Par Chems Eddine Chitour

Un diplomate palestinien parlant des négociations avec Israël compare ces «négociations» de la terre palestinienne au partage d’une pizza. «Israël veut qu’on négocie avec elle tout en mangeant pendant ce temps… la pizza. »

Résumé

Le 31e Sommet des pays arabes s’est tenu dans des conditions parfaites. L’Algérie a montré un professionnalisme digne des grandes organisations d’évènements mondiaux. Mieux encore, elle a eu à lutter contre les «démolisseurs» embusqués dans l’anonymat des réseaux sociaux qui ont voulu, à tout prix, démonétiser cet évènement. De mon point de vue, chaque citoyen a le droit de critiquer les anomalies, sans faire dans l’anathème, surtout quand il s’agit de l’image du pays à l’extérieur où même si on ne partage pas la démarche, nous devrons parler d’une seule voix à l’extérieur s’agissant de l’image de marque du pays.
Pour ce qui est des résultats, ce fut une gageure de rassembler autant de monde et, comme l’a twitté l’émir du Qatar, ce fut une réussite. La déclaration d’Alger s’inscrit dans la position constante de l’Algérie depuis une cinquantaine d’années en ce qui concerne la cause de libération de la Palestine.
L’Algérie s’est toujours insurgée contre l’ordre établi, ce fut le Front du refus avec trois autres pays (Libye, Syrie, Yémen). Ce sera ensuite que l’État de Palestine a été proclamé en octobre 1988. L’Algérie a réanimé une Ligue arabe en coma avancé. Elle prône aussi la nécessité de s’attaquer aux problèmes qui se posent au monde arabe, notamment la stratégie alimentaire, l’énergie, les changements climatiques. Pour ma part, les pays arabes qui partagent une culture et une langue communes, qui ne sont pas exclusives d’autres langues et cultures, devraient faire leur aggiornamento en misant sur le savoir pour constituer, à terme, un ensemble de 450 millions d’habitants qui peut avoir une visibilité dans le nouveau monde qui se dessine. Et peut-être qu’à terme, la cause palestinienne, défendue au nom du droit et de la justice par un monde arabe véritable Nahda technologique, aurait des chances d’être enfin résolue.

Introduction

«L’une des images les plus marquantes de ce mardi 1er novembre, jour d’ouverture du 31e Sommet de la Ligue arabe, écrit Farid Allilat du journal Jeune Afrique, est la photo des participants (…) La rencontre tant attendue entre le président Tebboune et le roi n’aura donc pas eu lieu, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, dit regretter une ‘’occasion perdue’’ en évoquant l’absence du chef de l’État marocain. C’est peu de dire que les dirigeants algériens ont fait de la participation du plus grand nombre possible de chefs d’État et de monarques arabes un gage de réussite de ce 31e sommet. Depuis des mois, ils n’ont pas ménagé leurs efforts pour les convaincre tous de se rendre à Alger. Mais qu’importe les absences et les défections ! Pour les autorités algériennes, ce sommet aura été une réussite sur tous les plans. Avant même sa clôture, l’émir du Qatar, qui a assuré les autorités algériennes de son soutien, s’en est félicité dans un tweet.»(1)
S’il faut se réjouir de la présence de chefs d’Etat, notamment celle du président égyptien, qui, en terre algérienne un 1er Novembre, oublie de remercier ses hôtes pour l’excellente organisation et d’une façon impardonnable pas un message en direction du peuple algérien qui fête un 1er Novembre de ressourcement. Quant à la défection des Emirats arabes unis et de Bahrein, elle est explicable : ils sont trop engagés dans les accords d’Abraham et ne veulent pas plaider pour la cause palestinienne à la place de leurs propres intérêts. Car le seul enjeu est la cause palestinienne. Est-ce un problème d’hubris du prince héritier Ben Salmane ? Ou simplement le fait d’avoir toujours deux fers au feu avec un contact même informel avec Israël ? La manne pétrolière des pays du Golfe leur donne l’illusion de peser sur les affaires du monde. Cruelle erreur ! Ce n’est pas parce que la guerre en Ukraine met en valeur les énergies fossiles qu’il faut croire que cela va durer ! Il n’y a pas de quoi pavoiser. Comme tous les Arabes, la création de richesse à partir de la technologie et la science arabe est encore une vue de l’esprit. Quant aux autres émirs, la seule explication est l’allégeance à l’Empire et la défense de leurs intérêts comptant sur Israël, sans état d’âme pour leur pérennité

