Par Alex Lantier

L’alliance de l’OTAN prépare une vaste escalade de sa guerre par procuration contre la Russie en Ukraine et des guerres et intrigues impérialistes dans le monde entier. C’est ce qui ressort de deux sommets organisés ce week-end en Allemagne par les ministres des Affaires étrangères de l’OTAN et du G7, le groupe des pays les plus riches du monde: États-Unis, Allemagne, Grande-Bretagne, Japon, France, Italie et Canada.

Dimanche, la Finlande et la Suède ont confirmé qu’elles rejoindraient l’OTAN contre la Russie. Les sociaux-démocrates suédois au pouvoir ont déclaré qu’ils allaient demander à rejoindre l’OTAN, après que la Finlande a déclaré qu’elle le ferait cette semaine. «Aujourd’hui, le parti social-démocrate suédois a pris une décision historique en disant oui à une demande d’adhésion à l’OTAN», a tweeté la ministre suédoise des Affaires étrangères Ann Linde, tandis que la première ministre Magdalena Andersson s’engageait à «s’assurer qu’il y a un large soutien parlementaire au Riksdag pour une demande d’adhésion suédoise».

Dans le même temps, des exercices militaires de l’OTAN se déroulaient tout le long de la frontière occidentale de la Russie. Les exercices «Defender Europe» impliquent 18.000 soldats de l’OTAN en Pologne et dans d’autres pays d’Europe orientale; les exercices «Hedgehog» se composent de 15.000 soldats de l’OTAN en Estonie; les exercices «Wettiner Heide» rassemblent 7.500 soldats en Allemagne; et les exercices «Iron Wolf», 3.000 en Lituanie. En Finlande, l’exercice «Arrow 22» implique la brigade blindée finlandaise et des chars des États-Unis, de Grande-Bretagne, de Lettonie et d’Estonie.

Le conte de fées officiel selon lequel l’OTAN aide l’Ukraine innocente contre une invasion non provoquée de la Russie est en train de se dissoudre au fur et à mesure que l’OTAN utilise l’Ukraine pour justifier un remodelage drastique de la géopolitique mondiale. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg a clôturé du sommet de l’OTAN. Dans ses remarques, il a clairement montré que, bien avant que le président russe Vladimir Poutine n’ordonne l’invasion de l’Ukraine en février dernier, l’OTAN armait l’Ukraine comme un mandataire contre la Russie.

«L’OTAN est plus forte que jamais. L’Europe et l’Amérique du Nord sont solidement unies. L’Ukraine peut gagner cette guerre», a affirmé Stoltenberg. Il a ajouté que les «Alliés se sont engagés à fournir à l’Ukraine une assistance en matière de sécurité d’une valeur de plusieurs milliards de dollars. Au fil des ans, l’OTAN et les Alliés ont formé des dizaines de milliers de membres des forces ukrainiennes. Cela fait chaque jour une réelle différence sur le champ de bataille».

Stoltenberg se faisait l’écho de l’ancien commandant de l’armée américaine en Europe, Ben Hodges, qui a déclaré que Washington devrait déclarer qu’en Ukraine, «nous voulons gagner». Hodges a également appelé à «venir à bout de la Russie».

Stoltenberg a déclaré que cela faisait partie d’une expansion globale des opérations de l’OTAN: «Les ministres ont également discuté de notre prochain sommet de Madrid. Nous prendrons des décisions importantes pour renforcer la dissuasion et la défense de l’OTAN afin de refléter la nouvelle réalité de la sécurité en Europe, en appui et en collaboration avec des partenaires, proches et lointains, qui partagent les mêmes idées et pour adopter notre prochain concept stratégique, le plan de l’OTAN pour une ère de concurrence stratégique».

Outre les États membres actuels de l’OTAN, le Japon, la Corée du Sud, la Finlande, la Suède, l’Ukraine et la Géorgie devraient également participer au sommet de l’OTAN qui se tiendra à Madrid du 28 au 30 juin. Le gouvernement du Parti socialiste espagnol (PSOE)-Podemos répondra aux manifestations de masse attendues en déployant 25.000 policiers antiémeute pour placer la capitale espagnole en état d’urgence.

On a présenté un aperçu du nouveau concept stratégique de l’OTAN dans le communiqué des ministres des Affaires étrangères du G7 samedi. Ce gigantesque document de 30 pages n’est en fait pas un résumé des discussions du sommet, mais une liste exhaustive de demandes adressées par les pays impérialistes les plus puissants à la quasi-totalité de la planète. Il concerne la Russie, l’ex-Yougoslavie, la zone indopacifique, la Chine et les mers de Chine orientale et méridionale, le Myanmar, l’Afghanistan, la Libye, la Syrie, l’Irak, la Palestine, le Yémen, la Corne de l’Afrique, la Somalie, le Soudan, l’Éthiopie, le Sahel, les pays du golfe de Guinée, le Venezuela, Haïti, l’Iran, et la Corée du Nord.

Sur la guerre en Ukraine, le communiqué du G7 vise surtout, au-delà de la Russie elle-même, la Chine et la Biélorussie. Il dénonce la Biélorussie comme «complice» de la guerre en «permettant l’agression de la Russie» et prévient que la Biélorussie n’a pas «respecté ses obligations internationales».

