Une femme palestinienne blessée en train de fuir suite aux frappes aériennes israéliennes qui ont visé son quartier dans la ville de Gaza, lundi 23 octobre 2023. [AP Photo/Abed Khaled]

Par Patrick Martin

Plus de 5.000 Palestiniens ont été tués à Gaza par les roquettes, les bombes, les obus de mortiers et d’artillerie lancés par Israël depuis le début de l’attaque, le 8 octobre, selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas dans l’enclave palestinienne. Quinze mille personnes ont été blessées et les victimes des bombardements ont submergé les 19 hôpitaux du territoire.

Parmi les 5.087 personnes officiellement tuées, on compte plus de 2.000 enfants de moins de 18 ans et environ 1.100 femmes, a indiqué lundi le ministère de la Santé. Le nombre d’enfants morts à Gaza en deux semaines est supérieur à celui des enfants tués depuis 20 mois dans la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine.

Même ce bilan effroyable communiqué par le ministère de la Santé semble être largement sous-estimé. L’armée de l’air israélienne affirme avoir mené jusqu’à présent des frappes contre plus de 10.000 cibles à Gaza, et ses énormes bombes et têtes de missiles, toutes supposées être des armes de «précision», sont dirigées contre des concentrations de gens, soit à l’intérieur de bâtiments, soit à l’extérieur.

Selon l’Association de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA), qui fournit de l’aide à la population palestinienne, 1,4 million de personnes sur les 2,3 millions d’habitants de la bande de Gaza ont fui leur domicile. Près de 580.000 personnes ont trouvé refuge dans des écoles et des abris gérés par l’UNRWA. Environ 40 pour cent des logements de l’ensemble de l’enclave ont été détruits ou endommagés par les bombardements israéliens. L’UNRWA a déclaré que 29 membres de son personnel, dont la moitié sont des enseignants, ont été tués depuis le début des bombardements.

L’aspect le plus criminel des bombardements de la nuit du 22 au 23 octobre est que la plupart des 320 frappes reconnues par les Forces de défense israéliennes ont eu lieu dans le sud de Gaza, la zone où elles avaient dit aux Palestiniens de se rendre pour éviter de devenir des cibles lors de l’invasion terrestre imminente des forces israéliennes.

Les avions de guerre des FDI ont largué des tonnes de tracts sur le nord de la bande de Gaza, demandant à la population de s’évacuer vers le sud. Mais les chasseurs bombardiers et les missiles ont suivi les mouvements de la population et pris pour cible les hôpitaux, les camps de réfugiés et les colonnes de personnes fuyant le nord.

Al-Jazeera a rapporté 61 décès à l’hôpital «Abou Youssef Al-Najjar» de Rafah, à l’extrême sud de la bande de Gaza, où le passage vers l’Égypte est devenu un point d’étranglement majeur. Les corps ont été déposés sur le terrain de l’hôpital par manque de place à l’intérieur de l’établissement.

Le correspondant de l’agence de presse dans le sud de Gaza a écrit: «La situation est critique». Au moins 28 personnes ont été tuées près de Rafah et 14 autres près d’une station-service à Khan Younis, touchée par une frappe israélienne. La pénurie de carburant pourrait contraindre plusieurs hôpitaux du sud de la bande de Gaza à «cesser leurs activités» sous peu.

Les autorités israéliennes ont finalement autorisé quelques dizaines de camions d’aide à franchir le point de passage de Rafah depuis l’Égypte. Selon les responsables de l’aide de l’ONU, il s’agit d’une «goutte d’eau dans l’océan» ; l’aide se limite à de la nourriture, de l’eau et des fournitures médicales et n’apporte pas le carburant désespérément nécessaire pour faire fonctionner les générateurs des hôpitaux et les installations de pompage et de désalinisation de l’eau.

Selon un responsable de l’aide humanitaire, 40 camions par jour transportant du diesel, du benzène et du gaz de cuisine entraient à Gaza en août. Depuis le 7 octobre, pas un seul camion n’a été autorisé à entrer. Le ministre israélien de l’Énergie Israël Katz a déclaré le 12 octobre: «L’aide humanitaire à Gaza? Aucun interrupteur électrique ne sera allumé, aucun robinet d’eau ne sera ouvert et aucun camion de carburant n’entrera tant que les personnes enlevées par les Israéliens ne seront pas rentrées chez elles».