La Déclaration d’Alger

Les dirigeants arabes, réunis en sommet à Alger, ont affirmé mercredi 2 novembre leur «soutien absolu» aux Palestiniens, répondant à l’appel, quelques heures auparavant, du président Mahmoud Abbas, au moment où, en Israël, Benjamin Netanyahu semble en passe de revenir au pouvoir grâce à une alliance avec l’extrême droite. Dénonçant les «crimes» commis, selon lui, contre les Palestiniens, Mahmoud Abbas a peu avant accusé l’État hébreu de «détruire systématiquement la solution à deux États et (de) se dérober aux accords signés». L’ex-Premier ministre Netanyahu a depuis longtemps cessé d’affirmer son adhésion à la solution dite «à deux États, impliquant la création d’un État palestinien».(2)
«La ‘’Déclaration d’Alger’’ publiée à l’issue du sommet de deux jours a affirmé ‘‘la centralité de la cause palestinienne’’ et le ‘’soutien absolu’’ au droit des Palestiniens à avoir un ‘’État indépendant et souverain’’, avec Jérusalem-Est comme capitale, sur les territoires occupés par Israël en 1967. ‘’Sauvez la mosquée Al-Aqsa et l’église du Saint-Sépulcre avant qu’elles ne soient judaïsées’’, a lancé Mahmoud Abbas. La déclaration finale a réitéré ‘’l’attachement’’ des pays arabes au ‘’plan de paix arabe’’ de 2002 conditionnant toute normalisation avec Israël à un retrait des territoires arabes occupés.»(2)
«Le sommet a également proclamé son soutien aux efforts de l’Autorité palestinienne pour devenir membre ‘’à part entière de l’ONU’’ et à poursuivre Israël devant la justice internationale ‘’pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis contre le peuple palestinien’’. Dans un éditorial consacré au sommet et reflétant le scepticisme de la rue, le principal journal palestinien Al-Quds a affirmé que les Palestiniens « n’ont plus besoin des résolutions verbales que nous avons beaucoup entendues, mais d’actions concrètes sur le terrain ». Interrogé à l’issue du sommet sur l’éventualité d’un retour de Benjamin Netanyahu au pouvoir, le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, s’est borné à affirmer qu’Israël « commettrait une grave erreur » en bloquant la solution à deux États, en faisant valoir que les Palestiniens et Arabes israéliens étaient déjà majoritaires dans les territoires contrôlés par l’État hébreu. L’Algérie, farouche soutien des Palestiniens, a parrainé à la mi-octobre un accord de réconciliation entre factions palestiniennes rivales, salué par le sommet.»(2) 
«Outre le conflit israélo-palestinien, le communiqué final a affirmé le rejet des dirigeants arabes ‘’des ingérences étrangères sous toutes leurs formes dans les affaires arabes’’, dans une apparente allusion à l’Iran et à la Turquie. Le sommet a en outre apporté son appui ‘’aux efforts visant à régler la crise en Libye par un règlement interlibyen garantissant l’unité et la souveraineté’’ du pays nord-africain en proie au chaos depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011.»(2)

