Par Christoph Vandreier

Samedi, Facebook a supprimé une vidéo publiée par le Parti de l’égalité socialiste d’Allemagne qui s’oppose à la participation du gouvernement allemand à la guerre par procuration menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine.

La vidéo, intitulée «Pas de troisième guerre mondiale! Contre la guerre en Ukraine, l’agression de l’OTAN et le réarmement de l’Allemagne!», replace le conflit en Ukraine dans un contexte historique et politique. Elle a été visionnée par 20.000 personnes avant d’être retirée.

Le Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l’égalité socialiste, SGP), qui a produit la vidéo, a écrit à Facebook pour demander une explication de ses actions. Le SGP n’a pas encore reçu de réponse.

Il n’y a pas d’explication innocente à cette action de la part d’une société qui, plus tôt dans la guerre, a modifié ses directives pour permettre aux utilisateurs de certains pays de publier des appels à des actes de violence contre les Russes. Il s’agit d’un acte de censure politique dirigé contre toute personne qui s’oppose à la guerre et au militarisme.

Les actions de Facebook démasquent le mensonge de propagande officielle selon lequel la guerre en Ukraine vise à défendre la «démocratie occidentale» contre «l’autoritarisme russe». En effet, la classe dirigeante des pays impérialistes a de plus en plus recours à des mesures répressives, car elle craint la croissance de l’opposition de la classe ouvrière à sa politique meurtrière dans l’intérêt des riches.

La répression des opposants à la guerre a une longue tradition en Allemagne. Pendant la guerre franco-allemande, les deux leaders ouvriers August Bebel et Wilhelm Liebknecht ont été emprisonnés en décembre 1870 parce qu’ils avaient exigé au Reichstag une paix sans annexion. Pendant la Première Guerre mondiale, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht ont purgé de longues peines de prison. Carl von Ossietzky, un opposant de premier plan au militarisme allemand, a été condamné à 18 mois de prison en 1932, avant même l’arrivée au pouvoir d’Hitler, parce qu’il avait découvert le réarmement secret de la Reichswehr. Après six autres années de terreur nazie contre la classe ouvrière, les nazis ont lancé une nouvelle guerre mondiale, qui a conduit aux plus grands crimes de l’histoire de l’humanité.

Les opposants à la guerre en Allemagne sont maintenant censurés une fois de plus parce que les puissances de l’OTAN sont dans un état de guerre de facto. Comme le montre la vidéo censurée, l’OTAN est depuis longtemps un participant à la guerre en Ukraine. Elle a délibérément provoqué l’invasion réactionnaire russe et ne cesse d’intensifier ses menaces agressives contre la Russie. «Le peuple ukrainien est sacrifié comme des pions afin de faire avancer la confrontation de l’OTAN avec la Russie. Cette confrontation, qui peut rapidement déboucher sur une guerre nucléaire, s’intensifie actuellement avec une rapidité à couper le souffle», indique la vidéo.

Le week-end où on a supprimé la vidéo, le président américain Biden a annoncé un «combat» de plusieurs «décennies» et a ouvertement déclaré que l’objectif de la politique étrangère américaine était un changement de régime en Russie. Le chancelier allemand Olaf Scholz a fait une déclaration similaire lorsqu’il a défendu le triplement du budget militaire allemand à la télévision dimanche, affirmant que l’Allemagne doit à nouveau être en mesure de faire la guerre à la Russie. La rapidité avec laquelle les puissances de l’OTAN se dirigent vers une guerre mondiale est à couper le souffle.

La vidéo est une épine dans le pied de l’élite dirigeante, car elle vient démentir la propagande officielle et explique le contexte et les circonstances réels de la guerre. Elle montre que les principales causes de la politique de guerre des puissances impérialistes sont les contradictions fondamentales du capitalisme.

Après la dissolution de l’Union soviétique, les États-Unis ont cherché à établir leur suprématie mondiale. Dans les innombrables guerres en Irak, en Yougoslavie, en Afghanistan et dans de nombreux autres pays, toute menace à l’hégémonie américaine devait être éliminée, explique la vidéo. De son côté, l’impérialisme allemand a réagi en renouant avec le militarisme et en s’armant avec empressement. Le danger imminent d’une troisième guerre mondiale est la conséquence de cette politique.

La vidéo conclut que la lutte contre la guerre nécessite une lutte contre ses racines, le capitalisme. «Une catastrophe ne peut être évitée que par un mouvement international de la classe ouvrière contre le capitalisme», explique-t-elle.