Même cette infime quantité d’aide entrant par le sud de la bande de Gaza n’entre pas dans la ville de Gaza et dans d’autres parties du nord du territoire, où vivait autrefois la majorité de la population de l’enclave. L’hôpital al-Shifa, le plus grand de Gaza-ville, qui peut accueillir 700 patients en temps normal, compte actuellement 5.000 patients et 45.000 personnes rassemblées autour de son enceinte en quête de sécurité et d’abri.

Mahmoud Shalabi, un travailleur humanitaire, a dit à l’Associated Press: «Le nord n’a rien reçu» de l’aide qui arrivait. L’employé du groupe Aide médicale aux Palestiniens, basé dans la ville de Beit Lahia, au nord du territoire, a déclaré: «C’est comme une condamnation à mort pour les habitants du nord de la bande de Gaza».

Selon l’AP, Shalabi a également confirmé l’information selon laquelle l’hôpital indonésien situé dans le nord de l’enclave était tombé en panne de carburant et avait subi une coupure de courant, le laissant dans l’obscurité la plus totale.

L’agence de presse palestinienne WAFA a rapporté que les avions de guerre israéliens ont lancé une série de raids lundi soir près de l’hôpital Al-Quds, qui est affilié à la Société palestinienne du Croissant-Rouge à Gaza.

Israël a donné l’ordre d’évacuer 17 hôpitaux de Gaza-ville, selon le bureau humanitaire de l’ONU, mais les hôpitaux n’ont pas déplacé les personnes, «car cela mettrait en danger la vie des patients vulnérables».

Cette défiance a déclenché l’attaque israélienne de la semaine dernière, le 17 octobre, au cours de laquelle près de 500 Palestiniens ont été massacrés à l’hôpital baptiste arabe Al-Ahli de Gaza-ville. Les autorités israéliennes, le gouvernement Biden et les grands médias continuent de nier qu’Israël est responsable de cette atrocité, affirmant au contraire qu’elle est le résultat d’une roquette mal tirée par le groupe de résistance palestinien Jihad islamique.

Le New York Times a même publié des excuses dans son édition de lundi, exprimant son regret d’avoir initialement donné un récit relativement véridique du massacre plutôt que de dénoncer le Hamas comme source d’information douteuse. Néanmoins, un article paru le même jour dans le Times reconnaissait qu’«Israël a également rejeté les demandes du Times de fournir les registres de toutes ses activités militaires dans la zone au moment de la frappe, et a refusé de préciser la vidéo sur laquelle il a fondé son évaluation de la responsabilité palestinienne».

Les médias américains ont rapporté que le Pentagone avait envoyé le lieutenant-général James Glynn, un général trois étoiles des Marines, en Israël pour partager son expertise en matière de guerre urbaine. Glynn a effectué une mission de deux ans en Irak en 2006-2007, pendant les combats les plus violents contre les insurgés sunnites, et a ensuite dirigé le commandement des opérations spéciales de l’ensemble du corps des Marines.

Lundi également, le Times of Israel a fait état de la pression croissante exercée par les commandants des FDI sur le gouvernement Netanyahou pour qu’il donne le feu vert à l’invasion terrestre de Gaza. «Après 16 jours de frappes aériennes, les FDI ont fait savoir au gouvernement qu’elles étaient tout à fait prêtes pour une offensive terrestre dans la bande de Gaza et qu’elles pensaient pouvoir atteindre les objectifs fixés, même au risque d’infliger de lourdes pertes aux soldats», a indiqué le journal.

Le commandement de l’armée israélienne craignait « que de nouvelles libérations d’otages par le Hamas ne conduisent les dirigeants politiques à retarder une incursion terrestre, voire à l’interrompre à mi-chemin». Le Hamas avait libéré deux otages américains vendredi soir et deux otages israéliens lundi soir.

(Article paru d’abord en anglais le 24 octobre 2023)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…