Par Luc Michel

# LUC MICHEL’S GEOPOLITICAL DAILY/
REVUE DE PRESSE/ LA RUSSIE N’A PAS SUBI L’“EFFONDREMENT” ECONOMIQUE ANNONCE PAR BRUNO LE MAIRE, FIN FEVRIER 2022

Le Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
de LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ)/

2023 02 24-25/ Série V/

N° double

 « La Russie n’a pas subi l’“effondrement” économique annoncé par Bruno Le Maire, fin février 2022 », titrait Le Monde (Réseaux Sorôs) ce 13 fevrier :

« En dépit des neuf vagues successives de sanctions mises en place par l’Union européenne après l’invasion de l’Ukraine, la récession en Russie a été limitée en 2022 (…) Les économistes occidentaux sont comme des médecins se penchant sur un patient gravement malade et s’interrogeant, perplexes : combien de temps tiendra-t-il ? Le malade, c’est la Russie, et ils peinent à se prononcer sur son état de santé réel. Une seule chose est sûre, le pays n’a pas subi l’« effondrement » annoncé par le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, aux premières heures de l’invasion de l’Ukraine et de la mise en place des sanctions occidentales, amplifiées au gré de neuf vagues successives depuis mars 2022. C’est dire si le Fonds monétaire international (FMI) a créé la surprise, fin janvier, en posant un diagnostic aussi décevant pour les Occidentaux qu’encourageant pour Vladimir Poutine : la récession a été limitée à − 2,2 % en 2022, loin des − 8,5 % envisagés en mars 2022 ; l’activité progresserait de 0,3 % cette année et de 2,1 % en 2024, soit plus que les 1,6 % attendus dans la zone euro ! Sauf brutal retournement de tendance, ces données confirmeraient donc la résistance du pays. »

« Plusieurs facteurs expliquent cette apparente résilience. A commencer par la politique de la Banque centrale, qui a stabilisé le rouble dès le début de la guerre et évité une flambée inflationniste. Le pays dispose aussi d’importantes réserves de change tirées de l’or noir, malgré le gel de 300 milliards de dollars (environ 281 milliards d’euros) à l’étranger. Depuis les sanctions prises après l’annexion de la Crimée en 2014, il a développé des productions locales (agroalimentaire, textile…). Depuis l’invasion de l’Ukraine, la Russie a gagné 158 milliards d’euros grâce à ses exportations d’hydrocarbures. Les données douanières indiquent aussi une nette hausse des importations transitant par d’anciennes républiques soviétiques comme l’Arménie et le Kazakhstan, notamment de produits contenant des microprocesseurs, tandis que la Turquie reste une porte d’entrée via le Caucase. La Chine livre des pièces détachées, parfois utiles à l’industrie de la défense. Et la récolte de blé a été exceptionnelle en 2022, une des réussites de l’ère Poutine avec l’exportation de technologies nucléaires. »

#1/
UN AN APRES L’INVASION DE L’UKRAINE, UNE INSOLENTE RESILIENCE DE L’ECONOMIE RUSSE ?

En 2022, l’économie russe ne s’est pas effondrée, mais elle a été en récession et le pouvoir d’achat des ménages a baissé.

Début 2022, l’économie de la Fédération de Russie comptait parmi les grandes économies du monde et affichait le 11ᵉ PIB mondial en 2021. Mais voilà que Moscou prit la décision de reconnaître l’indépendance des régions séparatistes du Donbass le 21 février .

La réponse des pays occidentaux ne s’est pas fait attendre et s’est intensifiée tout au long de l’année. Sans se positionner comme cobelligérants, beaucoup de pays de l’OTAN ont misé sur une riposte économique : exclusion du système de réciprocité du commerce mondial, du réseau Swift et multiplication des sanctions jusqu’à la mise en place le 5 février dernier d’un embargo sur l’ensemble des produits pétroliers raffinés russes par l’Union européenne. Avec l’objectif, comme l’annonçait Emmanuel Macron dans son allocution du 2 mars 2022, que « les dirigeants russes entendent que le choix de la guerre mettrait leur pays au ban des peuples et de l’Histoire ».

L’économie russe a néanmoins présenté une certaine résilience en 2022. Loin de la situation catastrophique d’un recul de 8,5 % anticipée en avril par le FMI, sa croissance n’a connu qu’une récession de 2,2 %. Est même anticipée une légère croissance de 0,3 % en 2023. L’économie russe est-elle ainsi vraiment au plus mal ?

UNE APPARENTE RESISTANCE

Malgré ce contexte difficile lié aux sanctions des pays occidentaux, l’économie russe présente une certaine résilience. Elle s’appuie tout d’abord sur les mesures de protection prises par les autorités monétaires qui ont fait le choix de limiter l’augmentation du taux d’intérêt directeur pour le maintenir autour de 7,5 % et ce malgré une inflation qui a flirté avec les 14 % en 2022.

