Le président chinois Xi Jinping, à droite, et le président russe Vladimir Poutine se parlent
lors de leur rencontre à Pékin, en Chine, le vendredi 4 février 2022.
(Alexei Druzhinin, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP)

Par Peter Symonds

Un article publié mardi dans le New York Times, intitulé «Les États-Unis visent à étendre les interdictions d’exportation à la Chine pour des raisons de sécurité et de droits de l’homme», établit un lien explicite entre l’escalade de la guerre économique de Washington contre la Chine et la guerre par procuration des États-Unis contre la Russie en Ukraine.

Citant des responsables du gouvernement, l’article soutient que «le gouvernement Biden applique les leçons tirées des contrôles effectués sur la Russie pendant la guerre en Ukraine pour tenter de limiter les avancées militaires et technologiques de la Chine». Il note que la Maison-Blanche a déclaré que la Chine était le «plus grand rival à long terme» des États-Unis.

Alan Estevez, fonctionnaire du ministère américain du Commerce, a déclaré lors d’un événement organisé par le «Centre pour une nouvelle sécurité américaine» (Centre for a New American Security): «Nous devons veiller à ce que les États-Unis conservent une supériorité technologique. En d’autres termes, la Chine ne peut pas se doter de capacités qu’elle utilisera ensuite contre nous, ou contre ses voisins, dans un quelconque conflit».

Estevez est à la tête du Bureau de l’industrie et de la sécurité du ministère du Commerce, qui supervise les contrôles à l’exportation. Fait significatif, il est également un ancien fonctionnaire du Pentagone, ce qui souligne le lien direct entre la guerre économique et la guerre militaire. La semaine dernière, Estevez a déclaré lors d’une conférence sur la politique du département du commerce: «Mon objectif est d’empêcher la Chine de pouvoir utiliser cette technologie pour faire progresser son armée, pour la moderniser».

Le fait que le gouvernement Biden cible la Chine avec les mesures utilisées dans sa guerre contre la Russie est très significatif. De plus en plus ouvertement, les États-Unis traitent la guerre militaire contre la Russie et la confrontation croissante avec la Chine comme faisant partie d’un conflit beaucoup plus large visant à affaiblir et à soumettre des rivaux potentiels.

Tout comme les États-Unis ont poussé la Russie à envahir l’Ukraine en refusant d’exclure son adhésion à l’OTAN, ils renforcent leurs liens avec Taïwan et augmentent les ventes d’armes à l’île. Washington sait pertinemment que toute initiative de Taipei visant à déclarer l’indépendance pourrait provoquer une intervention militaire chinoise. Comme avec la Russie dans la guerre en Ukraine, les États-Unis utiliseraient le conflit autour de Taïwan pour miner et déstabiliser la Chine.

Tous ces plans de guerre sont déguisés hypocritement en défense de la démocratie et des droits de l’homme. La secrétaire d’État au commerce, Gina Raimondo, a déclaré lors de la même conférence ministérielle que les contrôles à l’exportation étaient «au cœur de la meilleure façon de protéger nos démocraties». Elle s’est vantée que les contrôles mondiaux des exportations vers la Russie avaient entraîné une chute de 90 pour cent de ses importations de semi-conducteurs et pourraient bientôt décimer sa flotte d’avions commerciaux.

La Chine est également dans le collimateur. Le gouvernement Biden a annoncé la semaine dernière une nouvelle série d’interdictions à l’encontre de cinq entreprises chinoises sur la base qu’elles continuaient à soutenir le complexe militaro-industriel russe et que leurs activités étaient «contraires aux intérêts des États-Unis en matière de sécurité nationale et de politique étrangère». Le département du commerce n’a fourni aucune preuve de ses allégations.

Les entreprises ajoutées à la liste noire des exportations – Connec Electronic, King Pai Technology, Sinno Electronics, Winninc Electronic, et World Jetta Logistics ―appartiennent toutes au secteur de la haute technologie. Ces interdictions – les premières imposées à la Chine pour avoir prétendument aidé la Russie – ont été mises en œuvre en dépit du fait que les responsables américains reconnaissent que le gouvernement chinois et la plupart des entreprises chinoises ont respecté les sanctions imposées par les États-Unis.

