Par Bruno Guigue

2 mai 1945, le drapeau rouge flotte sur le Reichstag. La bataille de Berlin est terminée. Hitler s’est suicidé dans le bunker de la chancellerie. Le Reich millénaire s’écroule dans une atmosphère digne du Crépuscule des dieux. Chèrement acquise, la victoire finale de l’Union soviétique sur l’Allemagne nazie expédie dans les poubelles de l’histoire une entreprise démentielle de domination raciale qui a dévasté l’Europe avant de disparaître sous les décombres de la capitale allemande.

Dans cette guerre, 27 millions de Soviétiques ont perdu la vie. Deux tiers d’entre eux sont des civils, un tiers des militaires. En proportion, la catégorie qui a payé le plus lourd tribut à la lutte antifasciste est le corps des officiers soviétiques : un million de morts. Oui, un million d’officiers de l’Armée rouge sont morts pour libérer la patrie et terrasser l’hydre nazie. Parmi ces officiers, beaucoup de femmes, y compris des aviatrices. Et beaucoup, oui beaucoup de communistes.

En Angleterre, la même année, en 1945, un type écrit un bouquin. C’est un pamphlet en forme de parabole animalière où l’auteur compare les communistes à des animaux de ferme. A la fin de ce récit grotesque, les cochons prennent le pouvoir. Ce bouquin, c’est « Animal farm » de George Orwell. Pour l’auteur, il faut croire que les millions de communistes soviétiques qui sont tombés sous les balles nazies étaient des cochons.

Ce pamphlet nauséabond, la diplomatie britannique va s’en servir pour intoxiquer le monde musulman. Londres redoutant l’influence du communisme chez les ouvriers du secteur pétrolier en Arabie saoudite, un diplomate en poste au Caire propose de publier des traductions d’ »Animal Farm », « car c’une idée tout indiquée pour les pays arabes, étant donné qu’aux yeux des musulmans les porcs et les chiens sont considérés comme des animaux impurs ».

Ancien flic colonial, le chroniqueur à la BBC est un petit soldat de l’Empire. Il n’a jamais écrit une ligne contre les horreurs commises par les Britanniques aux Indes. En revanche, il va encore rendre un petit service. Sans vergogne, il va « balancer » une liste d’intellectuels progressistes aux services de renseignement britanniques. Propagandiste de la « guerre froide », il est même l’inventeur de cette expression à succès. Et pourtant, sans le sacrifice de ces communistes qu’il haïssait, le dandy libertaire n’aurait pu continuer sa carrière littéraire.

Anarchiste de salon, Orwell, c’est le type qui a attendu que les autres se fassent tuer en combattant le nazisme avant d’aller cracher sur leurs tombes.

Mais son cas est emblématique. Fustigeant le communisme, les chiens de garde de son espèce vont proliférer durant la guerre froide. Résistants de la vingt-cinquième heure, collabos passés à travers les gouttes, anarchistes dorlotés par la presse bourgeoise, gauchistes rangés des écuries et révolutionnaires en paroles vont se répandre dans l’atmosphère délétère du nouvel anticommunisme.

Source : La page FB de l’auteur
https://www.facebook.com/bruno.guigue.10/…