Des peintures murales représentant de grands yeux de personnalités locales et internationales, peints dans le cadre d’un projet d’art public intitulé « Je suis témoin de Silwan » sur des maisons à flanc de colline dans le quartier arabe de Silwan à Jérusalem-Est, vendredi.
Photo: Ahmad Gharbali / AFP

Par Gideon Levy

Gideon Levy, Haaretz, 27/8/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

SVP ne dérangez pas Israël, il est occupé à se battre avec l’Iran. Le combat vise à ’empêcher la nucléarisation de l’Iran, mais pas moins que cela sert Israël dans d’autres domaines. Et donc Israël continuera à se battre, n’arrêtera pas d’essayer de faire bouger ciel et terre, n’abandonnera pas, même lorsque les chances de succès sont nulles, face à l’accord en cours de formulation.

 Ainsi, le Premier ministre Yair Lapid agit de la même manière que l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahou, avec une opposition virulente et sans compromis à l’accord. À ce niveau également, il n’y a aucune différence dans leur conduite. Et c’est parce qu’au fil des ans, la lutte elle-même est devenue fructueuse pour Israël, pas moins que l’objectif déclaré. Le premier à l’identifier était bien sûr Netanyahou, le père de la guerre contre le projet nucléaire iranien.

Il s’agit d’une guerre contre l’acquisition par un pays menaçant ouvertement Israël d’une arme apocalyptique, mais en même temps, c’est aussi une campagne pour lever ce qu’Israël considère non moins comme une menace – l’opposition mondiale à l’occupation.Depuis qu’Israël a entamé la lutte contre le programme nucléaire iranien, il a réussi à bouleverser le contenu du discours mondial. Si, auparavant, chaque rencontre diplomatique portait sur la solution du conflit, celle-ci est désormais mise de côté – avec des paroles en l’air et une séance de photos au siège de l’Autorité palestinienne à Ramallah – et la conversation se déplace sur le sujet vraiment important : le programme nucléaire iranien. N’embêtez pas Israël en ce moment avec le droit international et l’apartheid – ne voyez-vous pas qu’il est occupé avec l’Iran ?

La question de l’Iran permet à Israël de revenir à sa position favorite – l’éternelle victime, avec une entité qui cherche sa destruction ; et quand Israël crie “destruction”, qui ne viendra pas à sa défense ? Lorsque l’existence d’Israël est menacée par un autre pays, il ne peut pas s’embarrasser des menus détails de l’occupation, des colons et des droits humains. Et le monde cède facilement. De toute façon, il n’a aucun intérêt particulier à résoudre le problème palestinien, il a des questions plus urgentes et plus faciles à résoudre. Et donc la conversation sur l’Iran sert à presque tout le monde.

Pendant des années c’est la terreur palestinienne qui a servi Israël – bien sûr, on ne peut pas faire confiance aux pirates de l’air et aux poseurs de bombes dans les bus. Le Hamas a également joué le jeu d’Israël : après tout, vous ne pouvez pas céder à la branche locale d’Al-Qaida et de l’État islamique. L’Iran s’est levé à l’est : un grand miracle s’est produit.

L’Iran n’a pas seulement permis d’éviter la question palestinienne, il a aussi contribué à unifier les rangs à l’intérieur du pays : une menace extérieure et une campagne de peur sont toujours bonnes pour ceux qui gouvernent, qui que ça soit qui gouverne. Et il n’y a pas de menace comme celle de l’Iran pour enrichir l’establishment de la défense avec de plus en plus de fonds et amplifier son importance. Danger, guerre.

L’Iran permet également à Israël de poursuivre son rôle de vedette sur la scène mondiale : le projet nucléaire iranien est une affaire mondiale, et Israël joue le rôle principal, en tant que première victime potentielle. Tout cela ne veut pas dire que l’Iran ne constitue pas une menace stratégique et qu’Israël n’est pas une victime potentielle. Bien sûr qu’il l’est, mais Israël sait comment tirer le meilleur parti de chaque menace.

L’accord le plus raisonnable possible est en train d’être formulé – et Israël tire déjà la sonnette d’alarme et réclame, à tout le moins, une compensation adéquate de la part des USA. Ils parlent déjà d’une aide militaire accrue en échange d’un accord qui sera bon pour Israël.

Quelle que soit la façon dont on le présente, Israël en profite. Nous devrions soi-disant être fiers d’une politique qui profite à Israël et le protège également autant que possible. Cependant, comme dans tout accord, l’accord iranien se fait aussi au détriment d’autre chose. Et cette autre chose est la fin de l’occupation.

L’Iran n’en avait certainement pas l’intention, et Israël non plus, mais ces dernières années, rien n’a servi l’occupation israélienne de manière aussi efficace que la menace iranienne. Il ne reste plus qu’à espérer que l’accord avec l’Iran ne raye pas la question de l’ordre du jour, au ciel ne plaise. Israël en a besoin comme de l’air pour respirer.

Source : TLAXCALA
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