Entretien de Chris Hedges avec Max Blumenthal

Chris Hedges : Il est de plus en plus évident que lors des combats chaotiques qui ont eu lieu lorsque les militants du Hamas sont entrés en Israël le 7 octobre, l’armée israélienne a décidé de cibler non seulement les combattants du Hamas mais aussi les prisonniers israéliens qui les accompagnaient. Tuval Escapa, membre de l’équipe de sécurité du kibboutz Beeri, a déclaré à la presse israélienne qu’il avait mis en place une ligne directe pour assurer la coordination entre les habitants du kibboutz et l’armée israélienne. Escapa a déclaré au journal israélien Haaretz que son désespoir commençait à s’installer. « Les commandants sur le terrain ont pris des décisions difficiles, notamment en bombardant les maisons et leurs occupants afin d’éliminer les terroristes en même temps que les otages. ». Le journal a rapporté que les commandants israéliens ont été « contraints de demander une frappe aérienne contre leurs propres installations à l’intérieur du terminal d’Erez vers Gaza afin de repousser les terroristes qui en avaient pris le contrôle ». Cette base abritait des officiers et des soldats de l’administration civile israélienne. Israël, en 1986, a institué une politique militaire appelée Directive Hannibal, apparemment du nom du général carthaginois qui s’est empoisonné plutôt que d’être capturé par les Romains, après la capture de deux soldats israéliens par le Hezbollah. La directive vise à empêcher les troupes israéliennes de tomber aux mains de l’ennemi grâce à un recours maximal à la force, même au prix de la mort des soldats et des civils capturés. La directive a été exécutée lors de l’assaut israélien sur Gaza en 2014, connu sous le nom d’Opération Protective edge. Le 1er août 2014, des combattants du Hamas ont capturé un soldat israélien, le lieutenant Hadar Golden. En réponse, Israël a largué plus de 2 000 bombes, missiles et obus sur la zone où il était détenu. Golden a été tué avec plus de 100 civils palestiniens. La directive aurait été abrogée en 2016.

Max Blumenthal, qui a enquêté sur ce sujet pour The Grayzone, se joint à moi pour discuter des informations selon lesquelles Israël bombarderait ses propres citoyens avec des chars et des missiles.

Vous avez donc fait un travail formidable en rassemblant ces rapports qui proviennent d’Israël. Pourquoi ne pas exposer ce à quoi les commandants israéliens ont été confrontés durant environ 10 heures, plusieurs heures après cette incursion, et peut-être me donner ensuite quelques détails sur ce que vous avez découvert ?

Max Blumenthal : Eh bien, merci, Chris. J’essaie encore de reconstituer ce qui s’est passé le 7 octobre. L’une des raisons pour lesquelles j’ai dû enquêter même après ce rapport que je pensais complet était que, face à tant de morts et de destructions causées par l’armée israélienne à Gaza – ce qui équivaut fondamentalement à un génocide. Il y a des tueries systématiques à Gaza – Tous ceux que je connais là-bas ont perdu quelqu’un. Heureusement, je ne connais personne qui a été tué, mais tous ceux que je connais là-bas ont perdu des voisins ou des proches. Ils ont tous perdu leur maison. Ainsi, l’armée israélienne et le bureau du Premier ministre, celui de Netanyahu, recyclent les atrocités du 7 octobre et introduisent également de nouveaux mensonges afin d’essayer de garder la focale des médias concentrée sur le 7 octobre, maintenant qu’ils commencent à se tourner vers l’horreur de Gaza.

Nous avons entendu toutes ces nouvelles histoires de bébés cuits au four, nous avons entendu des histoires de bébés arrachés du ventre de leur mère par les soi-disant terroristes du Hamas, de viols, de viols collectifs, de femmes après avoir été enlevées, de viols collectifs dans les rues de Gaza. Tous ces mensonges ont été diffusés. L’histoire des 40 bébés décapités a été répétée par Biden, qui a affirmé avoir vu des photos. Tous ces mensonges ont été répétés et mis en avant afin de donner à Israël la latitude de mener cette opération génocidaire à laquelle nous assistons actuellement. Et nous pouvons voir que Biden a été tellement impressionné par la propagande qui lui était imposée par le bureau de Netanyahu et les médias pro-israéliens qu’il a immédiatement cédé. Tony Blinken, lors de son récent témoignage au Sénat, a également répété certains de ces mensonges. J’essaie donc encore de faire la lumière sur ces faits, car ce sont ces mensonges qui vont au-delà des meurtres et des atrocités réels commis par des hommes armés de la bande de Gaza le 7 octobre, qui ont permis à Israël de cibler et d’exterminer des centaines de familles entières dans la bande de Gaza, ainsi que des hôpitaux et des centres médicaux. J’ai donc commencé mon enquête lorsque des témoignages ont commencé à filtrer dans les médias israéliens, contredisant la version officielle du 7 octobre. L’histoire officielle, qui a été racontée aux Américains et aux Israéliens, est que les « terroristes » du Hamas ont fait irruption dans le sud d’Israël et ont commencé à tirer et à tuer des gens au hasard. Ensuite, ils les ont brûlés vifs, ont ligoté des familles entières dans leurs maisons, puis les ont tous brûlés, d’une manière ou d’une autre, ont fait fondre des voitures et ont brûlé des gens dans leurs voitures alors qu’ils tentaient de fuir, et ont procédé à une gigantesque fusillade de masse. Il semble clair que de nombreux non-combattants israéliens ont été abattus par des hommes armés du Hamas, mais c’est là que s’arrête l’histoire officielle. Ce que j’ai pu déterminer à partir de ces témoignages, ainsi que de l’analyse fondamentale et visuelle des photos présentées par le ministre israélien des Affaires étrangères et le bureau du Premier ministre, c’est qu’Israël a utilisé une force disproportionnée sur ses propres citoyens afin de contrer une offensive militaire à caractère politique menée par le Hamas et le Jihad islamique palestinien, visant à arracher des concessions politiques à l’État d’Israël, qui assiège la bande de Gaza depuis 15 ans. Vous lisez donc un de ces témoignages, et je suppose que nous pouvons entrer dans les détails et expliquer comment je suis arrivé à mes conclusions.