Accords d’Abraham versus plan de paix arabe de 2002

La cause palestinienne a constitué le cœur des tractations du sommet. L’Algérie peut se féliciter d’être parvenue à remettre la question de la Palestine au cœur de l’ordre du jour, et ce, après avoir réussi à réunifier, en octobre dernier, les factions palestiniennes à Alger.
Le président Tebboune a ainsi insisté sur le retour au plan de paix arabe de 2002, qui conditionne la normalisation avec Israël à un retrait des territoires arabes occupés depuis 1967 (la Cisjordanie, Ghaza et le Golan syrien) et l’avènement d’un État palestinien avec comme capitale Jérusalem-Est. Cependant, malgré toutes les apparences visant à montrer que la cause palestinienne n’intéresse pas tous les pays arabes, l’Algérie a voulu montrer par son opiniâtreté que la cause palestinienne est une cause juste. C’est rendre justice à un peuple dépossédé de sa terre et qui attend que la communauté internationale lui rende justice.
On sait que, depuis les accords d’Oslo de 1993 sur la création d’un État palestinien, Israël n’a cessé d’étendre ses colonies. Derrière cette extension de son territoire, un messianisme religieux soutenu par les États-Unis. La donne qui a encore compliqué le problème palestinien est que, depuis le sommet de Tunis de mars 2019, la donne a totalement changé avec la décision de plusieurs membres de la Ligue arabe de normaliser leurs relations avec l’ennemi juré Israël. Notamment avec les accords d’Abraham qui ont disloqué ce qui restait de solidarité avec la cause palestinienne.
Pour l’histoire, l’Administration Trump a fait le forcing pour imposer la solution sioniste des accords d’Abraham : «Selon l’accord du locataire de la Maison-Blanche, l’État palestinien devrait être un véritable gruyère de terres morcelées, entourées de mur de séparation de l’entité sioniste et d’innombrables colonies. Le plan Trump n’est donc pas seulement la reconnaissance des États-Unis de la souveraineté israélienne sur l’ensemble des colonies israéliennes implantées en Cisjordanie, au mépris du droit international. C’est l’apologie d’une politique de la terre brûlée, de confiscation, de répression et de bombardements intensifs contre le peuple palestinien durant des décennies. Depuis l’arrivée de Trump au pouvoir, certains États arabes ont abdiqué pour se taire carrément au sujet de l’implantation de nouvelles colonies juives sur les terres palestiniennes.»(3)
Ali El Hadj Tahar rapporte les propos de Mahmoud Abbas : «Aucun Palestinien ne peut accepter un État indépendant sans El- Qods pour capitale, en réponse au plan de paix pour le Moyen-Orient du président Donald Trump. Tous les Palestiniens, toutes sensibilités politiques confondues, refusent ce plan qui veut leur donner un mini-territoire morcelé et sans souveraineté qui, de surcroît, fait d’El-Qods la capitale ‘’ indivisible’’ d’Israël. L’Union européenne rejette, elle aussi, les velléités de Washington en réaffirmant son engagement ‘’ferme’’ en faveur d’’’une solution négociée et viable à deux États’’.»(3)
Comment les pays arabes se sont positionnés par rapport à la cause palestinienne ? : «Ils adoptent, écrit Ali El Hadj Tahar, des postures différentes, allant du refus à l’abdication pure et simple. Beaucoup de pays arabes manquent donc à l’appel pour s’aligner aux côtés des Palestiniens et de la Palestine. La cause longtemps sacrée et fédératrice des peuples arabes semble faire beaucoup d’amnésiques au sein de leurs gouvernants. Et l’ancienne solidarité arabe, incarnée, jusqu’à une date récente, par le plan du roi Abdallah d’Arabie saoudite pour la Palestine en 2002, semble s’effriter.» L’Égypte appelle les deux parties concernées à un examen attentif et approfondi de la vision américaine pour parvenir à la paix et ouvrir des voies de dialogue, afin d’arriver à «une paix juste et globale» et «à l’établissement d’un État palestinien indépendant», a déclaré le ministère égyptien des Affaires étrangères. Le Caire adopte donc la position saoudienne et émiratie, qui pensent marchander sur le dos des Palestiniens, en proposant à ces derniers «de saisir ce qu’on leur offre». Riyad s’est dit «apprécier» les efforts de Trump allant jusqu’à appeler à des pourparlers directs entre Israël et les Palestiniens, alors qu’elle sait que cette posture est clairement pro-israélienne. L’Algérie, l’Iran, la Tunisie, la Libye, le Liban et d’autres pays à travers le monde sont les plus enclins actuellement à défendre davantage la cause palestinienne.(3)

