La police et les manifestants israéliens se disputent devant la porte de Damas après que les barrières érigées par la police israélienne aient été retirées par les manifestants, permettant l’accès à la place principale qui a été au centre d’une semaine d’affrontements autour de la vieille ville d’Al-Quds (Jérusalem). 25 avril 2021.

Par Robert Inlakesh

Source : RT, 26 avril 2021

Traduction : lecridespeuples.fr

Des colons extrémistes israéliens scandant « Mort aux Arabes » à Al-Quds (Jérusalem) ont voulu chasser les Palestiniens dans la ville, mais au lieu de cela, ils ont déclenché un soulèvement national et une crise politique pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.

Les événements qui se sont déroulés jeudi 22 avril au soir, après que des centaines de partisans du groupe d’extrême droite israélien Lehava aient chassé les Palestiniens et attaqué leurs propriétés à Al-Quds (Jérusalem), étaient totalement imprévus. Les Palestiniens de tous les territoires occupés et même d’Israël même sont descendus dans la rue pour faire face aux attaques des colons et aux politiques israéliennes qui les ont encouragées.

Cependant, la presse occidentale a largement déformé la vision des événements qui ont eu lieu et ne les a pas replacés dans leur contexte. Les actions des colons extrémistes ont joué un rôle de catalyseur pour ce qui a maintenant été qualifié par certains groupes palestiniens d’ « Intifada du Ramadan », et ne sont pas la cause autonome du soulèvement.

Depuis le début du mois de Ramadan, il y a deux semaines, Israël a imposé des restrictions aux Palestiniens qui entrent dans le troisième site le plus sacré des musulmans, l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa. Le premier jour du Ramadan, les forces israéliennes sont entrées dans l’enceinte d’Al-Aqsa et ont coupé le courant des haut-parleurs, bloquant l’appel des musulmans à la prière, afin que les Israéliens juifs au mur occidental voisin ne soient pas dérangés pendant un service commémoratif, dans ce qui a été caractérisé par le porte-parole du Hamas Hazem Qassem comme « une agression raciste contre des lieux saints et une violation de la liberté de culte ».

Israël a également placé des barrières devant l’entrée de la porte de Damas dans le « quartier arabe » de la vieille ville de Al-Quds (Jérusalem) et a empêché les Palestiniens d’assister aux prières nocturnes dans la mosquée Al-Aqsa. Ces mesures ont conduit à des affrontements avec les forces de police israéliennes dans la ville tout au long du mois de Ramadan. Puis jeudi, lorsque Lehava est descendu dans la rue, un grand groupe de Palestiniens a décidé d’affronter la foule suprémaciste israélienne et a été attaqué par la police, cette répression ayant 450 blessés en deux jours, selon des sources médiatiques locales.

Crise politique en Israël

Comme le souligne le journal israélien Ha’aretz, les doubles standards de la police israélienne étaient frappants : vendredi, le ministre israélien de la Sécurité publique, Amir Ohan, a condamné uniquement la violence palestinienne et ignoré celle commise par les Israéliens.

Les membres du mouvement Lehava se sentent maintenant enhardis, comme si le gouvernement était derrière eux, d’autant plus que le chef de la faction d’extrême droite Otzma Yehudit (« Pouvoir juif ») au sein du parti religieux sioniste, Itamar Ben-Gvir, a été élu à la Knesset. Ben-Gvir est l’avocat du dirigeant et fondateur de Lehava, Bentzi Gopstein.

Pendant longtemps, les extrémistes religieux d’extrême droite ont été exclus de la Knesset, mais le Premier ministre Benjamin Netanyahu faisant face à des accusations de corruption et à une impasse politique l’empêchant de former un gouvernement, il s’appuie désormais sur de tels groupes.

Craignant probablement une nouvelle escalade des manifestations palestiniennes à Al-Quds (Jérusalem) et en Cisjordanie et des tirs de roquettes depuis Gaza, le Premier ministre a appelé au calme. Mais cet appel n’a pas été entendu par le chef du Parti religieux sioniste, Bezalel Smotrich, qui a déclaré : « Il est peut-être temps de remplacer Netanyahou », en réponse à ce qu’il considérait comme une trahison des Juifs.