Une telle perspective socialiste contre la guerre est interdite en Allemagne. Quiconque s’oppose à la propagande de guerre omniprésente et assourdissante doit être réduit au silence. Mais comme toujours dans l’histoire, une telle réaction n’est pas une expression de force, mais de faiblesse. La censure des opposants à la guerre est une réaction désespérée à l’opposition croissante de la classe ouvrière au bellicisme.

La course à la guerre exacerbe toutes les contradictions sociales. Les prix de la nourriture et de l’énergie augmentent déjà rapidement en raison de la guerre en Ukraine et des sanctions contre la Russie. L’interruption des chaînes d’approvisionnement entraîne des mises à pied temporaires et des licenciements dans l’industrie allemande. La classe dirigeante intensifie sa politique impitoyable du «profit avant la vie» dans la pandémie, où les gouvernements laissent la COVID-19 se propager, en se tournant vers la guerre. Une telle politique est incompatible avec les droits démocratiques, c’est pourquoi la censure et la répression augmentent.

Les entreprises technologiques collaborent intimement avec les gouvernements et les appareils d’État des grandes puissances impérialistes. Facebook a embauché à lui seul plus de 20.000 employés pour son équipe de sécurité et d’application de la loi, afin de surveiller et de censurer les publications sur sa plateforme. Beaucoup d’entre eux sont «d’anciens agents du renseignement et des forces de l’ordre», a admis Monika Bickert, responsable de la lutte contre le terrorisme chez Facebook, en janvier 2018.

En Allemagne, plus de 1.000 personnes sont employées pour surveiller le contenu de Facebook. La coopération avec le gouvernement est particulièrement étroite. Avec la Network Enforcement Act, le gouvernement fédéral a essentiellement transformé les grandes entreprises technologiques en juges de l’Internet qui peuvent décider en toute indépendance de la censure des contenus et sont même encouragées, sous la menace d’amendes élevées, à supprimer plus de contenus plutôt que moins. Des centaines de milliers de partages ont déjà été supprimés sur la base de cette loi.

La censure actuelle de la vidéo antiguerre du SGP est directement liée à la tentative du gouvernement fédéral de criminaliser le SGP et, avec lui, toute perspective socialiste.

En 2018, le ministère fédéral de l’Intérieur a inclus pour la première fois le SGP dans le rapport du Verfassungsschutz, les services secrets allemands, et a diffamé le parti comme étant un groupe extrémiste de gauche. Ensuite, cette mesure a été justifiée par le fait que la «lutte pour une société démocratique, égalitaire et socialiste» et «l’agitation contre l’“impérialisme” et le “militarisme”» présumés du SGP étaient inconstitutionnelles. Le tribunal administratif de Berlin a suivi cette ligne d’argumentation antidémocratique dans son jugement en première instance en décembre de l’année dernière lors d’un procès intenté par le SGP contre son inclusion dans le rapport Verfassungsschutz. Quelques mois plus tard seulement, des vidéos antimilitaristes sont déjà censurées».

Ces développements ne se limitent pas qu’à l’Allemagne. En 2017, Google a annoncé qu’il privilégierait à l’avenir les «sources fiables» dans les résultats de recherche. Dans le même temps, les sites web socialistes et antiguerre, et en particulier le World Socialist Web Site, ont été censurés et bannis des résultats de recherche. L’année dernière, Facebook a tenté à deux reprises de bloquer les pages et le contenu du CIQI, mais elle a été contrainte de faire marche arrière en raison d’une vague d’opposition.

Ces mesures autoritaires et antidémocratiques visent non seulement la perspective socialiste du CIQI, mais aussi tout opposant de principe à la guerre. Julian Assangede de WikiLeaks, un journaliste courageux qui a mis au jour les crimes de guerre commis par les puissances de l’OTAN, est soumis à une torture permanente dans la prison de haute sécurité de Belmarsh et est menacé de mort s’il est extradé vers les États-Unis. Le journaliste critique, Chris Hedges, qui a bâti sa réputation en tant qu’opposant aux guerres menées par les États-Unis, a signalé lundi que tous les épisodes de son émission «On Contact» sur YouTube avaient été supprimés sans qu’il en soit informé.

La lutte contre la censure et les politiques de guerre impitoyables doit s’appuyer sur l’opposition massive à une troisième guerre mondiale. Elle doit donner une voix et une perspective socialiste à l’hostilité profondément ancrée de la classe ouvrière à la guerre impérialiste. Nous invitons vivement tous nos lecteurs à diffuser largement cet article et à protester sur tous les canaux de médias sociaux contre la censure. Utilisez les mots-clics #defendSGP, #StopCensoringSocialism, et #SpeakOutAgainstWW3 pour diffuser la vidéo censurée par Facebook.

(Article paru en anglais le 30 mars 2022)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

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