Le G7 demande à la Chine de cesser ses échanges avec la Russie, qui fait l’objet de sanctions financières radicales de la part des États-Unis, et de renoncer à ses revendications en mer de Chine méridionale. Le G7 a ordonné à la Chine de «ne pas saper les sanctions imposées à la Russie» et de «renoncer à s’engager dans la manipulation de l’information, la désinformation et d’autres moyens pour légitimer la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine». Il demande également à la Chine de donner «un accès immédiat, significatif et sans entrave au Xinjiang et au Tibet», deux régions stratégiques de l’ouest de la Chine, aux fonctionnaires de l’ONU et aux autres observateurs.

Concernant la Russie, le G7 déclare: «La Russie a violé la Charte des Nations unies… et devra faire face aux conséquences de ses actions. Nous rejetons toute notion de sphère d’influence et tout recours à la force qui ne serait pas conforme au droit international. Nous ne reconnaîtrons jamais les frontières que la Russie a tenté de modifier par une agression militaire. Nous maintiendrons notre engagement en faveur de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, y compris la Crimée, et de tous les États».

Ce que l’OTAN propose, c’est une éruption mondiale du militarisme impérialiste. Dans les trente ans qui ont suivi la dissolution de l’Union soviétique par la bureaucratie stalinienne en 1991, éliminant ainsi le principal contrepoids militaire à l’OTAN, celle-ci s’est lancée dans un déchaînement néocolonial. Elle a bombardé, organisé des coups d’État, envahi ou occupé militairement le territoire dans pratiquement tous les pays énumérés dans le communiqué du G7. Les guerres de l’OTAN, comme celles qui ont bouleversé l’Irak, l’Afghanistan, la Libye, la Syrie et le Mali, ont coûté au total plusieurs millions de vies.

La décision de Poutine de répondre à l’armement de l’Ukraine par l’OTAN par une invasion préventive est réactionnaire, mais l’évidence doit être soulignée: l’OTAN fait preuve de la pire hypocrisie lorsqu’elle condamne la Russie pour violation du droit international. De l’invasion illégale de l’Irak par les États-Unis et le Royaume-Uni en 2003 à son bombardement unilatéral de la Syrie en 2017, l’OTAN ne peut plus prétendre que ses guerres sont régies par le droit international.

Les travailleurs doivent considérer l’escalade militaire de l’OTAN contre la Russie dotée de l’arme nucléaire et la mégalomanie de ses ambitions géopolitiques comme un avertissement urgent. Alors que la guerre en Ukraine s’éternise et que l’armée russe consolide son emprise militaire sur des zones largement russophones dans le sud et l’est de l’Ukraine, le danger d’une escalade militaire incontrôlée entre l’OTAN et la Russie, qui aboutirait à une guerre nucléaire totale, s’accroît de jour en jour.

Il est de plus en plus évident que pour que l’OTAN «gagne» la guerre Russie-Ukraine, comme le demandent Stoltenberg et Hodges, elle devra attaquer directement la Russie. L’intégration dans l’OTAN de la Finlande, avec sa grande armée et ses 1300 km de frontière avec la Russie, et le battement de tambour constant des jeux de guerre de l’OTAN le long des frontières de la Russie montrent que les préparatifs d’une telle politique mortellement insouciante sont bien avancés.

La force qui doit être mobilisée contre le danger croissant d’une troisième guerre mondiale nucléaire est la classe ouvrière internationale. Cela inclut, en particulier, la classe ouvrière russe et ukrainienne, mobilisée sur la base des traditions révolutionnaires bolcheviques qui ont conduit à leur unification, il y a un siècle, dans le renversement du capitalisme et la construction de l’Union soviétique.

Les difficultés et les souffrances massives causées par la guerre de l’OTAN contre la Russie préparent des éruptions révolutionnaires de la lutte des classes au niveau international. Les ministres des Affaires étrangères du G7 ont appelé à la création d’un «Groupe mondial de réponse aux crises alimentaires, énergétiques et financières», déclarant que «le paysage géopolitique a fondamentalement changé. La guerre d’agression non provoquée et préméditée de la Russie exacerbe les perspectives économiques mondiales avec une forte augmentation des prix des aliments, du carburant et de l’énergie.»

Dans le monde entier, les grèves et les manifestations antigouvernementales, comme le mouvement de masse au Sri Lanka qui exige le renversement du président Gotabhaya Rajapakse, se multiplient. La déclaration du G7 sur la crise alimentaire est cependant une autre fraude politique: elle rend la Russie responsable de la crise alimentaire, qui menace des centaines de millions de vies, bien que l’OTAN a joué un rôle central dans sa création.

Les banques centrales des États-Unis, du Japon, de la Grande-Bretagne et de l’Union européenne gèlent des centaines de milliards de dollars des réserves de change de la Russie, rendant impossible de payer la Russie en dollars pour ses produits sur les marchés mondiaux. Alors que l’invasion russe empêche une grande partie des céréales ukrainiennes d’atteindre les marchés mondiaux, les sanctions draconiennes de l’OTAN ont ainsi rendu impossible l’exportation des céréales et des engrais russes. La Lituanie, un État membre de l’OTAN et de l’UE, a de même bloqué l’exportation de potasse de Biélorussie par ses ports.

Les menaces de guerre croissantes de l’OTAN à l’encontre de la Russie et sa mise à mal irréfléchie de l’approvisionnement alimentaire mondial soulignent que la survie de milliards de personnes dépend de la mobilisation politique et de l’unification des travailleurs à l’échelle internationale contre la guerre impérialiste, dans une lutte pour le socialisme.

(Article paru en anglais le 16 mai 2022)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

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