Chris Hedges : Oui, allons-y parce que, dans votre article, que les gens peuvent lire sur The Grayzone, vous montrez des images. Je te laisse partir de là. Les preuves photographiques semblent contredire les déclarations venant de Jérusalem.

Max Blumenthal : Il est important de comprendre que l’objectif principal de cette offensive militaire du Hamas et du Jihad islamique palestinien était de rassembler autant de prisonniers que possible, en particulier des soldats israéliens, afin de déclencher l’échange de prisonniers qui a eu lieu lors de la libération de Gilad Shalit en 2011. Le soldat israélien capturé en 2006, qui conduisait un char à l’extérieur de Gaza, a été capturé en échange de 1.027 prisonniers palestiniens, dont l’actuel Premier ministre de Gaza, Yahya Sinwar. Toute cette opération Al Aqsa Flood (« Déluge Al-Aqsa ») est donc à comprendre dans le contexte de l’échange de prisonniers de Gilad Shalit. Des hommes armés ont été envoyés avec des cartes détaillées vers les centres peuplés et les bases militaires. Dans les bases militaires, ils recevaient évidemment pour instruction d’attaquer et de tuer les soldats israéliens qui maintiennent le siège de Gaza. Une grande partie de la division de Gaza, qui a également été responsable de tant de massacres à l’intérieur de Gaza au fil des années, a été anéantie. Le passage d’Erez… Je ne sais pas si tu es passé par là, Chris.

Chris Hedges : Oui, plusieurs fois. Plusieurs fois, oui.

Max Blumenthal : D’accord. Oui, parce que vous êtes allé à Gaza, je suis passé par là trois fois. C’est le lien, le centre névralgique du siège de Gaza. Il ne s’agit pas seulement de l’endroit où vous traversez si vous souhaitez entrer à Gaza et y revenir, ou si vous êtes un résident de Gaza, vous devrez passer par là pour obtenir un traitement médical à l’extérieur. C’est le siège de l’administration civile, de la bureaucratie de l’occupation de Gaza. Cela a donc été immédiatement envahi par des hommes

Chris Hedges : Il est de plus en plus évident que lors des combats chaotiques qui ont eu lieu lorsque les militants du Hamas sont entrés en Israël le 7 octobre, l’armée israélienne a décidé de cibler non seulement les combattants du Hamas mais aussi les prisonniers israéliens qui les accompagnaient. Tuval Escapa, membre de l’équipe de sécurité du kibboutz Beeri, a déclaré à la presse israélienne qu’il avait mis en place une ligne directe pour assurer la coordination entre les habitants du kibboutz et l’armée israélienne. Escapa a déclaré au journal israélien Haaretz que son désespoir commençait à s’installer. « Les commandants sur le terrain ont pris des décisions difficiles, notamment en bombardant les maisons et leurs occupants afin d’éliminer les terroristes en même temps que les otages. » Le journal a rapporté que les commandants israéliens ont été « contraints de demander une frappe aérienne contre leurs propres installations à l’intérieur du terminal d’Erez vers Gaza afin de repousser les terroristes qui en avaient pris le contrôle ». Cette base abritait des officiers et des soldats de l’administration civile israélienne. Israël, en 1986, a institué une politique militaire appelée Directive Hannibal, apparemment du nom du général carthaginois qui s’est empoisonné plutôt que d’être capturé par les Romains, après la capture de deux soldats israéliens par le Hezbollah. La directive vise à empêcher les troupes israéliennes de tomber aux mains de l’ennemi grâce à un recours maximal à la force, même au prix de la mort des soldats et des civils capturés. La directive a été exécutée lors de l’assaut israélien sur Gaza en 2014, connu sous le nom d’Operation Protective edge. Le 1er août 2014, des combattants du Hamas ont capturé un soldat israélien, le lieutenant Hadar Golden. En réponse, Israël a largué plus de 2 000 bombes, missiles et obus sur la zone où il était détenu. Golden a été tué avec plus de 100 civils palestiniens. La directive aurait été abrogée en 2016.

Max Blumenthal, qui a enquêté sur ce sujet pour The Grayzone, se joint à moi pour discuter des informations selon lesquelles Israël bombarderait ses propres citoyens avec des chars et des missiles.