Historique des allégeances graduelles des pays arabes

Pierre Desorgues  énumère le mécanisme de l’allégeance des pays arabes aux Etats- Unis qui passe par la case Israël : «Tel Aviv compte de plus en plus d’alliés au sein des pays membres de l’organisation régionale. Au Sommet arabe de mars 2019 à Tunis, l’État d’Israël n’est alors reconnu que par une minorité de pays de l’organisation régionale. L’Égypte, au lendemain des accords de Camp David en 1978, et la Jordanie, en 1994, sont les seuls États à avoir franchi le pas de la reconnaissance de l’État hébreu. En 1988, l’OLP de Yasser Arafat reconnaît le «droit à l’existence» d’Israël. L’autorité palestinienne est membre de la Ligue arabe. Un peu plus de trois ans plus tard, les Émirats arabes unis, en août 2020, le Maroc, le Soudan et Bahreïn, quatre pays membres de l’organisation régionale, ont normalisé leur relation avec Israël dans le cadre d’une série d’accords, dits d’Abraham.
L’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas qualifie l’accord de «trahison». Le 11 septembre 2020, Donald Trump annonce la normalisation des relations entre Bahreïn et Israël. Le 15, les Émirats et Bahreïn signent officiellement à la Maison-Blanche des accords de normalisation avec l’État hébreu. L’Autorité palestinienne dénonce également une «trahison».(4)
«Le 23 octobre 2020, Donald Trump annonce que le Soudan et Israël sont ‘’convenus de normaliser leurs relations’’. Le 10 décembre, Donald Trump annonce que le Maroc s’est engagé à normaliser ses relations avec Israël et que les États-Unis reconnaissent la souveraineté marocaine sur le territoire disputé du Sahara occidental. Le roi Mohammed VI confirme en qualifiant la décision de Washington sur le Sahara occidental de ‘’prise de position historique’’. Un an après la normalisation de leurs relations diplomatiques, Abou Dhabi et Tel Aviv ont signé plus de 60 protocoles d’accord d’une valeur de 700 millions de dollars. Plus de 200 000 Israéliens se sont rendus en un an dans les Émirats. Le contenu des accords de coopération entre Tel Aviv et Rabat est encore plus spectaculaire. Le Maroc et Israël concluent le 24 novembre 2021 un accord de coopération sécuritaire. ‘’Le ministre de la Défense israélien Benny Gantz est accueilli par le MAE marocain Nasser Bourita à Rabat, le 24 novembre 2021. Le Maroc et Israël ont signé lors de cette visite un accord de coopération sécuritaire qui va faciliter l’acquisition par Rabat de technologies de l’industrie militaire israélienne’’.»(4)
«L’Arabie saoudite a toujours, pour sa part, lié la reconnaissance d’Israël à la résolution du conflit israélo-palestinien mais ces derniers mois les signes de rapprochement entre les deux pays se sont multipliés. En mars dernier, dans un entretien au journal américain The Atlantic, le prince et dirigeant de facto du pays Mohammed ben Salmane a parlé d’Israël comme d’un ‘’allié potentiel’’, soulignant des intérêts communs entre les deux États. L’Arabie saoudite autorise alors l’ouverture de son espace aérien aux avions civils israéliens. Le Qatar, lui, réfléchit à l’ouverture d’un bureau consulaire israélien sur son territoire à l’occasion de la Coupe du monde de football. En moins de trois ans, la solidarité de façade au sein des pays membres de la Ligue arabe vis-à-vis de la cause palestinienne a disparu.»(4)

