raisons de sécurité », une explication utilisée par les autorités israéliennes qui peut être interprétée de manière très vague.

La politique israélienne qui consiste à refuser aux Palestiniens de Gaza le droit de se rendre en Cisjordanie à des fins médicales ou sociales équivaut à une punition collective. Des centaines de Palestiniens sont morts en attendant ces permis et des milliers de familles palestiniennes ont été séparées à cause de cette politique israélienne.

En outre, de nombreux médicaments de base ne sont pas disponibles à Gaza. Trente-deux pour cent des médicaments de base ne sont pas disponibles dans les réserves du ministère palestinien de la Santé à Gaza, et 62 % des médicaments et du matériel utilisés par les laboratoires médicaux manquent.

La bande de Gaza manque de générateurs d’oxygène, de ventilateurs, d’équipements de protection individuelle et de produits d’hygiène. Les récents dons de certains de ces équipements indispensables par le Koweït, le Qatar, les Émirats arabes unis, la Malaisie et la Turquie peuvent atténuer la crise, mais ils ne la résoudront pas.

Ironie du sort, le seul générateur d’oxygène dans la zone centrale de la bande de Gaza à l’hôpital Al-Aqsa a cessé de fonctionner le 10 novembre 2020, aggravant la situation des patients qui ont besoin d’oxygène, en particulier les patients COVID-19.

Deux hôpitaux ont été affectés au traitement des patients COVID-19, l’hôpital européen de Gaza et l’hôpital de l’Amitié turque. Cependant, le nombre de patients est en augmentation, et les hôpitaux qui ne disposent que de 100 unités de soins intensifs au total peuvent difficilement suivre, compte tenu de leur capacité limitée et du fait qu’ils occupent déjà 90 % des lits.

Des fonctionnaires du ministère palestinien de la Santé font des prélèvements sur les Palestiniens qui vivent au camp de Jabalia pour le test COVID-19, dans la ville de Gaza, le 30 octobre 2020. Photo par Ali Jadallah, Anadolu Images.

Pic dans les cas de COVID-19

Des chiffres inquiétants sont apparus dans la bande de Gaza ces derniers jours, avec des centaines de personnes qui contractent le virus chaque jour. Près d’un test sur quatre effectué par le ministère de la Santé était positif le 22 novembre 2020. Au 6 décembre 2021, 43.134 Palestiniens de Gaza avaient été testés positifs, 404 étaient décédés et 9.308 cas étaient toujours actifs.

La hausse du nombre de cas ne peut pas être considérée indépendamment de la réalité de Gaza, où 75% de la population est constituée de réfugiés vivant dans huit camps. Le fait que Gaza soit l’un des endroits les plus densément peuplés de la planète, avec une moyenne de 5.000 personnes au km², a largement contribué à cette situation. En outre, il y a eu un manque important d’implication dans les mesures de distanciation sociale, les mesures d’hygiène et le port de masques.

Avec le déclenchement de la pandémie de COVID-19, la situation catastrophique dans la bande de Gaza exige que la communauté internationale et les parties concernées interviennent immédiatement pour mettre fin à une catastrophe imminente, et fassent pression sur Israël pour qu’il autorise l’entrée de fournitures médicales par ailleurs refusées sous prétexte de sécurité.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) doit faire pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles mettent fin à leurs restrictions et veillent à ce que l’enclave côtière et les territoires palestiniens obtiennent leur part de vaccins.

Malheureusement, l’Allemagne a récemment décidé d’inclure Israël dans son programme de vaccination, mais pas les Palestiniens qui vivent sous les complications de l’occupation, du siège, des restrictions imposées à leurs déplacements et de l’effondrement du système de santé.

L’Allemagne doit inclure les Palestiniens dans ses plans de distribution de vaccins car les pandémies ont prouvé qu’elles ne sont pas discriminatoires envers les personnes et qu’elles transcendent les frontières des entités et des États.

La récente augmentation du nombre de cas de COVID-19 à Gaza a poussé les autorités locales du Hamas à imposer un couvre-feu les vendredis et samedis afin de tenter d’arrêter la propagation du virus. De telles mesures peuvent limiter la propagation du virus, mais avec 35 % des cas testés revenant positifs, la situation semble plus catastrophique qu’on ne le pensait.

Mort et pauvreté

Même avant le déclenchement de la pandémie dans les territoires palestiniens, des centaines de patients ont perdu la vie aux postes de contrôle et en raison de l’absence de permis ou de la fermeture des frontières. L’apparition du COVID-19 à Gaza a rendu la situation aux frontières encore plus compliquée, le point de passage de Rafah reliant Gaza à l’Égypte étant fermé plus souvent pour freiner la propagation du virus.

Les fermetures répétées des frontières n’ont fait qu’empirer la situation des Palestiniens qui prévoyaient de quitter ou de retourner à Gaza, en particulier des patients, dont beaucoup n’avaient plus d’argent alors qu’ils attendaient la réouverture des frontières.

En termes économiques, selon le Bureau central palestinien des statistiques (PCBS), même avant le déclenchement de la pandémie dans la bande de Gaza, 26.000 Palestiniens avaient perdu leur emploi en mars 2020, le taux de chômage s’élevant à 45,5% dans la population générale et à 62,1% chez les femmes.

Source : Politics today

Traduction : MR pour ISM

Source : ISM
http://www.ism-france.org/…