Ainsi, l’armée israélienne et le bureau du Premier ministre, celui de Netanyahu, recyclent les atrocités du 7 octobre et introduisent également de nouveaux mensonges afin d’essayer de garder la focale des médias concentrée sur le 7 octobre, maintenant qu’ils commencent à se tourner vers l’horreur de Gaza. Nous avons entendu toutes ces nouvelles histoires de bébés cuits au four, nous avons entendu des histoires de bébés arrachés du ventre de leur mère par les soi-disant terroristes du Hamas, de viols, de viols collectifs, de femmes après avoir été enlevées, de viols collectifs dans les rues de Gaza. Tous ces mensonges ont été diffusés. L’histoire des 40 bébés décapités a été répétée par Biden, qui a affirmé avoir vu des photos. Tous ces mensonges ont été répétés et mis en avant afin de donner à Israël la latitude de mener cette opération génocidaire à laquelle nous assistons actuellement. Et nous pouvons voir que Biden a été tellement impressionné par la propagande qui lui était imposée par le bureau de Netanyahu et les médias pro-israéliens qu’il a immédiatement cédé. Tony Blinken, lors de son récent témoignage au Sénat, a également répété certains de ces mensonges. J’essaie donc encore de faire la lumière sur ces faits, car ce sont ces mensonges qui vont au-delà des meurtres et des atrocités réels commis par des hommes armés de la bande de Gaza le 7 octobre, qui ont permis à Israël de cibler et d’exterminer des centaines de familles entières dans la bande de Gaza, ainsi que des hôpitaux et des centres médicaux. J’ai donc commencé mon enquête lorsque des témoignages ont commencé à filtrer dans les médias israéliens, contredisant la version officielle du 7 octobre. L’histoire officielle, qui a été racontée aux Américains et aux Israéliens, est que les « terroristes » du Hamas ont fait irruption dans le sud d’Israël et ont commencé à tirer et à tuer des gens au hasard. Ensuite, ils les ont brûlés vifs, ont ligoté des familles entières dans leurs maisons, puis les ont tous brûlés, d’une manière ou d’une autre, ont fait fondre des voitures et ont brûlé des gens dans leurs voitures alors qu’ils tentaient de fuir, et ont procédé à une gigantesque fusillade de masse. Il semble clair que de nombreux non-combattants israéliens ont été abattus par des hommes armés du Hamas, mais c’est là que s’arrête l’histoire officielle. Ce que j’ai pu déterminer à partir de ces témoignages, ainsi que de l’analyse fondamentale et visuelle des photos présentées par le ministre israélien des Affaires étrangères et le bureau du Premier ministre, c’est qu’Israël a utilisé une force disproportionnée sur ses propres citoyens afin de contrer une offensive militaire à caractère politique menée par le Hamas et le Jihad islamique palestinien, visant à arracher des concessions politiques à l’État d’Israël, qui assiège la bande de Gaza depuis 15 ans. Vous lisez donc un de ces témoignages, et je suppose que nous pouvons entrer dans les détails et expliquer comment je suis arrivé à mes conclusions.

Chris Hedges : Oui, allons-y parce que, dans votre article, que les gens peuvent lire sur The Grayzone, vous montrez des images. Je te laisse partir de là. Les preuves photographiques semblent contredire les déclarations venant de Jérusalem.

Max Blumenthal : Il est important de comprendre que l’objectif principal de cette offensive militaire du Hamas et du Jihad islamique palestinien était de rassembler autant de prisonniers que possible, en particulier des soldats israéliens, afin de déclencher l’échange de prisonniers qui a eu lieu lors de la libération de Gilad Shalit en 2011. Le soldat israélien capturé en 2006, qui conduisait un char à l’extérieur de Gaza, a été capturé en échange de 1 027 prisonniers palestiniens, dont l’actuel Premier ministre de Gaza, Yahya Sinwar. Toute cette opération Al Aqsa Flood est donc à comprendre dans le contexte de l’échange de prisonniers de Gilad Shalit. Des hommes armés ont été envoyés avec des cartes détaillées vers les centres peuplés et les bases militaires. Dans les bases militaires, ils recevaient évidemment pour instruction d’attaquer et de tuer les soldats israéliens qui maintiennent le siège de Gaza. Une grande partie de la division de Gaza, qui a également été responsable de tant de massacres à l’intérieur de Gaza au fil des années, a été anéantie. Le passage d’Erez… Je ne sais pas si tu es passé par là, Chris.

Chris Hedges : Oui, plusieurs fois, oui.

Max Blumenthal : D’accord. Oui, parce que vous êtes allé à Gaza, je suis passé par là trois fois. C’est le lien, le centre névralgique du siège de Gaza. Il ne s’agit pas seulement de l’endroit où vous traversez si vous souhaitez entrer à Gaza et y revenir, ou si vous êtes un résident de Gaza, vous devrez passer par là pour obtenir un traitement médical à l’extérieur.

C’est le siège de l’administration civile, de la bureaucratie de l’occupation de Gaza. Cela a donc été immédiatement envahi par des hommes armés qui en ont fait une cible militaire, et avec tous ces soldats à l’intérieur, le chef de la division de Gaza s’est en fait retrouvé dans un bunker souterrain. Il a raconté cette histoire à Haaretz et a pris la décision difficile de bombarder le passage d’Erez et ils ont envoyé des missiles Hellfire sur le passage d’Erez depuis des hélicoptères Apache. Et ce fut essentiellement le début de l’opération Iron Sword que Netanyahu a déclarée quelques jours plus tard, qui consiste essentiellement en un bombardement massif de Gaza.

Mais les hélicoptères Apache ont été dépêchés dans la matinée. L’assaut a commencé vers 6h00 du matin, et à 10h30, selon les médias israéliens, toutes les équipes commando des forces spéciales et les équipes bien entraînées du Hamas étaient déjà parties. À ce moment-là, deux escadrons d’hélicoptères Apache avaient été mobilisés, et ils n’étaient même pas au complet avant midi. Il y a donc l’action à Erez Crossing, puis le kibboutz Be’eri, qui est le site qui a enregistré le plus de victimes parmi les non-combattants. J’ai compté environ 150 morts parmi le bilan confirmé publié par Haaretz et la plupart d’entre eux n’étaient pas des soldats. Il s’agissait de personnes qui ont été prises entre deux feux, des hommes armés du Hamas avaient tenté de les faire prisonniers et ils étaient piégés dans leurs maisons. Et au moment où les forces spéciales israéliennes sont arrivées, bon nombre de ces affrontements avaient pris fin ou les maisons avaient été bombardées par des chars.