Le retour à la case départ avec Benyamin Netanyahu : la réalité de l’occupation

Malgré toutes les facilités permises à Benyamin Netanyahu par l’Administration américaine, Israël veut exclure définitivement les Palestiniens de Jérusalem et de toutes les parties viables leur laissant une peau de léopard en terme de territoire. Benjamin Netanyahu et ses alliés d’extrême droite et des ultraorthodoxes ont remporté la majorité des sièges au Parlement à l’issue des législatives du 1er novembre, a annoncé, ce jeudi 3 novembre, la commission électorale israélienne. C’est un retour vers plus de restriction, un blocage permanent des discussions, une accélération de la colonisation. Il est à craindre que l’initiative de 2002 ait peu de chance d’être concrétisée dans l’immédiat, à moins d’un aggiornamento total des pays arabes en commençant à penser à une utopie fédératrice qui remplacerait la Ligue dite arabe, en fait Ligue égyptienne vieille de 77 ans avec toujours le même logiciel : rien ne doit se décider sans l’autorisation de l’Égypte.
Pour Ameer Makhoul, les pays arabes se bercent d’illusions en croyant négocier avec Israël pour la mise en place d’un État palestinien avec comme capitale Al Qods. Il écrit : «Le projet sioniste reste historiquement et dans son fondement un projet colonial. Il n’apporte pas de solution à la question de la Palestine, voire au conflit israélo-palestinien sur la Palestine. Pour les sionistes, le mouvement de libération nationale des Palestiniens, leur droit à l’autodétermination et l’État de Palestine sont purement et simplement incompatibles avec Israël.»(5)
L’auteur rappelle l’historique de la création d’Israël : «Les sionistes ont fondé leur propre État en 1948-1949 sur les ruines de la Palestine : occupation de la patrie des Palestiniens, expulsion d’une majorité d’entre eux, destruction de leurs villages et de leurs villes, abolition de leurs institutions, mainmise sur leur propriété collective et individuelle. C’est précisément la défaite du peuple palestinien et de la nation arabe, à l’inverse, qui a produit en Israël la peur, ancrée dans les mentalités, que les Palestiniens ne conservent la mémoire de leur histoire nationale, ne se rétablissent en tant que nation et n’accomplissent leur propre projet de libération. La constante du projet reste la représentation, unanime chez les Israéliens – qu’ils soient de droite ou de gauche – d’un État juif pour tous les Juifs – d’Israël et du monde. La divergence porte seulement sur le caractère exclusivement juif ou bien à la fois juif et démocratique de cet État.»(5)
L’auteur conclut en affirmant que quel que soit le gouvernement de gauche ou de droite et pire encore des religieux, il y a un consensus en Israël sur le fait qu’il ne faut rien céder ou restituer : «La réalité demeure que les courants modérés et le centre israéliens sont tout aussi opposés à l’idée palestinienne ; tout aussi attachés au projet sioniste, ils n’ont pas plus que les autres admis l’émergence d’un État palestinien souverain en droit international. Pour être plus précis, la quasi-totalité des Israéliens s’accorde à refuser totalement un État palestinien à côté d’Israël et sur l’ensemble de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et d’El-Qods. Si l’on ajoute le droit au retour des réfugiés, ce consensus se généralise à toute la société israélienne, de la droite à la gauche en passant par le centre de l’échiquier sioniste.»(5)
«Il n’est pour s’en convaincre que d’établir une brève chronologie des faits : annexion en 1967 d’El-Qods-Est occupée, considérée par la Knesset comme partie inaliénable de la capitale ‘’éternelle’’ d’Israël ; plan (Yigal) Allon de 1967-1968 consistant à redessiner des frontières qui incluraient les blocs de colonies à venir ; interprétation israélienne de la fameuse résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies du 22 novembre 1967 : retrait ‘’de’’ et non ‘’des’’ territoires occupés. Au fond, l’idée de l’incompatibilité est profondément ancrée dans l’opinion publique israélienne, et plus encore dans les institutions du pays.»(5)

