Par Karine Bechet-Golovko

L’audience hier de Navalny devant le tribunal à Moscou, devant statuer sur les violations de sa liberté conditionnelle invoquées par le Service fédéral russe d’exécution des peines, qui demandait la transformation de sa peine conditionnelle en prison ferme, a fait beaucoup de bruit. Et tel était le but. Une vingtaine de diplomates « du monde libre » dans la salle, Navalny transformant l’audience en show de bas étage et, devant bien répondre aux questions, reconnaissant avoir souvent violé ses obligations … car il avait mieux à faire. Condamné à 2 ans et 8 mois de prison ferme en raison du temps déjà passé en assignation à domicile à l’époque, il sera dirigé vers son lieu de détention. Le cirque international continue, Navalny présente à nouveau, enfin, un intérêt : il peut jouer le rôle de la victime, faute d’avoir pu remplir celui du dirigeant alternatif.

Le spectacle qui s’est joué autour de l’audience du tribunal moscovite hier, et lors de celle-ci, est aussi pitoyable qu’attendu. En plus d’une foule de journalistes, une vingtaine de diplomates sont venus occuper les lieux. Etats-Unis, Bulgarie, Suisse, Autriche, Pologne … Tous au rendez-vous. A tel point que la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, estime qu’une telle démarche collective pour un citoyen, qui n’est pas leur ressortissant, est une action politique. Et comme elle a, à juste titre, ajouté, cela démontre aussi leur implication dans ce qui se passe actuellement en Russie. A l’extérieur, les partisans se sont regroupés pour faire du bruit, ils l’ont fait et la police est intervenue.

Le tribunal n’examinait pas la question de la culpabilité de Navalny, cette question avait déjà été tranchée lors du procès Yves Rocher, où il a été reconnu coupable d’avoir escroqué la compagnie de plus de 400 000 euros. Il examinait les violations de ses conditions de liberté. A ce sujet, le Service fédéral russe de l’exécution des peines l’accusait d’avoir, depuis sa condamnation, plus de 50 fois troublé l’ordre public, 6 fois ne s’être pas présenté en 2020 à ses convocations avant son hospitalisation (les 13 et 27 janvier, 3 février, 16 mars, 7 juillet et 17 août) et avoir reçu déjà 5 avertissements quant au risque de voir sa peine commutée en prison ferme. De plus, depuis le 23 septembre, date à laquelle il est sorti de l’hôpital allemand, le Service des peines n’était pas formellement au courant du lieu de résidence réel de Navalny. Le Service a été informé que Navalny était en traitement ambulatoire, qu’il se déplaçait librement, notamment sa santé ne l’empêchait pas de donner des interviews. Il a donc été convoqué le 23 octobre et Navalny n’a pas répondu à la convocation. Il a attendu le 23 novembre pour dire qu’il résidait dans l’hôtel Arabel, où il était soigné, mais aucun justificatif de traitement n’a été apporté. Un avis de recherche a donc été lancé le 29 décembre et il a été interpellé à l’aéroport à Moscou à son retour (voir notre texte ici à ce sujet).

Dans son discours, Navalny est parti dans des considérations politiques, qui n’avaient rien à voir avec les faits concrets, qui lui étaient reprochés. Comme à son habitude, il a accusé Poutine de l’avoir empoisonné et, en pleine crise de mégalomanie, a déclaré que le Président russe ne se remettait pas de le voir en vie, qu’il resterait dans l’histoire comme « empoisonneur de slips » (sic). Oui, l’on tombe au niveau maternelle et au stade fécal. Il en appelait également à la décision de la CEDH qui, selon lui, l’innocentait et donc il devait sortir libre. Immédiatement. Rappelons, que la CEDH ne peut se prononcer sur la culpabilité ou l’innocence, puisqu’elle n’est pas une juridiction suprême des cours nationales. En l’occurrence, elle avait noté des violations du procès équitable (art. 6), ce qui est très habituel, mais elle a formellement refusé justement de qualifier le procès russe de procès politique. Bref, Navalny est en plein délire. Et l’on pourrait se demander pourquoi. Simplement, parce que sur le fond, il n’avait rien à dire.

Et en effet, l’on comprend mieux en lisant les réponses qu’il a apportées au procureur et au juge. Quant à savoir s’il avait bien manqué 6 convocations avant son hospitalisation, il a déclaré que selon le jugement, il était obligé de se présenter deux fois par mois, qu’il était quelqu’un de très occupé et que le lundi, il ne pouvait pas venir, donc il venait deux jeudis. Autrement dit, il ne s’est pas présenté lors des convocations, mais est venu faire un tour quand il avait le temps. Trop aimable … Ensuite, en ce qui concerne la période suivant sa sortie d’hôpital, il a effectivement reconnu qu’il avait autre chose à faire qu’à informer le Service des peines … Dans sa grandeur d’âme, il aurait eu la bonté de leur apporter un certificat plus tard. Comme l’a noté le Procureur, Navalny se croyait au-dessus des lois, protégé par sa médiatisation.

Mais il a été rattrapé par la loi. Ce laxisme du Service d’exécution de peine va, d’ailleurs, entraîner un rappel à l’ordre officiel de son responsable dans cette affaire, demande formulée par le procureur et acceptée par le juge.

Les faits ayant été établis, et même in fine confirmés par Navalny, le juge a condamné Navalny à exécuter sa peine de 3 et demi, moins la période qu’il a déjà effectuée en assignation à domicile à l’époque, ce qui fait 2 ans et 8 mois de privation de liberté.

Il n’y a ici aucun problème juridique, c’est un cas technique, comme il y en a des milliers par année. Le problème est politique. Les Occidentaux globalistes accusent la Russie de ne pas avoir organisé un véritable procès, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas satisfaits du résultat, malgré la pression politique et internationale, qu’ils ont exercé sur la justice russe.

Mais le poids de Navalny à l’intérieur est relativement faible. Ses partisans ont appelé immédiatement à manifesté à Moscou et à Saint-Pétersbourg, 50 personnes par ici, une centaine par là, aucun véritable soulèvement populaire pour l’instant. Peu importe, Navalny est en prison, il va enfin pouvoir servir : Amnesty International se lance dans le combat, BBC en Russie parle très sérieusement du « Mandela russe », les relations internationales vont pouvoir encore se crisper. Navalny a rempli sa mission, maintenant la mécanique géopolitique se prépare pour de nouvelles attaques. 

Source : Russie politics
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