Par Eva Bartlett

Aujourd’hui, j’ai vu des Syriens danser et célébrer la vie, et un retour à la paix – mais bien sûr, les médias occidentaux ne le rapporteront pas

Source : rt.com

Traduction : lecridespeuples.fr

Bien que l’Occident ait mené 10 ans de guerre contre la Syrie et qu’il y ait beaucoup de destruction, le pays tout entier n’est pas en ruines et le pouls de la vie continue, bien qu’étranglé par de sévères sanctions occidentales.

Après la libération de la Ghouta orientale en 2018, comme on pouvait le prévoir, les médias occidentaux sont restés silencieux sur le retour des Syriens déplacés à l’intérieur du pays et la reconstruction qui avait eu lieu. Aujourd’hui, dans les villes de la région adjacente à la capitale Damas, derrière des volets métalliques poussiéreux et abîmés, j’ai vu de nouvelles fenêtres brillantes et encore plus de reconstruction que lorsque j’étais ici en 2018.

A Douma, j’ai vu des enfants adorables et souriants, ravis de pratiquer leur anglais avec moi. Étant donné qu’ils sont nés pendant la guerre et ont vécu sous le règne terriblement sauvage des groupes rebelles Jaysh al-Islam et Faylaq al-Rahman, et de leurs co-terroristes, leur exubérance était remarquable. Les traumatismes qu’ils ont endurés, ils les ont soit profondément enfouis en eux, soit miraculeusement guéris.

Célébrations des élections présidentielles syriennes à Douma, Ghouta orientale, Syrie, le 26 mai 2021

Étant donné que les médias et les dirigeants occidentaux ont fait toute une histoire autour du canular chimique de Douma, il était particulièrement gratifiant de revoir la vie dans les rues.

Les Syriens de la Ghouta orientale ont été confrontés à un enfer que la plupart d’entre nous, vivant en toute sécurité loin de la guerre, ne peuvent même pas imaginer. J’avais vu leurs visages torturés peu de temps après leur libération en 2018. Cela a rendu incroyablement émouvant le fait de les voir sourire, danser et célébrer les élections présidentielles aujourd’hui [dénoncées d’avance comme frauduleuses par l’Occident, qui empêche les réfugiés Syriens de voter pour mieux les délégitimer]. La différence entre hier et aujourd’hui était comme la nuit et le jour.

Certains ont été surpris lorsque j’ai publié sur les réseaux sociaux des vidéos d’un artiste et orchestre syriens se produisant à l’Opéra de Damas il y a deux nuits. Beaucoup pensent que le pays a été complètement détruit, d’autres ignorent tout simplement qu’il possède une riche culture qui n’est pas morte, malgré une guerre de dix ans menée par l’Occident.

Jusqu’à la Libération, cependant, les Syriens de Damas risquaient d’être mutilés ou tués chaque fois qu’ils allaient au travail, à l’école, au marché ou même lorsqu’ils restaient chez eux, lorsque des mortiers et des missiles terroristes les frappaient depuis la Ghouta orientale.

En 2014, laissant derrière moi l’hospitalité du petit hôtel dans lequel je séjournais près de la porte de Bab Sharqi, la porte est de la vieille ville de Damas, j’ai dérivé vers un groupe de tables en face de la magnifique cathédrale orthodoxe grecque de Zaitoun et à côté d’un restaurant fermé. Mais au lieu de travailler sur mon ordinateur portable, comme je l’avais prévu, j’ai fini par avoir une conversation avec le propriétaire de ce restaurant, maintenant appelé le bar Abu Zolouf.

Pendant que Abu Shadi et moi parlions, des mortiers tirés par des terroristes sont tombés dans les quartiers voisins. J’écrivais à l’époque :

« En fait, j’ai enregistré le son de deux des quatre mortiers. Le premier a eu lieu vers 19h05, à une distance qu’Abu Shadi a estimée à 200 mètres. Son ami l’a corrigé en disant que c’était à seulement 50 mètres (soit environ 20 mètres de mon hôtel). Environ 10 minutes plus tard, le deuxième obus de mortier est tombé. Il y a eu deux autres tirs de mortiers en une demi-heure. SANA news a rapporté la blessure de 17 civils. »

Notre conversation a porté sur les bombardements incessants, l’endroit où le dernier mortier était tombé, et sur une expérience où un obus lui a fait frôler la mort.

« Deux fois des mortiers ont atterri devant mon restaurant. L’un m’aurait tué, mais je suis entré juste avant », dit-il en désignant un endroit sur le sol à côté de la porte. Il a déploré la perte d’activité autant que la menace posée par les mortiers.

Carte de 2018. Les médias ont toujours rapporté et exagéré les bombardements de Damas et de ses alliés, sans jamais évoqué ceux des terroristes.

L’autre soir, j’ai visité le restaurant avec un ami. En voyant Abu Shadi, nous nous sommes assis avec lui et avons discuté de ces jours sombres de 2014. Maintenant, son hôtellerie est ouverte et bien fréquentée, les invités assis sous des oliviers légers profitant des soirées du début de l’été.

