Des membres des Forces de défense territoriale ukrainiennes s’entraînent à utiliser une arme antichar NLAW dans la banlieue de Kiev, en Ukraine, le mercredi 9 mars 2022 (AP Photo/Efrem Lukatsky)

Par Andre Damon

Mercredi, le président Joe Biden a prononcé un discours annonçant le déploiement d’un milliard de dollars d’armes en Ukraine, y compris des drones de combat et des systèmes antiaériens à longue portée qui seront utilisés dans la guerre qui oppose l’Ukraine à la Russie.

Ne faisant aucune mention des efforts en cours pour trouver un règlement diplomatique à la guerre, Biden a averti que les États-Unis devaient se préparer à «une bataille longue et difficile».

Biden a annoncé que l’Ukraine recevrait 9.000 systèmes anti-blindés, 800 systèmes antiaériens, 7.000 armes légères et 20 millions de munitions. Les responsables américains ont ensuite précisé qu’ils fourniraient à l’Ukraine des drones offensifs et des missiles antiaériens à longue portée de l’ère soviétique.

Mais l’aspect le plus significatif du discours a été la déclaration de Biden concernant le contexte de la guerre qui met à nu la mesure dans laquelle les États-Unis avaient systématiquement préparé l’Ukraine au conflit avec la Russie.

Biden a présenté le récit d’un conflit par procuration qui a duré des années et dans lequel les États-Unis ont injecté des milliards de dollars d’armes en Ukraine. «En fait, nous avons commencé notre assistance à l’Ukraine avant le début de cette guerre», a déclaré Biden.

Nous avons envoyé à l’Ukraine plus d’assistance en matière de sécurité l’année dernière – 650 millions de dollars d’armes, y compris des équipements antiaériens et anti-blindés avant l’invasion – plus que nous n’en avions jamais fourni auparavant. Ainsi, lorsque l’invasion a commencé, ils avaient déjà entre leurs mains le type d’armes dont ils avaient besoin pour contrer les avancées russes.

Et dès que la guerre a commencé, nous avons immédiatement injecté 350 millions de dollars d’aide supplémentaire pour répondre à leurs besoins: des centaines de systèmes antiaériens, des milliers d’armes antichars, des hélicoptères de transport, des patrouilleurs armés et d’autres véhicules à haute mobilité, des systèmes radars qui permettent de suivre l’artillerie et les drones en approche, des équipements de communication sécurisés et des équipements tactiques, des images satellites et des capacités d’analyse. Et cela a clairement aidé l’Ukraine à infliger des pertes spectaculaires aux forces russes.

Ces déclarations réfutent la présentation que font les médias de l’Ukraine comme une petite nation infortunée soudainement prise à partie par une grande puissance impitoyable.

L’armée ukrainienne, assistée par des conseillers américains qui travaillaient déjà dans le pays, était prête pour la guerre, que le gouvernement Biden a encouragée. Les civils ukrainiens pris dans les tirs croisés ont été vus comme des pertes sacrifiables dans la stratégie anti-russe de l’impérialisme américain. Le fait même que l’Ukraine ne soit pas membre de l’OTAN lui a permis d’être utilisée par procuration, armée jusqu’aux dents et utilisée pour attirer le gouvernement russe dans son invasion désastreuse et mortelle.

Comprendre le contexte de la guerre n’équivaut pas à approuver l’invasion russe, qui est aussi stratégiquement imbécile que politiquement réactionnaire. C’était la réaction désespérée du régime en faillite issu de la dissolution de l’URSS.

Mais il est nécessaire de réfuter le récit mensonger dans lequel cette guerre – qui a coûté des milliers de vies et peut encore dégénérer en guerre nucléaire – est présentée par les organes de propagande des puissances américaines et de l’OTAN.

En 2013, Victoria Nuland, alors secrétaire d’État adjointe aux affaires européennes et eurasiennes, a indiqué que les États-Unis avaient dépensé 5 milliards de dollars pour aider l’Ukraine à «réaliser ses aspirations européennes et d’autres objectifs».

Le premier résultat de cet afflux d’argent et de formes plus directes d’intervention des puissances impérialistes a été le coup d’État de 2014 soutenu par les États-Unis, mené par des forces fascistes comme Svoboda et le Secteur droit.

En quelques mois, le parlement ukrainien a renoncé au statut de pays non aligné de son pays et a annoncé des plans pour approfondir sa coopération avec l’OTAN «afin d’atteindre les critères qui sont requis pour l’adhésion à l’alliance».