Selon Yasmin Porat, qui avait fui le festival de musique électronique – qui avait été attaqué et qui se trouvait juste entre le kibboutz Beeri et le kibboutz Rahim, qui abritent également des bases militaires –, il se déroulait entre ces deux kibboutzim et a été attaqués. De nombreux captifs furent pris. Cette femme, Yasmin Porat, a fui vers le kibboutz Beeri, est entrée dans une maison avec son partenaire, puis ils ont été capturés par des hommes armés. Elle a raconté à la radio nationale israélienne que lorsque les forces spéciales israéliennes sont arrivées, elles ont commencé à tirer sur tout le monde et que la plupart des prisonniers, ainsi que les hommes armés du Hamas, ont été pris entre deux feux, et que tout le monde a été tué, sauf elle et son ravisseur, qui l’a utilisée comme bouclier humain afin de garantir sa propre sécurité. Elle a vu son propre partenaire, dont les mains avaient été liées par ses ravisseurs, se faire tirer dessus par les forces spéciales israéliennes, puis ils ont lancé deux obus de char sur la maison dans laquelle elle se trouvait. Donc, si vous regardez les photos du kibboutz Be’eri , elles ressemblent aux maisons de Gaza que j’ai vues, ou que vous avez peut-être vues et qui ont été bombardées par les chars israéliens et l’artillerie israélienne. Il est impossible que des hommes armés du Hamas aient pu causer autant de dégâts structurels à l’ensemble de ce kibboutz avec les armes légères dont ils étaient équipés : kalachnikovs et quelques RPG.

I24, un réseau de propagande parrainé par le ministère israélien des Affaires étrangères, s’est effectivement rendu dans ce kibboutz pour une visite guidée et a déclaré avoir vu des traces de chars partout. Ce qui s’est passé là-bas est évident et cela a été clairement expliqué par le

coordinateur de la sécurité du kibboutz Beeri, que vous avez cité en début de cet entretien. Il était en contact avec le commandement militaire israélien et ils ont décidé de bombarder les maisons et leurs occupants, y compris des civils israéliens. Maintenant, pourquoi faisaient-ils cela ? Comme vous l’avez mentionné, il y a la directive Hannibal, cette directive autrefois secrète qui a été introduite après qu’Israël ait conclu un échange majeur de prisonniers avec, je crois, le FPLP-CG, qui opère depuis la Syrie en échange d’Ahmed Jabril et de centaines d’autres prisonniers afin de récupérer certains soldats israéliens capturés pendant la guerre civile libanaise.

Chris Hedges : Il n’y en avait que trois. Je ne pense pas que ce soit très

Max Blumenthal : Oui, il était trois.

Chris Hedges : Oui.

Max Blumenthal : Il s’agit donc d’un échange de prisonniers politiquement douloureux, et le public israélien était furieux, tout comme les politiciens de droite. Ils ont donc introduit cette directive du nom du général carthaginois Hannibal – qui s’est suicidé, en prenant du poison plutôt que d’être fait prisonnier par l’ennemi – et elle autorise les commandants israéliens à tuer leurs propres soldats s’ils sont faits prisonniers par l’ennemi afin d’empêcher un tel échange de prisonniers d’avoir lieu. Et il a été utilisé à nouveau, c’est à ce moment-là qu’il a été exposé en 2014 – le 1er août 2014, ce qu’on appelle le Black Friday dans le sud de Gaza – et j’étais en fait là-bas à la suite de ce massacre. Un lieutenant nommé Hadar Golden a été capturé par les combattants du Hamas. Il était sur le terrain lorsqu’Israël a rompu le cessez-le-feu et a commencé à attaquer la ville de Rafah, dans le sud du pays. Le commandement militaire israélien a autorisé des frappes aériennes, des frappes d’artillerie et des tirs de chars, a attiré toute la colère de l’armée israélienne sur cette zone afin de s’assurer que ce soldat ne soit pas capturé vivant.

Plus de 100 personnes à Rafah ont été tuées dans ce massacre. Les morgues se remplissaient. C’était hideux. J’ai en fait visité un hôpital appelé l’hôpital koweïtien, qui est à nouveau attaqué actuellement, et comme les morgues étaient si pleines de corps ce jour-là, ils ont dû apporter des glacières pour stocker les corps des bébés. Le médecin que j’ai interrogé à ce sujet, toute sa famille a été tuée il y a environ une semaine et demie, après avoir refusé les ordres israéliens d’évacuer l’hôpital koweïtien. Mais revenons à la directive Hannibal. Nous devons nous demander si cela a été mis en œuvre le 7 octobre. Car nous n’avons pas seulement le passage d’Erez où de nombreux soldats ont été tués – et si vous regardez les conséquences, le toit a clairement été défoncé. Il y a de sérieux dégâts structurels sur le toit du passage d’Erez. Vous avez le kibboutz Be’eri où il y a eu des bombardements de chars, et puis vous avez ces pilotes d’hélicoptère Apache dans les airs qui ont déclaré dans leurs témoignages en hébreu aux médias israéliens qu’ils n’avaient aucun renseignement, aucun moyen de distinguer les civils des combattants sur le terrain. Et pourtant, on leur a dit de vider leurs réservoirs, de décharger complètement leurs munitions, puis de retourner à la base, de faire le plein, de recharger, puis d’aller tirer sur autant de voitures et de personnes que possible. Un pur chaos. Ces témoignages ont d’ailleurs été totalement ignorés par les médias occidentaux. Ont-ils été encouragés à tuer des captifs ou à tirer sur des voitures qui, selon eux, contenaient des captifs ? Nous ne le savons pas. Ce que nous savons, c’est qu’il y avait des ordres d’en haut pour tuer des civils israéliens si des hommes armés du Hamas étaient autour d’eux afin de les arrêter. Et c’est la même doctrine militaire qui est utilisée à Gaza : tout civil est une cible s’il est « le voisin immédiat du terroriste ». Israël appelle cela « la politique de voisinage ». Ils ne connaissent aucune autre doctrine. Ils ne disposent d’aucun autre moyen de ciblage et ils n’étaient évidemment pas préparés à cette attaque militaire. Ils se sont donc tournés vers leur doctrine fondamentale consistant à bombarder tout ce qui se trouvait en vue.

