Israël poursuit l’exploration gazière dans la zone maritime contestée (eaux territoriales libanaises)
Dessin de Mohamed Sabaaneh/Middle East Monitor

Par Gideon Levy

Gideon Levy, Haaretz, 9.10/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Si le Premier ministre Yair Lapid ne trouve pas le courage de se dépêcher de signer l’accord sur la frontière maritime avec le Liban, il portera la responsabilité de la prochaine guerre dans le nord [lire Gaz offshore : bras de fer entre Israël et le Liban]. Si le Premier ministre et le ministre de la Défense n’ordonnent pas immédiatement aux Forces de défense israéliennes de mettre fin à leurs agissements en Cisjordanie, ils seront tous deux responsables de la détérioration de la situation dans les territoires. Le gouvernement de rêve est en train de se transformer en gouvernement de guerre. Avant qu’il n’achève son bref parcours, Israël pourrait encore se retrouver dans une guerre que, comme d’habitude, il n’a pas voulue. Une fois de plus, il sera prouvé que la gauche peut le faire : Elle peut être l’instigatrice de guerres et faire sombrer Israël dans un nouveau bain de sang, comme elle l’a fait même dans ses meilleurs jours.

Les chroniques du week-end des commentateurs du camp Tout-sauf-Bibi Yossi Verter, Nahum Barnea, Ben Caspit et compagnie ont, comme d’habitude, été remplies d’accusations contre le chef de l’opposition, cette fois pour être le fauteur d’une guerre contre le Hezbollah. Pendant un moment, on a pu croire que Benjamin Netanyahou était le Premier ministre, mais il ne l’est pas. Il incite à la guerre par ses menaces et ses accusations, mais il ne portera aucune responsabilité si la guerre éclate en l’absence d’un accord avec le Liban.

Le coupable direct sera Lapid, lui et personne d’autre, s’il finit, effrayé par les menaces de son prédécesseur, par se précipiter pour capituler. Si cela se produit, il ne faut pas le lui pardonner. Si les Israéliens et les Libanais paient de leurs vies et de leurs biens le montant des redevances, ou même l’emplacement de la ligne balisée par des bouées, la troisième guerre du Liban sera tout aussi inutile que les deux premières. Se retirer de l’accord signifierait probablement la guerre. Rien ne la justifierait, et un accord, n’importe quel accord, est mille fois mieux. Les jours qui suivent Yom Kippour sont un bon moment pour s’en souvenir. Lapid a le pouvoir d’empêcher une guerre avant même les élections.

La culpabilité criminelle du soi-disant gouvernement de changement, avec Benny Gantz dans le rôle du ministre de la Défense pondéré et pacifique, et avec le parti travailliste et Meretz comme partenaires à part entière, n’est pas moins flagrante, et peut-être même plus, pour ce qui s’est passé en Cisjordanie ces derniers mois.

La combinaison d’un chef d’état-major qui croit en la létalité, d’un premier ministre et d’un ministre de la défense qui le soutiennent automatiquement et d’un cabinet dont tous les membres semblent avoir rejoint un ordre monastique silencieux a créé une situation catastrophique dans laquelle il ne se passe pratiquement pas un jour sans morts inutiles. En une seule journée ce week-end, les soldats israéliens, courageux et moraux, ont tué quatre personnes. Dans un cas, il s’agissait de manifestants, abattus à balles réelles comme le veut la scandaleuse habitude de l’armée ; dans l’autre, il s’agissait d’hommes armés à Jénine, que l’armée a provoqués dans une autre opération idiote visant à arrêter un homme recherché.

Lapid et Gantz ne commandent pas l’armée. La ministre des Transports Merav Michaeli et le ministre de la Santé Nitzan Horowitz ne peuvent pas contrôler ce qu’elle fait. Mais lorsque ce bain de sang est quotidien, et dans la plupart des cas également inutile et illégal, leur silence résonne loin à la ronde. Ce silence est un coup de chapeau à une armée qui tire sans aucune contrainte : une fois sur une « attaque à la voiture-bélier » qui n’a pas eu lieu, une fois sur un garçon de 14 ans près de la barrière de séparation. Aucun gouvernement, et certainement pas un gouvernement de centre-gauche qui prétend être la force du changement, ne peut ignorer ces choses. Et il se tait. Son silence est permanent et honteux, de Lapid au dernier de ses ministres. Et lorsque l’armée voit que le gouvernement est silencieux, qu’il la soutient parfois et même l’acclame, comme dans les messages de félicitations de la ministre des transports après chaque opération des FDI dans les territoires, elle continue sans entrave à tuer, tuer et tuer. C’est ce qu’elle sait faire, c’est ce qu’elle fait. C’est la faute du gouvernement qui lui permet de le faire.

Le gouvernement Lapid peut faire état de réalisations dans quelques domaines – non pas que je sache lesquels – mais s’il ne parvient pas à un accord de prévention de la guerre avec le Liban, et s’il continue à taper quotidiennement sur les Palestiniens, il ne sera pas exonéré de toute responsabilité. Ce gouvernement n’a peut-être pas promis une colombe de la paix, selon les mots de la chanson, mais ce qui se passe sous nos yeux maintenant est le contraire d’une telle promesse. Cela présage un désastre et nous rappelle une fois de plus qu’en temps de guerre comme en temps de paix, la gauche n’est certainement pas préférable à la droite.

Source : TLAXCALA
https://tlaxcala-int.blogspot.com/…

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