Par Karine Bechet-Golovko

Alors que le G7, sans surprise aucune, adopte une déclaration condamnant la Russie, un sondage est à ce moment-là publié dans le Guardian, selon lequel les Etats-Unis sont le pays qui présente le plus grand danger pour la démocratie. L’on peut se demander quelle est la légitimité des Etats-Unis et du G7 à s’accrocher au rôle du sauveur de la démocratie dans le monde ?

La réunion du G7 au niveau des ministres des Affaires étrangères s’est terminée hier, en préparation de la réunion au sommet qui aura lieu dans un mois. Au-delà de l’absence répétée de résultats concrets, la tradition des grandes déclarations politiques, du Bien contre le Mal, n’est pas remise en cause, d’autant plus que la liste des ennemis est bien posée.

Au premier rang de ceux-là, l’on retrouve immanquablement la Russie, confortablement installée par ces Messieurs dans le rôle du grand méchant. Un rôle très important pour les pays du G7, qui constituent la garde rapprochée de l’Atlantisme, car sans elle, ils devraient s’interroger sur les dysfonctionnements intérieurs liés à leur politique globaliste. Avec la Russie, ils ont heureusement un bouc-émissaire et n’ont donc plus besoin de s’interroger. Les accusations habituelles peuvent ainsi être avancées :

« Les pays du G7 s’y disent très préoccupés par la persistance de l’attitude irresponsable et déstabilisatrice de la Russie, (…). Ils reprochent notamment à Moscou le renforcement important des forces militaires russes aux frontières de l’Ukraine et dans la Crimée annexée illégalement, ainsi que des activités malveillantes visant à saper les systèmes démocratiques d’autres pays et l’utilisation de la désinformation. »

Si l’on traduit ce communiqué dans une langue simple, les pays du G7 sont a priori des systèmes démocratiques (c’est le postulat de base et les postulats ne se discutent pas), donc gouvernant avec et dans l’intérêt de leur peuple. Ainsi, s’il y a des difficultés électorales pour faire passer les bons candidats, si un mécontentement populaire monte dans nos beaux pays a priori démocratiques, c’est parce que la Russie développe une politique malveillante et de désinformation. What else ? Sinon, cela voudrait dire que la politique menée est contestée de l’intérieur … Quelle idée ! Si besoin est d’une illustration de l’attitude agressive de la Russie : elle déplace ses forces armées sur son territoire, quand les pays de l’OTAN (organisation caritative) organise une grande kermesse en Ukraine (donc en dehors de leur territoire), à proximité de la ligne de front avec le Donbass, afin que les habitants, sous pression des armes russes, puissent se détendre. Si après cela vous avez encore des doutes sur les intentions belliqueuses de la Russie et pacifiques de l’OTAN, c’est que vous êtes sous emprise de la propagande de l’ennemi.

Pourtant, il semblerait que la propagande atlantiste prenne de moins en moins face à une politique atlantiste de plus en plus agressive. Un étonnant article vient, en ce sens, d’être publié hier dans The Guardian. Une étude sociologique a été menée par l’Alliance of Democraties Foundation sur plus de 50 000 personnes dans 53 pays. Et selon les résultats, qui permettent en tout cas de développer une tendance générale, dans l’opinion des personnes interrogées, les Etats-Unis présentent un plus grand danger pour la démocratie que la Russie ou la Chine :

« In perhaps the most startling finding, nearly half (44%) of respondents in the 53 countries surveyed are concerned that the US threatens democracy in their country; fear of Chinese influence is by contrast 38%, and fear of Russian influence is lowest at 28%. »

De la même manière, le ressenti de l’influence américaine dans les autres pays comme une atteinte à la démocratie augmente, surtout en Allemagne et en Chine

 « Since last year, the perception of US influence as a threat to democracy around the world has increased significantly, from a net opinion of +6 to a net opinion of +14. This increase is particularly high in Germany (+20) and China (+16) »

Comme le souligne le Guardian lui-même, dans ces conditions, les Etats-Unis et les pays du G7 ont du mal à se draper du manteau des sauveurs de la démocratie dans le monde … 

« The findings may in part reflect views on US comparative power, but they show neither the US, nor the G7, can simply assume the mantle of defenders of democracy. »

Mais que devraient faire les pays du G7 s’ils se dévêtaient de ces apparats trop lourds pour leurs faibles épaules ? C’est pour eux une impasse.

Source : Russie politics
http://russiepolitics.blogspot.com/…