La réforme fondamentale de la Ligue arabe

La Ligue arabe est fondée en 1945 au Caire par six pays. Le but était de lutter conte les ingérences franco-anglaises. Au-delà de la question palestinienne, l’autre enjeu de ce sommet était sans doute la remise sur la table des discussions de la nécessité de réformer en profondeur la Ligue arabe, dont la création remonte à 1945. Le monde se fait et défait, il n’est que de voir ce qui est advenu du Soudan, de la Libye, de la Syrie, voire du Yémen. La Ligue arabe devrait avoir un secrétaire général qui n’est pas forcément égyptien. De plus, ses démembrements devraient être répartis sur tous les membres.
Dans une contribution précédente, j’avais proposé que le monde arabe change de fusil d’épaule et mise sur le savoir, la connaissance et mette en œuvre une stratégie basée sur ce qui reste de ses ressources fossiles pour développer un ensemble de 450 millions de citoyens qui ont en commun l’usage de l’arabe, des cultures communes pour proposer une alternative aux temps morts dans lesquels ils sont englués avec le mirage de la rente. C’est l’utopie qui est le moteur des ruptures pour une nouvelle vision du futur. On sait que tous les grands ensembles se consolident, ils ont connu des fortunes diverses. Les pays arabes ont tous les atouts devant eux. Et si une utopie mobilisatrice de la jeunesse filles et garçons est dès maintenant mise en œuvre?»(6)
Dans cette veillée d’armes permanente et qui augure d’un futur tragique, le monde subira de profondes mutations. La conjoncture paraît favorable. Pour la première fois, les pays arabes peuvent réfléchir par eux-mêmes à l’avenir. Dans cette nouvelle configuration, le moment est venu gommer les différences et s’attacher à ce qui unit les pays arabes pour pouvoir peser ensemble, car, à titre individuel, aucun pays n’a atteint la masse critique scientifique, technologique, l’auto-suffisance militaire. Il faudrait réinventer une Nahda scientifique et technologique à partir de la mutualisation des moyens suivant des exemples capables d’être une boussole et un guide qui ne subit pas les décisions prises à l’extérieur du monde arabe. Le chemin sera long, il faudra une certaine résilience.(6)
On sait que le format actuel des Nations unies a fait son temps et est inadapté. La situation actuelle, c’est la guerre de tous contre tous et l’abandon des valeurs. Le monde est en pleine mutation. Des nouvelles configurations s’organisent, c’est le cas des BRICS et de l’OCS, pour sortir du monde unipolaire et de la fin de l’Histoire et écrire une autre Histoire, plus généreuse, avec un monde multipolaire, qui va s’atteler à des causes autrement plus humaines : la lutte contre les changements climatiques, la faim, l’analphabétisme. À terme, il n’est pas interdit de penser à ce que le monde arabe revendique un siège au Conseil de sécurité. Lawrence d’Arabie avait qualifié les Arabes de «peuple des beaux départs». Il arrivera forcément un moment où les peuples arabes, capitalisant toutes les expériences, ne se feront plus traiter comme quantité négligeable. Ce jour-là, ce sera le jour le plus long pour tous ceux qui les ont traités comme des infrahumains. Pour cela, le chemin le plus dur, le plus éprouvant, est celui de se remettre fondamentalement en cause, en commençant par l’éducation, un enseignement supérieur de qualité qui permettra aux peuples composant le monde arabe d’avoir une visibilité et de prendre en main leur destin pour le plus grand bien de leur jeunesse en qui survivent la quête de la vérité et la traduction dans les faits du développement durable. Il n’est pas interdit que la Nahda technologique des peuples maghrébins et du Moyen-Orient, cimentés par la culture, la langue et la religion, s’affirme dans un monde où les faibles nations qui n’arrivent pas à prendre le train de la quatrième révolution industrielle de la grande ré-initialisation du monde (great reset), s’ils ne sautent pas dans la future arche de Noé, des sauvés seront broyés par les futurs maîtres qui en feront des esclaves consentants. Nous pouvons y arriver. Le monde musulman fort de 1,5 milliard d’habitants comprendra en son sein des pays arabes qui vont apporter leur part d’humanité. C’est cela la vraie Nahda technologique qui revendiquera le respect dû à la connaissance. Une utopie mobilisatrice digne de l’âge d’or de l’islam des lumières.(6)