Cela nous amène au troisième scénario. Nous avons parlé d’Erez Crossing et du kibboutz Be’eri, puis il y a le chaos du Nova Electronic Music Festival. Et c’est là qu’il apparaît clairement qu’après le départ d’un grand nombre de ces commandos du Hamas et du Jihad islamique palestinien – c’est un élément qui est laissé de côté dans de nombreux médias occidentaux – de nombreuses personnes de Gaza ont commencé à affluer, y compris des personnes de niveau inférieur des factions armées qui possédaient peut-être des armes mais ne faisaient pas partie de l’opération ou n’étaient pas entraînées, des spectateurs, des gens qui voulaient voir à quoi ressemblait Israël, voir les terres dont leurs familles avaient été chassées. Il y a eu des meurtres odieux, et on pouvait voir de vrais captifs être emmenés par des gars à moto qui n’avaient même pas d’armes. Ils attrapaient les gens. Beaucoup de choses se sont produites autour du Nova Music Festival. Il y a eu de nombreuses fusillades entre les gardes de sécurité du festival et divers hommes armés, et de nombreuses personnes ont été tuées, mais de nombreuses personnes ont fui le festival en voiture. Il existe une vidéo de certains hommes armés du Hamas arrêtant des voitures et tirant sur des gens. Mais ensuite, vous avez toutes ces images que le ministère israélien des Affaires étrangères a diffusées montrant des voitures complètement calcinées, et les cadavres à l’intérieur sont calcinés. Et ce sont pour moi des signes révélateurs de frappes de missiles Hellfire depuis les hélicoptères Apache et les équipages Apache, les escadrons. Ils ont ensuite diffusé une vidéo dans laquelle ils tiraient sur des voitures, les frappaient avec des missiles Hellfire et tiraient sur des piétons avec des tirs de canon. Nous ne savons pas qui étaient ces personnes, mais si vous regardez bien, beaucoup de voitures retournaient vers Gaza. Il s’agissait donc très probablement de voitures de gens de Gaza qui emmenaient des prisonniers et de nombreux captifs ou potentiels captifs ont été tués. L’un d’eux était-il Shawnee Luke ? Cette femme, séduisante et citoyenne allemande, dont le ministère israélien des Affaires étrangères a fait toute une histoire, faisait la fête au festival. Il y a une vidéo d’elle en train d’être capturée. Ils disent qu’ils ont trouvé un fragment de son crâne.

Était-elle dans une voiture qui a été touchée par un missile Hellfire ? Pas clair. Mais il est très clair que beaucoup de ces voitures ont été touchées par des hélicoptères Apache et les pilotes d’hélicoptère ont déclaré qu’ils n’avaient aucune idée de qui se trouvait à bord. Ils tiraient sur les gens de l’autre côté de Gaza après leur entrée, dans l’après-midi du 7 octobre. Il est très clair pour moi que de nombreuses personnes ont été tuées. De nombreux Israéliens ont été tués par les forces israéliennes, ainsi que de nombreux soldats israéliens en uniforme en service actif, activement engagés dans le siège de Gaza, qui étaient des combattants.

Chris Hedges : Je tiens à affirmer que je suis allé au Koweït après la première guerre du Golfe et que j’ai emprunté l’autoroute de la mort, qui comptait des kilomètres et des kilomètres de véhicules militaires irakiens, qui avaient tous été touchés par des hélicoptères Apache. Et quand j’ai vu une des photos, une des images d’une voiture avec deux cadavres complètement calcinés, c’est ce que j’ai vu véhicule après véhicule après véhicule entrant au Koweït. Certaines de ces images diffusées par Tsahal ont été supprimées. Et peut-être pourriez-vous expliquer pourquoi vous pensez qu’elles n’étaient plus mises à la disposition du public.

Max Blumenthal : Eh bien, lorsque je suis allé pour la première fois à Gaza en 2014, au milieu des 51 jours d’assaut israélien contre Gaza, je suis tombé sur une voiture qui se trouvait au bord de la route et qui avait été « grillée » par un missile Hellfire ainsi que son conducteur. Le corps du conducteur avait été retiré mais il était sans doute carbonisé et on pouvait voir sa sandale fondue sur la pédale d’accélérateur. Il avait été touché par un missile Hellfire. J’ai ntégré l’image dans mon article pour la comparer aux véhicules que le ministère israélien des Affaires étrangères présentait comme preuve de la sauvagerie du Hamas, et elle est identique. Àu fait, il s’agissait d’un chauffeur de taxi, un jeune pauvre nommé Fadi Alowa, qui avait emmené à l’hôpital un combattant du Hamas blessé, sans même savoir qu’il avait été un combattant. Et donc ils l’ont tué.

