Riyad, le rêve du rabbin Jacob Herzog. Fayez Nureldine / AFP

Par S.M.B.

Jacob Herzog, rabbin israélo-américain, le déclare sans ambages : il aspire à devenir le premier grand rabbin du royaume wahhabite.

Ce n’est pas un rêve qu’il pourra accomplir demain. Mais le simple fait de pouvoir l’évoquer aussi crûment est significatif de l’état des lieux des relations entre Israël et l’Arabie saoudite. Jacob Herzog, rabbin israélo-américain, le déclare sans ambages : il aspire à devenir le premier grand rabbin du royaume wahhabite. L’homme semble toutefois faire fi des obstacles qui se dressent sur son chemin, au point de s’autoproclamer, d’après sa biographie sur Twitter, grand rabbin d’Arabie. Peu importent ces quelques arrangements avec la réalité, « vous devez prendre des risques et voir quelle sera la réaction », a-t-il confié au Wall Street Journal dans l’édition papier du 3 novembre. Une démarche qui pourrait effectivement sembler culottée dans un pays où aucune autre pratique religieuse que l’islam n’est officiellement autorisée, même si celle du christianisme peut être plus ou moins tolérée. Les services religieux juifs sont en revanche inexistants, malgré la présence sur le sol saoudien d’expatriés issus de cette communauté estimés, selon le WSJ, « à quelques centaines ou quelques milliers ». Le quotidien américain précise cependant qu’« historiquement, les juifs ont vécu dans la péninsule Arabique pendant des siècles », mais que « la plupart sont partis » au milieu du XXe siècle « après qu’un dirigeant local eut exigé qu’ils se convertissent à l’islam ou soient expulsés ».

Pas de danse

Depuis plusieurs semaines, le rabbin Jacob Herzog défraye la chronique. Selon Riyad, il serait arrivé sur le territoire national en tant que touriste américain, indépendamment du fait que le pays « encourage depuis longtemps le dialogue interreligieux », d’après les propos d’un officiel de l’ambassade saoudienne à

Washington cité par le WSJ. Le voyage du rabbin n’est donc a priori pas à mettre sur le compte de ces initiatives. Et ne suscite pas que des éloges. Certains partisans de la normalisation des relations entre Israël et Riyad craignent ainsi que les agissements, sinon loufoques du moins imprudents, de M. Herzog ne contribuent à saboter leurs efforts en ce sens, d’autant que la communauté juive vivant en Arabie « fait profil bas et n’a pas demandé la nomination d’un rabbin », note le WSJ, qui rapporte les propos de Mendy Chitrik – chef de l’Alliance des rabbins dans les États islamiques rassemblant des rabbins vivant dans 18 pays à majorité musulmane – pour qui d’ordinaire le chef spirituel doit être nommé à la demande de la communauté. M. Herzog ne paraît en somme disposer d’aucune légitimité mais n’hésite pas à multiplier les coups de com’ non dénués de fatuité. Dans un entretien accordé à la chaîne israélienne I24 le 17 novembre, le quadragénaire parle d’un « sentiment de retour chez soi » pour qualifier son expérience dans le royaume et salue l’accueil que lui aurait réservé la population. « Les gens sont très heureux de voir quelqu’un comme moi », a-t-il avancé. Sur sa page Facebook, il va jusqu’à partager une vidéo où on peut le voir esquisser dans la rue quelques pas de danse avec un habitant sur fond de musique arabe.

Les péripéties du rabbin Jacob Herzog en Arabie pourraient prêter à sourire uniquement. D’autant qu’en dépit de ses aspirations, les autorités saoudiennes ne lui ont pour l’heure pas accordé l’attention qu’il voudrait attirer. Et que ses tribulations dans le pays ont suscité l’ire d’une partie des utilisateurs locaux des réseaux sociaux. Aussi farfelues soient-elles, elles s’inscrivent toutefois dans un contexte particulier, celui d’un rapprochement tacite de longue date entre Riyad et Israël en vue d’une normalisation de leurs relations. Un processus cependant retardé aujourd’hui par les différends politiques qui opposent le dauphin saoudien Mohammad ben Salmane – qui lui est favorable – à son père, le roi Salmane, qui attend de la part de l’État hébreu des concessions sur le dossier palestinien. Le rabbin Jacob Herzog, lui, ne s’embarrasse pas de ces considérations. Dans un tweet datant du 13 septembre, il appelle, indirectement, à la destruction de la mosquée al-Aqsa en invoquant l’aide de Dieu pour la reconstruction du temple de Jérusalem, là où il vit habituellement.

Source : L’Orient le Jour
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