Conclusion

La cause palestinienne est de plus en plus abandonnée. Les pays arabes ne se sentent pas concernés. Mieux encore, les Palestiniens, plus divisés que jamais, ont des problèmes de leadership, chaque faction étant indéxée sur un courant. Il faut savoir aussi que l’OLP coopère avec Israël pour les problèmes de sécurité. La coopération sécuritaire entre les forces de sécurité palestiniennes et ses homologues israéliens date des accords d’Oslo, en 1993. Elle n’a été interrompue qu’une fois, lors de la deuxième Intifada en 2000. Les Palestiniens vivent sous perfusion à la fois des pays arabes, mais aussi d’Israël qui tient les cordons de la bourse, la paie des fonctionnaires, de l’énergie et de l’eau. Pour le reste, Ghaza subit son lot habituel de représailles, des enfants meurent, des Palestiniens sont chassés de leurs maisons.
Il faut espérer que l’initiative algérienne de pouvoir «faire travailler ensemble» les différentes organisations palestiniennes portera ses fruits, notamment par l’organisation des élections. Ce sont les Palestiniens qui devront faire le plus gros effort. Il s’agit de leur pays. La Révolution algérienne devrait être pour eux une source d’inspiration. Quand une poignée de jeunes trentenaires ont compris que la négociation avec le pouvoir colonial menait à une impasse qui pouvait encore durer mille ans, ils ont décidé de donner à l’Algérie un destin en se battant dans un front uni contre le pouvoir colonial, aidé, il faut le souligner, par l’Otan. Il vient que ce bel élan de l’Algérie de renouer avec sa tradition d’exportatrice de paix a été couronné de succès malgré tous les prophètes de malheur qui annonçaient l’échec du sommet. Le Sommet arabe s’est globalement tenu dans des conditions d’organisation avec des résultats qui peuvent être le début d’une prise de conscience des pays arabes.
La Ligue arabe devrait se réformer dans ce nouveau monde qui vient. La cause palestinienne est une cause juste. Le calvaire du peuple palestinien qui date de 105 ans, depuis que Balfour s’est permis d’offrir pour la deuxième fois la terre de Palestine à une organisation sioniste. L’Algérie a fait plus que sa part dans la nécessité de tenter de fédérer le monde arabe en lui indiquant les défis à relever pour une hypothétique visibilité dans un monde où les perdants n’ont pas d’avenir.
C. E. C.

Par le Professeur
Chems Eddine Chitour
École polytechnique enp-edu.dz

1. Farid Alilathttps://www. jeuneafrique. com/ 1389988/ politique/sommet-de-la-ligue-arabe-malgre-les-absences -alger-satisfait-des-avancees-obtenues/ 2 novembre 2022
2. https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20221102-sommet-de-la-ligue-arabe-face-au-retour-de-netanyahu-abbas-appelle%C3%A0-un-soutien-accru
3. Ali El Hadj Tahar http://lecourrier-dalgerie.com/la-palestine-le-front-du-refus-et-celui-des-capitulards/
4. Pierre Desorgues https :/ /information. tv5monde.com/info/sommet-de-la-ligue-arabe-en-algerie-israel-compte-de-plus-en-plus-d-allies-au-sein-de-l 02.11.2022
5. Ameer Makhoul Outre-Terre 2005/4 (no 13), https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2005-4-page-245.htm
6. Chems Eddine Chitour https://www.lesoirdalgerie. com/contribution/avenement-d-ensembles-mondiaux-quel-avenir-pour-le-monde-arabe-90242

Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur

Source : Le Soir d’Algérie
https://www.lesoirdalgerie.com/contribution/…

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