Le ministère israélien des Affaires étrangères possède un site Web appelé Hamas-massacre.com. Et l’ambassadeur de l’ONU – ce personnage déséquilibré nommé Gilad Iradan, qui était autrefois responsable des opérations d’ingérence d’Israël pour attaquer les étudiants qui s’organisaient pour boycotter, désinvestir et sanctionner (BDS) Israël, ou former des groupes étudiants de solidarité avec la Palestine – Gilad Iradan a sorti ceci : un Code QR durant son discours à l’ONU, il y a environ deux semaines, et le code QR était censé mener à un dossier Google Drive contenant toutes ces images de voitures carbonisées, de corps fondus et toutes sortes d’autres atrocités commises par le Hamas. Mais toutes les photos ont fini par disparaître. Ma première lecture était qu’ils avaient conclu que beaucoup de ces images étaient soit fausses, soit qu’elles pouvaient même représenter des combattants du Hamas touchés par les missiles Hellfire. Mais ensuite Gilad Iradan, embarrassé, a déclaré qu’il y avait eu une erreur technique et il a essayé de republier les images. Et c’est logique car ils n’ont aucune honte. Ils mentent sans relâche, sans vergogne et il ne semble donc pas qu’ils les aient supprimées parce qu’ils étaient honteux. Ils les ont supprimées à cause d’une erreur technique majeure, ce qui est également ironique car Israël est censé être une nation de startups techniquement avancée qui enseigne au monde, par l’innovation et la créativité, comment nous pouvons entrer dans l’avenir de l’IA, mais ils ne peuvent même pas gérer un simple Google Drive.

Et cela montre la stupidité de toute cette opération. Mais ça a marché. Cela a très bien réussi à convaincre Bruxelles et Washington que le Hamas était l’EI. C’est le message d’Israël : le Hamas est l’ISIS, ils sont irrationnels, ils veulent simplement tuer des Juifs, ils n’ont aucune revendication politique, et la seule réponse à cela est la réponse que les États-Unis ont donnée à ISIS – après avoir soutenu ISIS, soit dit en passant, en Syrie – ce qui devait détruire une grande partie de Raha, la base d’opérations de l’Etat islamique, ainsi que Mossoul en Irak. L’homme qui a supervisé ces opérations, James Glynn, l’officier de marine, a été envoyé en Israël pour conseiller l’armée israélienne immédiatement après le 7 octobre sur la manière dont elle devrait réagir. Maintenant, le Pentagone recule et dit : « Waouh, c’est un peu exagéré même pour nous. Nous ne savons même pas ce que vous ciblez, ni d’où vient votre ciblage. » Mais ils lui ont donné le feu vert parce qu’ils étaient tombés dans le piège de la campagne de propagande de choc et d’effroi suscitée par ces photos.

Et récemment, lors d’une collecte de fonds pour la Coalition juive républicaine – qui est financée en grande partie par la famille Adelson du regretté oligarque Sheldon Adelson, mais aussi par de nombreux autres riches juifs républicains pro-israéliens à Las Vegas à l’hôtel Adelson – un personnage nommé Ellie Beir apparaît sur scène, une secouriste bénévole et un juif orthodoxe nationaliste religieux de New York, qui vit en Israël et est arrivé comme secouriste le 7 octobre par l’intermédiaire d’un groupe appelé United Hatzalah. Et c’est évidemment un discours de collecte de fonds. Et il déclare qu’un bébé a été brûlé dans un four, cuit dans un four par des « terroristes » du Hamas. Je regarde ses commentaires en ce moment. Je les ai devant moi. En réalité, il n’avait vu aucun bébé dans un four. Il s’agissait d’une personne nommée Ellie Moskowitz, qui faisait partie de son équipe de secouristes United Hatzalah. Et Ellie Moskowitz n’avait vu aucun bébé dans un four. Il a déclaré avoir trouvé un petit sac contenant des parties du corps qui avaient apparemment été pressées contre un élément chauffant. Ces parties du corps ont été exposées par Netanyahu, (filtrées) sur Twitter et envoyées aux influenceurs par le ministère israélien des Affaires étrangères dans le bureau du Premier ministre après que Netanyahu ait été embarrassé par l’obligation de se rétracter sur l’histoire de 40 bébés décapités. Donc, si nous revenons au 8 octobre, CNN et Biden commencent à raconter cette histoire bidon à propos de 40 bébés décapités, ils sont tous deux obligés de se rétracter, Netanyahu diffuse une image de certaines parties du corps brûlées, dit que c’est un bébé, puis on se retrouve à cette collecte de fonds à Las Vegas où ces secouristes disent qu’il y avait un bébé cuit dans un four sur base d’images de parties de corps trouvées près d’un élément chauffant …

Maintenant, soyons rationnel. Quel élément chauffant aurait pu créer autant de chaleur pour carboniser une partie du corps, qui n’appartenait même pas à un bébé, mais a été proposée par Netanyahu pour sauver sa face ?

Il s’agissait probablement d’un missile Hellfire et des parties du corps qui avaient été réduites en morceaux par un missile Hellfire, qui étaient probablement un citoyen israélien mais qui aurait pu être quelqu’un de Gaza, mais elles sont présentées comme un bébé israélien. Mais si vous regardez le nombre de décès confirmés, un seul bébé israélien a été tué. C’est horrible et tragique. Il s’agissait d’un bébé de 10 mois nommé Millie Cohen, qui a été accidentellement abattu par des hommes armés du Hamas lors d’un échange de tirs.

