Par Salim Lamrani

Résumé : Alors que l’administration Eisenhower avait observé la plus grande discrétion au sujet des exactions commises par la dictature de Fulgencio Batista à Cuba, elle fit au contraire part de ses critiques lorsque le nouveau pouvoir dirigé par le Président Manuel Urrutia décida d’appliquer la justice révolutionnaire durant les premières semaines de l’année 1959 à l’encontre de ceux qui s’étaient rendus coupables de crimes de sang. La position de Washington déclencha la première crise diplomatique avec La Havane, qui rappela le soutien accordé par la Maison-Blanche au régime militaire et remit en cause la sincérité de ces accusations. L’objectif des États-Unis était autre : jeter le discrédit sur les nouvelles autorités cubaines. 

Introduction

            A l’avènement de la Révolution cubaine de 1959, qui mit un terme à la dictature du général Fulgencio Batista après 25 mois de lutte armée dans les montagnes de la Sierra Maestra, l’une des premières mesures prises par le nouveau pouvoir fut de recourir à la justice révolutionnaire. Celle-ci, expéditive et violente par nature, s’appliqua aux individus auteurs de crimes de sang commis lors les six années que dura le régime militaire qui avait renversé le gouvernement démocratique de Carlos Prío Socarrás en 1952. Face à l’exigence populaire de justice, les nouvelles autorités s’engagèrent dès les premières heures à sanctionner les criminels de guerre, afin d’éviter les représailles extrajudiciaires de la part des familles endeuillées par la répression. 

            L’administration Eisenhower, qui s’opposa à une prise de pouvoir par Fidel Castro et ses hommes dès le départ et qui soutint le régime de Batista jusqu’aux ultimes instants, ne laissa pas passer l’opportunité de faire part publiquement de ses critiques à l’égard du gouvernement du Président Manuel Urrutia, exigeant l’application d’une justice ordinaire. Face à ces admonestations publiques, La Havane répliqua en plaçant Washington face à ses propres contradictions, lui rappelant à la fois son soutien sans faille au régime déchu, ainsi que la discrétion observée face aux crimes commis durant les années de plomb de 1952 à 1958. Cuba inaugura de cette façon une ère nouvelle dans ses relations avec les Etats-Unis où était affirmée l’exigence du respect de la souveraineté. 

            Cette première confrontation diplomatique entre le nouveau gouvernement révolutionnaire et l’administration Eisenhower était motivée par d’autres considérations : il s’agissait de jeter le discrédit sur les nouvelles autorités qui s’apprêtaient à entreprendre un processus de transformation socio-économique radical. En effet, l’application de la justice révolutionnaire dès les premières semaines de l’année 1959 répondait à une exigence populaire. Face aux critiques, une opération médiatique fut lancée par La Havane sous le nom de Mission « Vérité » dans le but d’offrir à l’opinion publique étasunienne et internationale le point de vue cubain. Par ailleurs, le nouveau régime ne manqua pas de rappeler le soutien apporté par Washington au régime de Batista depuis le coup d’État de 1952 et plus particulièrement à partir du déclenchement de la guerre insurrectionnelle en 1956. 

Article complet : https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/25654

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