Afin de former un gouvernement de coalition après une nouvelle élection serrée, Netanyahou a besoin du Parti sioniste religieux, ce qui signifie que ses tentatives pour tenter de calmer les tensions avec les Palestiniens sont gravement entravées. S’il perd le soutien des groupes d’extrême droite, le Président israélien Reuven Rivlin pourrait demander au bloc anti-Netanyahou de tenter de former un gouvernement, mais pour l’instant, cela semble peu probable, car cela exigerait que les partis arabes s’allient avec l’extrême droite.

Cela signifie qu’en raison du soulèvement palestinien unifié, Netanyahou reçoit un ultimatum : choisissez l’escalade, ou alors abandonnez vos alliés dans le Parti religieux sioniste et risquez qu’Israël se dirige vers de cinquièmes élections en seulement deux ans.

La troisième Intifada ?

Pour la première fois peut-être depuis la fin de la deuxième Intifada, en 2005, les Palestiniens de Jérusalem-Est, de Cisjordanie et de la bande de Gaza se dressent ensemble contre Israël, à travers les lignes de parti, de manière significative.

La question palestinienne a été trop longtemps oubliée en ce qui concerne le discours politique israélien, car, mis à part les tirs occasionnels de roquettes depuis la bande de Gaza illégalement assiégée, les Israéliens ne prêtent guère attention aux Palestiniens. Cela a changé rapidement, cependant, et presque du jour au lendemain.

Les manifestants palestiniens ont soudainement mis le système politique israélien en échec, et maintenant, le sort du gouvernement israélien pourrait reposer uniquement sur la manière dont les autorités israéliennes réagissent aux Palestiniens.

J’ai parlé au journaliste indépendant palestinien Wafa A Al-Udaini, de la bande de Gaza, et au photojournaliste Hamde Abu Rahmah, de Cisjordanie, qui ont expliqué le sentiment actuel comme un renouveau de la cause nationale. Le sentiment qu’ils ont tous deux exprimé est que quelque chose de grand était en train de se construire.

La question s’est également posée de savoir si le Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, pourrait retarder les premières élections palestiniennes en 15 ans, parce qu’Israël ne répond pas à la demande de permettre aux Palestiniens de Jérusalem-Est de voter. Si les élections sont annulées (ce qui, en fait, semble probable, en raison des craintes que le Fatah d’Abbas ne perde face au Hamas), les tensions pourraient s’intensifier davantage car Israël sera accusé de violer ses engagements et de bloquer la démocratie palestinienne.

Alors que les manifestations se poursuivent tous les soirs et qu’Israël calcule ce qu’il fera ensuite, il est important de comprendre que ce soulèvement n’est pas simplement une réaction aux colons extrémistes. Tout comme cela s’est produit en 1987, lorsque la première Intifada a commencé, un seul événement a contribué à évoquer la rage de toute une population souffrant sous l’occupation.

L’expansion des colonies, les démolitions de maisons, les difficultés rencontrées sous l’occupation militaire, le siège de Gaza et les politiques discriminatoires mises en œuvre à Al-Quds (Jérusalem), qui visent à exproprier jusqu’à 2100 Palestiniens dans les seuls quartiers de Silwan et Sheikh Jarrah cette année, ont conduit à ce moment.

Les actions des manifestants ont fait en sorte que la question palestinienne soit à nouveau au premier plan de l’esprit du gouvernement israélien. La balle est dans le camp d’Israël et, selon la manière dont il choisit de réagir, les Palestiniens aviseront.

Robert Inlakesh est un analyste politique, journaliste et réalisateur de documentaires actuellement basé à Londres. Il a vécu dans les territoires palestiniens occupés, où il a réalisé de nombreux reportages, et travaille actuellement avec Quds News et Press TV. Il a réalisé le documentaire « Le Casse du Siècle : la catastrophe annoncée de Trump en Palestine-Israël ».

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Source : Le Cri des Peuples
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