Un jeune Palestinien s’effondre sur le sol après avoir inhalé des gaz lacrymogènes, près de la vieille ville de Naplouse – Photo : Mariam Barghouti/Mondoweiss

Par Mariam Barghouti

Lundi 19 septembre, des forces de sécurité de l’Autorité Palestinienne (AP) ont fait une descente dans Naplouse, à 80 km au nord-est de Ramallah, pour y arrêter deux combattants de la résistance palestiniens recherchés par Israël, Musaab Shtayyeh, 30 ans, et Ameed Tbeileh, 21ans.

Un Palestinien de 55 ans Firas Yaish a été tué, tandis que plusieurs autres ont été blessés dont Abed El Fattah qui a reçu trois balles et a été emmené à l’Arab Specialized Hospital dans un état critique.

Musaab Shtayyeh est, d’après son père Akef Shtayyeh, 60 ans, en grève de la faim.

« Son état de santé, selon son avocat, se détériore, » a déclaré Akef à Mondoweiss. « Musaab souffre déjà de problèmes thyroïdiens et a d’autres soucis de santé, et sa grève de la fin ne fera qu’empirer la situation. »

Alors que l’arrestation par l’AP de combattants de la résistance dans le cadre d’une vaste campagne d’assassinats dirigée contre eux a pu constituer un choc pour certains Palestiniens, une atmosphère totalement différente régnait à Naplouse, surtout dans la vieille ville.

Mondoweiss était sur le terrain dans la vieille ville et a rencontré certains des combattants de la résistance qui y sont stationnés.

Shtayyeh, arrêté par l’AP à Jéricho, était aussi un camarade proche du combattant abattu Ibrahim al-Nabulsi, le « Lion de Naplouse, » assassiné par le régime israélien le 9 août de cette année.

L’Autorité palestinienne fait le sale boulot d’Israël

Depuis lundi soir, quand les forces de l’AP ont kidnappé Musaab Shtayyeh et Ameed Tbeileh, la ville de Naplouse et les villes avoisinantes sont en feu.

Les rues sont jonchées de pneus en flammes et une couche de pierres témoignent de la bataille qui s’y est déroulée peu de temps auparavant.

Les factions de résistants armés avaient publié une déclaration le mardi 20 septembre appelant les Palestiniens à se révolter contre la détention des jeunes combattants.

« Nous vous informons que jusqu’ici nous avons gardé le silence et qu’aucune action subversive n’a été menée en réponse à cette arrestation, bien que nous ayons les moyens de le faire, » disait la déclaration.

Quelques heures plus tard, un appel à l’action se répandait sur les réseaux sociaux et dans les médias palestiniens.

« Au peuple de notre vaillante ville, la cité des martyrs et de la résistance, nous vous saluons dans le défi et la fermeté, » disait la déclaration, et enchaînait avec un appel à fermer toutes les routes municipales à15 heures mardi pour protester contre l’attaque visant les combattants de la résistance.

Cette attaque a eu lieu dans le cadre d’une brutale campagne de répression de l’armée israélienne appelée « Opération Briser la vague », dont l’AP est maintenant un acteur informel.

La jeunesse palestinienne des villes et villages voisins, surtout des camps de réfugiés, a répondu à l’appel.

Des automobilistes font demi-tour près de l’entrée de la ville de Naplouse – Photo : Mariam Barghouti/Mondoweiss

Les routes menant à Naplouse ont été bloquées avec des poubelles et des pneus en feu, mais les flammes orange habituelles qui s’étendaient dans un rayon de plusieurs kilomètres autour de la ville, généralement signal d’une confrontation avec l’armée israélienne, caractérisaient maintenant une différente zone de guerre, celle avec les forces de sécurité palestiniennes armées.

L’absence de soldats israéliens, qui étaient d’habitude postés aux différentes entrées de Naplouse, était presque surnaturelle.