Et d’autres reportages seront publiés à ce sujet, mais vous pouvez consulter le nombre de morts confirmé dans Haaretz. Il n’y a pas d’autre bébé. Il n’y a pas de bébé brûlé dans un four, personne ne le dit. Ce à quoi nous sommes confrontés est donc une propagande horrible et sinistre, qui est fausse, qui dérive d’apparents « tirs amis » et qui est utilisée pour justifier la décapitation réelle de bébés avec des missiles dans la bande de Gaza et l’extermination systématique d’une société entière. Une haute source de sécurité israélienne a déclaré au Yedioth Ahronoth, le principal tabloïd israélien, que 20 000 personnes avaient été tuées à Gaza. Personnellement, je pense que cela pourrait être un chiffre excessif, et ils essaient de se vanter auprès du public israélien du nombre de personnes qu’ils ont tuées pour satisfaire la soif de sang du public après le 7 octobre.

Mais si c’est vrai, cela représente environ 1 % de la population totale, ce qui constitue effectivement un génocide. Cette propagande a donc été utilisée pour donner corps au mensonge. De nombreux Israéliens impliqués dans cette opération militaire ou vus en train de torturer des personnes en Cisjordanie, des travailleurs de Cisjordanie filmés, reproduisent la propagande sinistre qu’ils croient être vraie à propos du 7 octobre, et cela pourrait conduire à un conflit régional. Parce que la fureur génocidaire a submergé la société israélienne, la propagande, la campagne de choc et de crainte ont empêché Bruxelles et Washington de pouvoir y mettre un quelconque frein.

Chris Hedges : Que pensez-vous que cela signifie pour les otages qui se trouvent à Gaza ?

Max Blumenthal : C’est une excellente question, et l’un des otages y a répondu. Je ne connais pas son nom. Elle semble provenir de l’un des kibboutz, Nir Oz, où de nombreux prisonniers ont été capturés et c’est de là que venaient deux des captives âgées qui ont été libérées. C’est un kibboutz qui compte de nombreuses personnes, issues de la gauche du spectre politique israélien, qui seraient des critiques de Netanyahu. Il se peut donc qu’il ne soit pas – Netanyahu, son gouvernement et la population israélienne – très favorablement disposés à leur égard. Mais l’une de ces otages, une femme plus âgée, est apparue devant la caméra depuis l’endroit où elle était détenue à Gaza et a vivement critiqué Netanyahu, et a déclaré : « Vous n’avez aucune envie de nous sauver. Que faites-vous? Obtenez un cessez-le-feu, négociez notre libération et sortez-nous d’ici. Vous avez déjà tué 50 d’entre nous. » Et c’est exact. Au moins 50 captifs ont déjà été tués dans ces bombardements israéliens de type blitzkrieg où ils utilisent des bombes de 2 000 livres et des bombes anti-bunker Mark 82.

Je ne pense donc pas qu’ils s’en sortiront vivants. Ce serait un miracle s’ils s’en sortaient vivants. Tout le monde veut qu’ils s’en sortent vivants, qu’ils soient du côté antisioniste ou… Eh bien, je ne devrais pas dire que tout le monde veut qu’ils en sortent vivants. Il semble que ceux qui veulent qu’ils s’en sortent soient ceux qui protestent contre Netanyahu devant son bureau et devant le quartier général militaire et qui sont généralement des gauchistes ou des antisionistes en Israël. Et ceux qui s’en fichent de leur sortie sont les partisans de Netanyahu, les partisans de l’armée et les commandants militaires eux-mêmes. Car qu’est-ce qui dans cette opération suggère qu’ils tentent réellement de sauver des otages ? Rien. Absolument rien. Et la dynamique politique qui a été mise en place en attaquant tout le monde dans la bande de Gaza envoie le message qu’aucune négociation n’est possible. Netanyahu pourrait tomber à tout moment pendant que cette opération se poursuit si certaines choses se produisent. Par exemple, si les soldats que l’armée israélienne a envoyés dans les quelques zones non peuplées du nord de Gaza où ils ont établi de facto des bases de chars Merkava, s’ils sortaient réellement de leurs chars et s’enfonçaient dans les décombres ou essayaient de détruire eux-mêmes les tunnels, ils perdront de très nombreuses vies et Netanyahu tombera probablement, mais il tomberait également s’il négociait la libération de ces captifs. Pourquoi? En raison de la propagande qu’il a mise en œuvre, la propagande était si extrême et si sinistre, et elle allait si loin au-delà de la réalité déjà horrible du 7 octobre que le public israélien a été plongé dans une telle ferveur qu’il n’accepterait aucune négociation avec le Hamas. Le seul objectif qui puisse être avancé, et qui a été renforcé par Tony Blinken, est donc le changement de régime à Gaza. Et un changement de régime à Gaza signifie des mois et des mois de guerre génocidaire acharnée à laquelle aucun captif ne pourrait survivre.

Chris Hedges : N’est-ce pas simple ? Ils ont emmené les prisonniers parce qu’ils voulaient un échange de prisonniers. Netanyahu pourrait vider les prisons israéliennes de quatre ou cinq, six, je ne sais pas, 10 000 prisonniers palestiniens, et ils y arriveraient. Les otages rentreraient chez eux, n’est-ce pas ?

Max Blumenthal : Oui. Il ne s’agit pas du Hamas en soi. Le Hamas a le mandat politique de mener une lutte armée. C’est pour cela qu’il a été élu en 2006, y compris par des personnes qui ne sont pas forcément islamistes, en dehors de sa base. Ils ont en fait gagné des villes à travers la Cisjordanie. Ce n’est pas seulement Gaza qu’ils ont gagnée, ils ont gagné toute la Palestine qui pouvait voter. Leur mandat est donc de mener une lutte armée pour résister là où l’Autorité palestinienne a pratiquement abandonné, et ils vont continuer à le faire. Mais la lutte armée palestinienne a toujours été motivée par des revendications politiques essentiellement rationnelles et liées à la fin du nettoyage ethnique et à la fin de l’occupation militaire de la Palestine. Les dirigeants du Hamas ont présenté des revendications politiques claires au début de l’opération Al Aqsa Flood, comme ils l’ont fait en 2014 lors de l’Opération Cast Iron. Ils visent à empêcher les incursions de nationalistes religieux fanatiques dans le complexe d’Al Aqsa, le troisième lieu saint de l’Islam, et ils visent à mettre fin au siège de Gaza afin qu’ils puissent réellement jouir d’une certaine souveraineté. Ils peuvent effectivement pêcher dans leurs propres mers. Ils peuvent avoir une économie, ils peuvent visiter Jérusalem.