Ces mesures ne sont qu’un élément de la série d’interdictions et de tarifs douaniers imposés à la Chine sous Trump et maintenant étendus sous Biden dans le but d’affaiblir son économie. Quels que soient les prétextes, qui vont des liens avec l’armée chinoise aux allégations de violations des droits de l’homme au Xinjiang, les mesures visent particulièrement à paralyser les efforts de la Chine pour devenir compétitive dans les domaines de la haute technologie.

Non seulement les interdictions s’appliquent aux entreprises et aux investisseurs américains, mais le gouvernement Biden cherche à les étendre aux entreprises étrangères en brandissant la menace de sanctions économiques. Les États-Unis ont interdit aux entreprises étrangères d’exporter certains articles fabriqués avec des technologies américaines à des entités répertoriées, dont le géant chinois des télécommunications de haute technologie, Huawei. Des interdictions sont également en place pour l’exportation de marchandises qui contiennent des quantités spécifiques de contenu fabriqué aux États-Unis.

Washington a rassemblé ses alliés européens et asiatiques dans la guerre par procuration contre la Russie pour qu’ils se joignent aux interdictions économiques imposées à la Russie. Cependant, ses efforts pour faire de même à l’encontre de la Chine ont rencontré une certaine résistance dans les milieux d’affaires américains et mondiaux, qui craignent l’impact économique de telles mesures et les représailles chinoises.

Myron Brilliant, premier vice-président    de la Chambre de commerce des États-Unis, a déclaré au New York Timesque si les entreprises soutenaient les sanctions contre la Russie, leur point de vue sur la Chine était «plus complexe et plus nuancé». Le monde des affaires, a-t-il dit, est profondément préoccupé par les politiques de la Chine, «mais nous devons aussi reconnaître que les deux plus grandes économies sont très intégrées… Ainsi, l’impact d’un découplage large ou de sanctions étendues contre la Chine serait beaucoup plus déstabilisant».

Néanmoins, le gouvernement Biden poursuit ses efforts pour resserrer l’étau économique autour de l’économie chinoise. Bloomberg a rapporté cette semaine que la Maison-Blanche «étend sa campagne pour freiner l’essor du pays» en cherchant à empêcher la société néerlandaise ASML Holding NV de vendre des technologies de fabrication de puces à la Chine.

Le gouvernement Trump avait déjà fait pression sur le gouvernement néerlandais pour qu’il interdise l’exportation de la technologie de fabrication de puces la plus sophistiquée aux entreprises chinoises. ASML est le premier fabricant mondial de systèmes de lithographie, des machines qui effectuent l’étape cruciale de la gravure des circuits microscopiques essentiels à la fabrication des semi-conducteurs.

Les autorités américaines sont actuellement en pourparlers avec leurs homologues néerlandais afin d’empêcher ASML de vendre une technologie plus ancienne, connue sous le nom de lithographie dans l’ultraviolet profond (DUV), qui est nécessaire pour produire les puces moins avancées utilisées dans un large éventail d’appareils, allant des voitures aux ordinateurs, en passant par les téléphones et les robots.

Comme l’explique Bloomberg, une telle interdiction élargirait considérablement la gamme et la catégorie de matériel de fabrication de puces actuellement interdites en Chine, ce qui pourrait porter un coup sérieux aux fabricants de puces chinois, de Semiconductor Manufacturing International Corp à Hua Hong Semiconductor Ltd.

Tout comme le gouvernement Trump a entrepris de détruire le géant chinois de la technologie Huawei en lui coupant l’accès mondial aux puces et aux technologies informatiques avancées, le gouvernement Biden cherche à empêcher la Chine de développer sa capacité interne de fabriquer des puces, qui est vitale pour un large éventail d’applications commerciales et militaires. Selon Bloomberg, les responsables américains font également pression sur le Japon pour qu’il interdise l’exportation de technologies de fabrication de puces vers la Chine.

Outre la propagande américaine sur les violations des «droits de l’homme» par la Chine, les allégations infondées de menaces d’invasion de Taïwan, le renforcement des alliances militaires américaines en Asie et le renforcement de l’armée américaine dans la région, l’escalade de la guerre économique est un nouvel avertissement quant aux plans avancés de l’impérialisme américain pour un conflit avec la Chine.

Loin d’être un épisode isolé en Europe de l’Est, la guerre par procuration des États-Unis en Ukraine se transforme rapidement en une conflagration mondiale entre puissances nucléaires.

(Article paru d’abord en anglais le 7 juillet 2022)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

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