La route vers Naplouse près du camp de réfugiés Balata était fermée, et le bruit des gaz lacrymogènes, des grenades assourdissantes, et des tirs à balles réelles résonnaient depuis le Martyr’s Square, à quelques kilomètres de là.

Les jeunes hommes et garçons qui arpentaient les rues étaient visiblement épuisés. Les personnes en voiture qui semblaient étrangères à l’agglomération étaient encouragées à faire demi-tour.

Toutefois, pour celles qui parvenaient jusqu’à Martyr’s Square la vue était d’emblée déchirante et décevante – presque performative, mais pas moins menaçante et instable pour autant.

« Quelle situation écœurante, » s’exclame un homme d’une quarantaine d’années, en voyant les forces de sécurité palestiniennes tirer des gaz lacrymogènes dans un bruit de balles réelles qui résonne non loin de là.

Des dizaines de familles palestiniennes ont été traitées pour inhalation de gaz lacrymogènes, tandis d’autres ont été blessées par des tirs de l’AP.

Cinq jeunes au moins auraient été touchés par des balles réelles des forces de l’AP à 22h mardi, des secouristes présents alors sur le terrain ont rapporté à Mondoweiss.

Les balles des résistants étaient cette fois guidées par l’exigence d’obtenir la libération de leurs camarades détenus par la Sécurité Préventive Palestinienne, dirigée par Ziad Hab El-Reech, le ministre de l’intérieur depuis janvier de cette année.

Le bruit de tirs à balles réelles a persisté jusque passé minuit. Le nombre officiel de blessés dans les rangs des forces de l’AP, qui auraient été causés par des balles réelles des résistants, était ridiculement bas – 25 blessés annoncés par le Croissant Rouge – en raison des restrictions sur la communication imposée par l’AP.

Le champ de bataille était quasi identique à ce à quoi la ville était habituée lors des attaques de l’armée israélienne.

Le plus frappant de tout était la vue des véhicules blindés de l’AP, ressemblant à ceux de l’armée israélienne, tandis que les méthodes utilisées pour réprimer les protestations semblaient sorties tout droit du manuel israélien. Vraiment, c’était comme si Israël déléguait sa tâche de domination coloniale à son mandataire.

« Quel affreux spectacle, » répétaient certains des hommes commentant les évènements de Martyr’s Square. Hochant la tête, presque de déception, ils continuaient à regarder passivement pendant que la seule force armée officielle de Cisjordanie poursuivait sa répression.

Les forces répressives palestiniennes lors d’affrontements avec des jeunes, le 20 septembre 2022 – Photo : Mariam Barghouti/Mondoweiss

Les jeunes se laissaient pas dissuader, alors que les brigades de la résistance continuaient, à Naplouse et à Jénine, d’intensifier les mesures de représailles, levier pour obtenir la libération de leurs camarades.

Accompagnant la confrontation et la revendication inébranlable de la libération des combattants de la résistance, des rencontres entre divers représentants se sont tenues de mardi tard dans la soirée jusqu’aux petites heures du mercredi matin.

A environ 2 heures, mercredi matin, les derniers comptes-rendus des réunions informaient que l’AP instruirait une enquête sur l’assassinat de Yaish.

Peu de temps après, des photos de représentants de l’AP nettoyant les rues de Naplouse étaient diffusées à des journalistes et aux médias – démontrant presque avec jubilation que l’AP avait réussi à ramener le calme dans la vieille ville et ses alentours.

Auteur : Mariam Barghouti

* Mariam Barghouti est une écrivaine palestino-américaine basée à Ramallah. Ses commentaires politiques sont publiés dans l’International Business Times, le New York Times, TRT-World, entre autres publications.
Mariam Barghouti est également correspondante en Palestine du site d’informations et d’analyses Mondoweiss. Son compte Twitter.

23 septembre 2022 – Mondoweiss – Traduction: Chronique de Palestine – MJB

Source : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/…