En vidant les prisons israéliennes, où environ 1 500 Palestiniens sont désormais détenus sans inculpation, 700 enfants palestiniens entrent et sortent de ces prisons chaque année. Il y en a actuellement au moins 150, et probablement 200 enfants palestiniens sont détenus dans ces prisons. Ce sont des otages. Ils ont été kidnappés. J’ai assisté à leurs procès devant les tribunaux israéliens pour enfants et ils ont été kidnappés dans leur propre lit. Ahad Tamimi a été kidnappé. Je la connais depuis qu’elle est enfant et son village, Nabi Salih mène une lutte sans armes contre l’occupation israélienne en Cisjordanie. Son père a été kidnappé, Basam, qui est en réalité le leader de cette lutte et un héros international.

Et cela concerne donc toute l’occupation. Et la seule façon pour eux de déclencher des négociations, pensent-ils, était de faire des prisonniers, car toutes les voies diplomatiques avaient été coupées. L’Occident tout entier a déclaré le Hamas comme une organisation terroriste avec laquelle on ne peut pas négocier. La seule façon de stimuler les négociations est donc la violence. Et c’est ce qu’ils ont fait, et ce qu’ils ont fait c’est accélérer la dynamique essentielle du sionisme. Parce que le sionisme, en tant que mouvement colonial basé sur une idéologie anachronique, l’idéologie de Herren Volk du début du siècle en Europe, a démontré sa réticence à accueillir la population autochtone alors qu’il cherche à consolider sa présence coloniale. Il doit donc s’orienter vers le génocide, comme l’ont fait tous les autres mouvements coloniaux. Et c’est là où nous en sommes actuellement : la phase où on saura si Israël sera capable ou non de terminer le travail qu’il a commencé en 1948.

Et toute négociation qui aurait pu avoir lieu avec une autorité rationnelle est interdite. Il s’agit également d’un échec évident des dirigeants américains et occidentaux à reconnaître non seulement ce à quoi ils sont confrontés dans la bande de Gaza, qui est une autre faction palestinienne qui utilise la violence pour stimuler l’élan politique parce que tous les moyens diplomatiques ont été coupés pour eux , mais aussi ce à quoi ils font face en Israël. Où ils ont affaire à un mouvement politique fondamentalement génocidaire et à une société génocidaire. Cette société israélienne est prête au génocide. Vous pouvez regarder les vidéos virales. Les vidéos qui deviennent virales sur les réseaux sociaux israéliens montrent des parents qui recrutent leurs propres enfants comme « figurants » pour se moquer des enfants palestiniens qui meurent, les habillant avec un hijab pour se moquer des filles palestiniennes qui meurent, qui meurent de faim, qui ont soif parce que le l’eau a été coupée.

Il y a une nouvelle tendance lancée par un journaliste israélien de la Treizième chaîne en Israël, consistant à se moquer des prisonniers palestiniens en Cisjordanie qui sont détenus pendant huit heures et forcés d’écouter sans fin une chanson pour enfants pour les tourmenter, et ils dansent en se moquant des prisonniers. Le chanteur de cette chanson pour enfants a été amené à se produire dans une base militaire israélienne. Vous pouvez regarder les images de tous les chanteurs pop apparaissant dans les bases militaires ou dans ce qu’on appelle l’Enveloppe de Gaza, où les réservistes se préparent à entrer à Gaza, et ce sont de simples hymnes génocidaires sur la reconquête de Gaza, l’expulsion de ses habitants, et le rétablissement des colonies israéliennes encore plus grandes que l’ancienne colonie de Gush Katif. Le ministère israélien du Renseignement a même présenté le document d’un groupe de réflexion qui appelle au nettoyage ethnique complet de Gaza et au transfert forcé de ses habitants vers l’Égypte. Ils l’ont présenté comme un plan officiel pour les suites de cette opération qu’ils appellent Iron Swords.

C’est donc ce à quoi les États-Unis ont donné le feu vert ici. Et en essayant de susciter un élan politique fondamental et un assouplissement du siège – le Hamas aurait peut-être simplement accepté un assouplissement du siège pour pouvoir apporter quelque chose à ses électeurs – en essayant de le faire par la violence alors que toutes les voies diplomatiques étaient fermées, ce qu’ils ont fait, c’est forcer ce conflit à entrer dans sa phase finale. Je ne pense pas qu’Israël s’arrêtera avant qu’il ne pense avoir terminé le travail qu’il a commencé en 1948.

Traduction : Régine Florent

Chris Hedges :

C’était Max Blumenthal de The Grayzone. Vous pouvez lire son article, « Les témoignages du 7 octobre révèlent que l’armée israélienne bombarde des citoyens israéliens avec des chars et des missiles » sur The Grayzone. Je tiens à remercier The Real News Network et son équipe de production : Cameron Granadino, Adam Coley, David Hebden et Kayla Rivara. Vous pouvez me trouver sur chrisedges.substack.com.

Source : Liste alerte-otan