Par Régis de Castelnau

J’aime bien Novak Djokovic comme sportif en général et comme joueur de tennis en particulier. Il vient d’être à l’origine d’un spasme planétaire autour des péripéties qui se sont déroulées en Australie à l’occasion de son déplacement dans ce pays pour participer à un tournoi. Rappelons quelques éléments de contexte. Il aurait été autorisé par la fédération australienne ou les organisateurs du tournoi à se rendre à Melbourne alors qu’il n’était pas vacciné. Le gouvernement australien s’est signalé depuis le début de la pandémie Covid par toute une série de délires répressifs qu’il justifie par le caractère insulaire du pays. Je ne sais pas si les autorités sportives – dont on nous dit qu’elles étaient d’accord avec la venue du champion serbe – s’étaient rapprochées de leur gouvernement mais la réaction brutale de celui-ci face à ce qui ressemblait à un passe-droit était plus que prévisible. À son arrivée sur le territoire, Novak Djokovic a été prestement enfermé dans un centre de rétention d’où une décision judiciaire l’a sorti quelques jours plus tard. L’affaire avait fait le tour du monde et provoqué les débats furieux qui opposent désormais systématiquement les sanitaristes extrémistes aux adeptes du refus de la vaccination. Il y a un moment que la simple raison est absente de ces débats, à croire que le virus provoque de part et d’autre des troubles psychiatriques avant même d’avoir contracté la maladie.

Je ne sais pas quelles étaient les intentions de Novak Djokovic avec ce déplacement dont il aurait pu comprendre avec trois sous de jugeote qu’il ne pouvait que mal se terminer. A-t-il vraiment pensé que le gouvernement australien allait s’incliner ? Et qu’il allait pouvoir tranquillement, sous les hourras de la foule, remporter son 21e tournoi du Grand Chelem ? Ou bien, comme le disent certains et comme les conférences de presse grandiloquente de ses parents semblent démontrer, voulait-il accomplir un acte militant ? En tout cas, c’est une nouvelle preuve qu’il faut se concentrer sur ce que l’on fait très bien et éviter de se prendre pour autre chose.

Aujourd’hui après son expulsion inéluctable, les uns nous le présentent comme un héros, un Jean Moulin luttant contre la dictature sanitariste. Les autres comme un criminel, un illuminé New Age anti-vax, qu’il aurait fallu garder en prison. Il n’est, bien sûr, ni l’un ni l’autre. Peut-être simplement un symptôme de la folie de l’époque.

L’Australie est un pays magnifique, mais ceux qui y ont vécu vous diront qu’il est habité par des rednecks brutaux, ultralibéraux et grands génocidaires. Comme disent les plus méchants, en l’occurrence un de mes amis, « ce sont les USA dirigés par des Allemands ». Comme avec l’histoire des sous-marins : ils nous ont fait dans les bottes, et il n’y a aucune raison d’être indulgent.

Mais justement, tout cela, on le savait, et Novak Djokovic mieux que personne. D’autant que, connu pour être patriote, le tennisman s’est investi dans un combat pour l’environnement dans son pays, mettant en cause l’Australie. Jusqu’à nouvel ordre, les Australiens sont chez eux et le respect de leur souveraineté impose de dire qu’ils ont eu raison de le virer. Surtout qu’ils l’ont fait d’abord et avant tout pour des raisons politiques. Quand tu n’es pas invité, tu ne vas pas taper l’incruste surtout quand tu te doutes bien que lesdits rednecks vont te mettre à la porte. Alors, il faudrait arrêter de pleurnicher, éviter de parler de « déportation », voire de martyre. Et de présenter Djokovic comme le héros du jour.

Il est amusant d’entendre de l’autre côté ceux qui approuvent la décision d’expulsion comme étant juridiquement justifiée et une preuve de l’application de l’État de droit en Australie. On leur répondra que cela pourrait valoir pour d’autres, comme par exemple pour ceux qui viennent dans votre pays sans avoir été invités (ce qui est une infraction pénale) et qui violent ses lois. C’est l’État de droit qui voudrait qu’on les expulse, comme en Australie. Tout pareil.

Ah oui mais non, va nous dire le parti des belles âmes, ce n’est pas du tout pareil. Virer des étrangers qui commettent des infractions, quand il s’agit de joueurs de tennis, c’est bien, mais quand ce ne sont pas des champions, là, Fabius et les belles âmes nous expliquent que la « fraternité » de la devise républicaine nous impose de les garder.

On va donc s’intéresser à des choses plus sérieuses et réserver notre compassion et nos protestations à un Australien qui lui, le mérite. Un héros de la liberté d’expression. Julian Assange, journaliste courageux, que les Anglais torturent depuis dix ans pour complaire aux Américains. Sans que l’UE, pas plus que la France et ses belles âmes, ne trouvent à y redire.

Source : Vu de Droit
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