Octobre 2015, al-Qods – Scène de kidnapping d’un enfant palestinien
par les forces israéliennes d’occupation – Photo : via PalInfo

Par Yara Hawari

La désignation par Israël de six ONG palestiniennes comme “organisations terroristes” vise à saper la lutte des Palestiniens pour la liberté.

Le 22 octobre, le ministère israélien de la défense a émis un ordre militaire désignant six ONG palestiniennes comme des “organisations terroristes”. Les six organisations visées sont : Addameer Prisoner Support and Human Rights Association, Al-Haq Law in the Service of Man (Al-Haq), Bisan Center for Research and Development, Defense for Children International-Palestine (DCI-P), l’Union of Agricultural Work Committees (UAWC), et l’Union of Palestinian Women’s Committees (UPWC).

Le ministère, invoquant la législation antiterroriste de 2016, a accusé ces organisations d’être affiliées au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), un parti politique marxiste-léniniste. Plus précisément, elles sont accusées de former “un réseau d’organisations actives sous couverture, sur le front international” pour le compte du FPLP.

Le régime israélien n’a encore fourni aucune preuve à l’appui de ses affirmations, mais pour les Palestiniens, il est clair qu’il s’agit là de sa dernière tentative de criminaliser la société civile palestinienne.

Ces organisations particulières sont réputées au niveau international pour leur travail critique en matière de droits de l’homme et d’action sociale. Addameer, par exemple, fournit un soutien juridique et social de première importance aux prisonniers politiques palestiniens et à leurs familles.

Une autre organisation, Al-Haq, a passé des décennies à documenter les violations des droits de l’homme par le régime israélien, recueillant des données de valeur inestimable et remportant de nombreux prix internationaux.

L’Union des comités de travail agricole soutient les agriculteurs palestiniens face à l’oppression permanente et au vol des terres par le régime israélien.

Cette attaque contre les organisations palestiniennes ne tombe pas du ciel. Il s’agit de la dernière escalade dans la campagne systématique menée par Israël pour étouffer la société civile palestinienne depuis plus de sept décennies.

Après la création de l’Autorité palestinienne dans le cadre des accords d’Oslo dans les années 1990, la société civile palestinienne a joué un rôle de premier plan dans la dénonciation et la contestation des crimes du régime israélien.

Par conséquent, les organisations civiques palestiniennes sont apparues au premier plan de la lutte palestinienne, ce qui les a placées dans le collimateur israélien.

Plus récemment, au cours de la dernière décennie, des efforts coordonnés ont été déployés par divers groupes non-officielles travaillant en tandem avec le ministère israélien des affaires stratégiques pour attaquer et diffamer les ONG palestiniennes qui œuvrent en faveur des droits de l’homme.

La désignation “terroriste” criminalise de fait le travail des six ONG et permet au régime israélien de fermer les bureaux, de voler les biens, de kidnapper le personnel et même d’interdire le financement ou les manifestations publiques de soutien à leurs activités. Elle pourrait également inciter des tiers et des partenaires étrangers à hésiter à s’engager auprès de ces organisations et de leur travail.

Si cette désignation constitue une escalade, ce n’est pas la première fois que le régime israélien applique à tort l’étiquette de terrorisme à des organisations ou des individus palestiniens.

Cette étiquette est fréquemment brandie par les responsables israéliens et les partisans d’Israël pour discréditer et diffamer ceux qui documentent les violations des droits des Palestiniens et ceux qui résistent à ces violations. La tactique est simple et peut être très efficace.

Par exemple, l’année dernière, l’Union européenne a commencé à mettre en œuvre une clause de financement exigeant des bénéficiaires palestiniens de son soutien financier, qu’ils vérifient toutes les personnes travaillant pour eux afin de s’assurer qu’elles ne sont pas impliquées dans un parti politique palestinien figurant sur sa “liste terroriste”.

Étant donné qu’un nombre considérable de partis politiques palestiniens figurent sur cette liste, cette mesure équivaut à une persécution politique.

Cette attaque coordonnée contre la société civile palestinienne comprend également des accusations de détournement de fonds ou de corruption dans le but de faire pression sur les bailleurs de fonds internationaux pour qu’ils retirent leur soutien financier.

Des raids réguliers ont également été menés dans les bureaux des ONG afin d’intimider leur personnel et leurs partenaires et de perturber leur travail.

En juillet, par exemple, les forces de sécurité israéliennes ont fait irruption dans les bureaux de Defense for Children International. L’ONG, qui travaille avec des enfants palestiniens détenus par Israël, a signalé que des soldats israéliens avaient volé des ordinateurs et des dossiers relatifs à certains des cas sur lesquels elle travaille.

Addameer a également été confronté à d’innombrables raids dans ses bureaux au fil des ans, au cours desquels des équipements et des dossiers ont été endommagés ou volés.

Face aux abus et aux intimidations sans cesse croissants du régime israélien, ces organisations et d’autres ont continué à travailler au profit du peuple palestinien.

Bien que divers organismes et personnalités au niveau international se soient prononcés contre la désignation “terroriste” et pour soutenir les activités de ces ONG, cela ne suffit pas. Cela ne se produit pas parce qu’Israël devient plus totalitaire et plus oppressif. Cela se produit plutôt en raison de décennies d’impunité israélienne et du manque de volonté de la communauté internationale de tenir ce régime pour responsable.

La communauté internationale doit reconnaître son rôle de complice des crimes israéliens et prendre enfin des mesures décisives contre les violations répétées du droit international par Israël.

Auteur : Yara Hawari

* Yara Hawari est Senior Palestine Policy Fellow d’Al-Shabaka. Elle a obtenu son doctorat en politique du Moyen-Orient à l’Université d’Exeter, où elle a enseigné en premier cycle et est chercheur honoraire.
En plus de son travail universitaire axé sur les études autochtones et l’histoire orale, elle est également une commentatrice politique écrivant régulièrement pour divers médias, notamment The Guardian, Foreign Policy et Al Jazeera. Son compte twitter.

24 octobre 2021 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine

Source : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/…