Toujours en 2014, un après-midi, souhaitant échapper au soleil de plomb, je m’appuyais contre le mur entourant la vieille ville, regardant vers Jobar, alors occupée par des factions terroristes, à environ un kilomètre de là. Comme je l’écrivais à l’époque, alors que je bavardais avec un ami,

« des balles sifflaient devant moi, à un demi-mètre à ma droite, à ma gauche. Tout le monde dans les environs a sauté et a couru, la plupart semblant paniqués. Nous avons couru sur environ 50 mètres, jusqu’à un point qui était apparemment hors de portée des terroristes. Une femme, souffrant d’hyperventilation et incapable de se tenir debout, a mis 10 bonnes minutes à se calmer, faisant à plusieurs reprises le signe de la croix en soufflant. Plus tard, j’ai discuté avec un homme qui vendait des galettes d’épinards, mentionnant que j’étais surprise que les balles aient atteint le point où j’étais assise. “Elles arrivent jusqu’ici”, a-t-il dit, depuis sa boulangerie trouée dans le mur, à 200 mètres de l’endroit où j’étais assise auparavant. »

Mes rencontres avec des mortiers et leurs victimes ont été nombreuses au fil des ans, et j’ai notamment vu de nombreux enfants mutilés et gravement blessés par les bombardements des terroristes, et de nombreuses anciennes maisons damascènes partiellement détruites par ces attaques.

Douma

En 2018, j’ai interviewé le violoniste et compositeur extrêmement talentueux, Raad Khalaf, qui est également l’un des fondateurs du Mari Orchestra. Nous avons bavardé, et il a mentionné que les bombardements terroristes avaient touché l’Institut Supérieur des Arts Dramatiques où il enseignait, près de l’Opéra.

Il m’a dit que l’année précédente, des terroristes avaient attaqué la région avec quelque 37 bombes en une journée.

« Les élèves ont dû rester à l’intérieur pendant huit heures ; on ne pouvait pas sortir parce que nous ne savions pas quand ni où tomberait la prochaine bombe. Un étudiant est sorti et a été tué. Ici, nous avons vécu cinq années difficiles. »

Lundi cette semaine, je suis allée à l’Opéra pour entendre la chanteuse syrienne Carmen Tockmaji et l’orchestre qui l’accompagnait. L’auditorium n’était qu’à moitié plein mais animé, tout le monde appréciant évidemment les talents de la chanteuse.

J’ai été surprise d’apprendre plus tard qu’une place de premier rang ne coûtait que 2000 livres syriennes (80 cents US), un billet de deuxième classe 1500 (60 cents US) et un billet de troisième classe 1000 (40 cents US). Néanmoins, malgré le prix bas, les plus pauvres de Syrie ne peuvent pas se le permettre, en grande partie à cause des sanctions brutales infligées au pays qui ont affecté de manière décisive la monnaie, provoquant une hyperinflation, conséquence voulue des sanctions cruelles et immorales infligées au peuple syrien.

Voir Nasrallah : Trump veut affamer le Liban et la Syrie

J’ai écrit l’année dernière (et avant) sur la manière dont ces sanctions affectent directement les civils :

« Le 17 juin, les États-Unis ont mis en œuvre le Caesar Act, la dernière série de sanctions draconiennes américaines contre le peuple syrien, visant prétendument à le “protéger”. Ce après des années de bombardements de civils et de soutien aux militants anti-gouvernementaux, qui ont conduit à la prolifération de terroristes qui kidnappent, emprisonnent, torturent, mutilent et assassinent les mêmes civils. Les sanctions ont eu un impact sur la capacité de la Syrie à importer des médicaments ou les matières premières nécessaires à leur fabrication, l’équipement médical, ainsi que les machines et le matériel nécessaires à la fabrication des prothèses, entre autres. »

Mais les sanctions ont encore un autre effet brutal : elles font des ravages sur l’économie. Un article d’opinion publié le 3 mai 2021 par Abbey Makoe sur le site Web de la South African Broadcasting Corporation a noté :

« Le rationnement de l’électricité en Syrie a atteint ses plus hauts niveaux en raison de l’incapacité du gouvernement à obtenir le carburant nécessaire pour produire de l’électricité. Cela est principalement dû aux sanctions économiques internationales dommageables menées par les puissances occidentales, y compris les protagonistes de l’IIT [Équipe d’enquête et d’identification de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques], la France, le Royaume-Uni et les États-Unis. La valeur de la livre syrienne s’est effondrée à presque rien. Le Caesar Syria Civilian Protection Act de 2019 est reconnu pour avoir provoqué la famine, l’obscurité, la peste, la misère, le vol, les enlèvements, l’augmentation du taux de mortalité et la destruction certaine d’une nation qui était autrefois un rayon d’espoir à travers le Moyen-Orient. »

La misère est réelle et les Syriens souffrent en effet, beaucoup sont même incapables de nourrir correctement leur famille.

Parler de performances à l’Opéra peut sembler déplacé à la lumière de la souffrance économique, mais le fait que de telles productions se produisent encore en Syrie est une autre indication que le projet occidental de renverser le régime a échoué, malgré ses 10 années de guerre contre la Syrie.

Voir ce concert juste avant les élections présidentielles était émouvant et poignant. Comme l’écrivait Carlos Tebecherani Haddad, un ami syro-brésilien que j’ai rencontré en 2014 alors que les mortiers pleuvaient autour de nous, « C’est une célébration de la vie, de la victoire sur l’agression étrangère, de la reconstruction, de la force des racines syriennes, des élections présidentielles et du brillant avenir de la nation. »

Voir La révolution syrienne qui n’existait pas

C’est en effet ce que j’ai vu en Syrie, y compris aujourd’hui à Douma, où les Syriens se sont rassemblés pour voter. Pourtant, il y a beaucoup à faire, en particulier lorsqu’il s’agit de reconstruire l’infrastructure, d’autant plus que les Etats-Unis si bienveillants et leurs alliés, en sanctionnant le peuple syrien, empêchent directement cela.

Donc, si vous pointez toujours du doigt le Président Bachar al-Assad et l’Armée Arabe Syrienne, retournez ce doigt vers vos gouvernements, vous en Occident. Ils sont la cause de la destruction et de la mort en Syrie, et ils font obstacle à un retour par ailleurs réalisable à la paix et à la normalité.

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Source : Le Cri des Peuples
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