Le coup d’État de 2014 a déclenché la sécession de Donetsk et de Lougansk dans l’est de l’Ukraine, ainsi que l’annexion par la Russie de la Crimée, une région majoritairement russophone, à la suite d’un référendum.

Dans le but de contenir la guerre qui fait rage dans l’est de l’Ukraine, les républiques de Donetsk et de Lougansk ont signé un cessez-le-feu connu sous le nom d’accords de Minsk, qui ont été systématiquement assiégés au cours des années suivantes.

Malgré le cessez-le-feu, les États-Unis ont continué à injecter des milliards de dollars d’armes en Ukraine et à former activement son armée.

Un tournant critique dans ce processus a été la première mise en accusation de Donald Trump qui s’articulait autour d’allégations selon lesquelles ce dernier avait rendu un versement d’armes américaines à l’Ukraine conditionnel à ce que Zelensky ordonne une enquête sur le fils de Biden, Hunter. Celui-ci recevait environ un million de dollars par an pour siéger au conseil d’administration de Burisma, une société énergétique ukrainienne.

Au cours de la procédure de destitution, il est devenu évident combien l’Ukraine était au cœur de la stratégie géopolitique américaine. Dans son témoignage, l’ancienne ambassadrice en Ukraine, Marie Yovanovich, a déclaré que l’Ukraine, «avec une énorme masse terrestre et une grande population, a le potentiel pour être un important… multiplicateur de force sur le plan de la sécurité… Et maintenant, l’Ukraine est un champ de bataille pour la compétition entre grandes puissances avec une guerre chaude pour le contrôle du territoire et une guerre hybride pour contrôler l’État de l’Ukraine».

Alors que le processus de destitution avait lieu, les États-Unis se retiraient du traité sur les «forces nucléaires à portée intermédiaire» (FNI) et développaient des armes nucléaires de moyenne portée qui pourraient atteindre les frontières de la Russie depuis l’Europe de l’Est ou même l’Ukraine. Le retrait du traité FNI était un élément crucial des préparatifs américains en vue de la «concurrence entre grandes puissances», que la stratégie de sécurité nationale de 2018 considérait comme la «principale préoccupation en matière de sécurité nationale américaine.»

Les commentaires de Biden indiquent clairement qu’il y a eu l’année dernière une escalade majeure de l’assistance militaire à l’Ukraine, les États-Unis lui accordant, selon Biden, plus d’aide militaire «que nous n’en avions jamais fournie auparavant».

Un tournant clé cette année-là a été le partenariat stratégique entre les États-Unis et l’Ukraine, annoncé le 1er septembre 2021, qui déclarait que les États-Unis ne reconnaîtraient «jamais la tentative d’annexion de la Crimée par la Russie» et «avaient l’intention de soutenir les efforts de l’Ukraine pour contrer une agression armée». Le partenariat stratégique a effectivement avalisé la doctrine, codifiée dans un document stratégique de l’État ukrainien en mars 2021, selon laquelle l’Ukraine doit «récupérer» la Crimée et le Donbass, par la force si nécessaire.

En annonçant le «partenariat stratégique», la Maison-Blanche a noté que «les États-Unis ont engagé 2,5 milliards de dollars pour soutenir les forces ukrainiennes depuis 2014, dont plus de 400 millions de dollars rien que cette année».

Alors que les États-Unis continuaient à injecter des milliards de dollars en ventes d’armes en Ukraine, la Russie a publié en décembre une série d’exigences en matière de garanties de sécurité, notamment que l’Ukraine ne devienne pas membre de l’OTAN. Dans des interviews ultérieures, le président russe Vladimir Poutine a expliqué que l’admission de l’Ukraine à l’OTAN rendrait la guerre inévitable.

Le gouvernement Biden a refusé d’accepter les demandes de garanties de sécurité de la Russie, poussant cette dernière à intervenir de la sorte. Comme l’a déclaré Biden en décembre, «je n’accepte les lignes rouges de personne».

Cet antécédent explique la confiance avec laquelle la Maison-Blanche a prédit l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Comme l’a dit Biden le 20 janvier, «Je pense qu’il va envahir. Il doit faire quelque chose». Si Biden a été capable de prédire cette situation de manière aussi directe, c’est parce que son administration a travaillé à l’obtention de ce résultat.

(Article paru en anglais le 17 mars2022)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

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