Par le collectif national unitaire stop CETA Mercosur

En vertu du très controversé Traité sur la charte de l’énergie, l’État italien vient d’être condamné à verser 190 millions d’euros, plus les intérêts, à la société pétrolière britannique Rockhopper (1). Suite à une mobilisation citoyenne exceptionnelle, l’Italie avait en effet interdit les nouveaux projets pétroliers et gaziers à moins de 12 milles nautiques des côtes, mettant un terme à la mise en exploitation d’un nouveau champ pétrolifère dans la mer Adriatique. Cette affaire illustre combien les traités existants, dont le TCE, confèrent un énorme pouvoir à l’industrie pétro-gazière et fragilisent considérablement la capacité des pouvoirs publics à fermer des infrastructures fossiles comme le nécessite pourtant l’urgence climatique (2) : plutôt que réformer ce traité climaticide, les pays de l’UE, dont la France, devraient en sortir.

Voilà une nouvelle qui devrait alerter toutes celles et ceux qui appellent à accélérer la sortie des énergies fossiles au lendemain d’un été qui a vu les vagues de chaleur se succéder, la sécheresse s’installer, l’urgence climatique se renforcer et les risques de défaillance énergétiques se multiplier. Alors que l’Agence internationale de l’énergie et le GIEC ont montré qu’il ne fallait plus inaugurer de nouveaux projets d’exploration et d’exploitation des énergies fossiles dans nos pays, et qu’il fallait, au contraire, en abandonner de nombreux, cette affaire rappelle opportunément combien l’industrie des énergies fossiles est protégée par des traités internationaux tels que le Traité sur la charte de l’énergie.

En avril 2008, la région des Abruzzes (Adriatique) est informée du projet d’installation d’une plate-forme pétrolière, Ombrina Mare, à quelques encablures du rivage, pour exploiter un pétrole de mauvaise qualité. La levée de boucliers est immédiate (3). Pour protéger la faune et la flore, les rivages et fonds marins, la santé des populations locales, l’agriculture, la pêche et le tourisme, des groupes de protection de l’environnement s’allient aux pêcheurs, médecins, viticulteurs, professionnels du tourisme et collectivités locales dans une mobilisation qui conduira le parlement italien à voter un moratoire sur toutes nouvelle infrastructure pétrolière et gazière à proximité du littoral italien, mettant fin au projet Ombrina Mare.

La compagnie pétrolière et gazière britannique Rockhopper Exploration ne l’a pas entendu ainsi et a décidé de poursuivre l’Italie en mobilisant le dispositif de protection des investisseurs (ISDS) du Traité sur la charte de l’énergie. Ce Traité, né dans les années 1990 pour protéger les investissements européens dans le secteur de l’énergie, notamment au sein de l’ex URSS, est désormais utilisé par les industriels des énergies fossiles pour décourager, ralentir, renchérir ou bloquer les mesures de lutte contre le réchauffement climatique qui contreviennent à leurs intérêts (2).

C’est dans ce cadre extrêmement favorable aux investisseurs dans les énergies fossiles qui ne tient aucunement compte de l’urgence écologique et climatique, que Rockhopper a obtenu 190 millions d’euros de compensation, plus les intérêts. Ce montant ne couvre pas seulement les investissements effectivement réalisés (30 à 40 millions d’euros) mais une part des profits futurs escomptés : c’est un jugement extrêmement favorable à Rockhopper. Cette décision a été jugée par son PDG comme ayant des « implications financières très positives », tandis que le cours de l’action doublait à cette annonce.

Cette décision illustre le caractère nocif et suranné du TCE, renforçant l’urgence de voir les États de l’UE, dont la France, en sortir au plus vite, plutôt que tenter de le réformer comme s’y emploie la Commission européenne (4). Si l’Italie a décidé de sortir du TCE de façon unilatérale en 2016, elle reste tenue pendant 20 ans d’en respecter les dispositions pour les investissements antérieurs réalisés sur son territoire. Ce n’est pourtant pas une fatalité. L’UE pourrait en effet collectivement décider d’en sortir tout en désarmant ces dispositions sur le territoire européen, afin de supprimer cette épée de Damoclès qui pèse sur les politiques climatiques.

Alors que le GIEC a récemment alerté du rôle nocif de ces dispositifs de protection des investissements, il est urgent que les États-membres de l’UE sortent du TCE plutôt que de tenter de le rénover avec des rustines inefficaces qui ne règleront pas le problème. Au printemps, plus d’un millions de personnes en Europe avaient signé une pétition en ce sens, pour que le TCE ne puisse plus décourager, ralentir, renchérir ou bloquer les mesures de lutte contre le réchauffement climatique dont nous avons besoin (5). Alors que la France vient d’être attaquée pour la première fois en vertu de ce traité (6), va-t-elle enfin prendre la mesure du danger et endosser cette exigence à l’échelle européenne ?

Pour aller plus loin :
(1) Communiqué de Rockhopper
(2) Note d’analyse du Traité sur la charte de l’énergie par l’Aitec et Attac France
(3) Analyse du cas Rockhopper – Italie
(4) L’impossible réforme du Traité sur la charte de l’énergie
(5) Pétition « Sortez du TCE maintenant »
(6) Des investisseurs allemands dans le secteur des énergies renouvelables déposent une plainte contre la France, article de Investment Arbitration Reporter

Source : Maxime Combes
https://www.collectifstoptafta.org/…