Les hauts historiques au printemps et à l’été atteints par les prix des hydrocarbures sur le marché mondial a également permis à l’économie russe de résister temporairement aux sanctions, compensant en valeur la baisse des volumes exportés.

Un autre secteur économique non moins négligeable qui présente également les résultats favorables est celui de la Tech. Les géants russes VK et Yandex ont enregistré des chiffres d’affaires en hausse et ont pu renforcer leur positionnement sur le marché local après le départ des géants mondiaux du secteur.

Sur l’ensemble de l’année, l’économie russe a ainsi enregistré un excédent courant de plus de 227 milliards de dollars (plus de 12 % du PIB), une hausse significative de 86 % par rapport à 2021. Même si une partie du résultat s’explique par de moindres importations depuis les pays occidentaux en raison des sanctions, Moscou a aussi pu compter sur des échanges commerciaux toujours au plus haut avec Pékin.

Le tout a pu empêcher une crise financière et la faillite du système bancaire russe que l’exclusion du réseau Swift devait mettre à mal.

En matière de chômage, si l’on en croit l’agence statistique nationale Rosstat, l’économie russe est toujours considérée comme étant au plein emploi avec un taux de chômage qui s’est établi autour de 4 %.

L’entrée en vigueur le 5 février de l’embargo sur les produits pétroliers raffinés russes, complétant le plafonnement du prix du baril de brut en place depuis décembre, a vocation à peser toujours plus sur les revenus de Moscou. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, entend « faire payer Poutine pour sa guerre atroce » et renvoyer l’économie russe « une génération en arrière » avec des mesures coûtant « 160 millions d’euros par jour à la Russie ».

#2 :
POURQUOI L’ECONOMIE RUSSE TIENT-ELLE LE CHOC FACE AUX SANCTIONS OCCIDENTALES ?

Malgré neuf trains de sanctions de l’Union européenne, l’économie russe n’a donc connu qu’un repli limité de son PIB en 2022. Une « résilience » de l’économie russe saluée ce mardi par le président Vladimir Poutine lors de son discours sur l’état de la nation.

L’ECONOMIE RUSSE FAIT DE LA RESISTANCE.

Loin donc de l’ »effondrement » prédit par le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire après les premières vagues de sanctions occidentales ayant suivi le déclenchement de l’invasion russe de l’Ukraine, le PIB de Moscou n’a reculé que de 2,1 % en 2022, selon le service russe de statistiques Rosstat. L’économie russe devrait même reprendre quelques couleurs cette année avec une croissance de l’ordre de 0,3 %, selon le Fonds monétaire international (FMI).

« Nous avons assuré la stabilité de la situation économique, protégé les citoyens », a claironné mardi 21 février le président russe Vladimir Poutine dans son discours sur l’état de la nation, estimant que l’Occident avait échoué à « déstabiliser notre société ».

L’explication de cette apparente résilience de l’économie russe tient d’abord à la hausse des prix des hydrocarbures en 2022 qui a compensé la baisse du volume des exportations – une baisse de l’ordre de 25 % pour le gaz.

Autrefois premier client de la Russie, l’UE a réussi à réduire ses importations de gaz russe de 55 % dans l’espoir d’amoindrir les capacités de Moscou à financer son offensive en Ukraine. Or, en parallèle, la Russie s’est tournée vers d’autres partenaires commerciaux, dont la Turquie, l’Inde et surtout la Chine, dont les importations via le gazoduc « Force de Sibérie » ont bondi de 48 %, selon le vice-Premier ministre russe en charge de l’Énergie, Alexandre Novak.

Alors que la guerre d’invasion russe de l’Ukraine va entrer dans sa deuxième année, l’industrie de l’armement a également soutenu l’activité. « Il y a eu une forte hausse de la production de l’industrie métallurgique. C’est le signe assez évident que certaines branches du complexe militaro-industriel ont réussi à s’adapter. On voit aujourd’hui que des usines de l’Oural, par exemple, fonctionnent 24 heures sur 24 », explique David Teurtrie, maître de conférences en science politique à l’Institut catholique d’études supérieures.

Autre point fort de l’économie russe, selon le président Poutine : le secteur agricole. « D’ici la fin de l’année agricole, c’est-à-dire d’ici le 30 juin 2023, nous serons en mesure de porter le volume total des exportations de céréales à 55-60 millions de tonnes », a affirmé le président russe.

« NOUS AVONS L’HABITUDE DES PROBLEMES »

Gaz, pétrole, finance, commerce, technologies… tous les secteurs de l’économie russe ont été touchés par les vagues successives de sanctions occidentales. Cependant, les entreprises russes s’adaptent. Exclues du système SWIFT, l’indispensable système de messagerie sécurisée, les banques passent par des intermédiaires pour contourner les sanctions.

Des biens occidentaux sont facilement importés via des pays tiers comme le Kirghizstan, l’Arménie ou encore la Géorgie, des pays frontaliers au cœur de circuits commerciaux parallèles destinés à alimenter l’industrie russe.

L’agroalimentaire a su également rebondir avec l’émergence d’acteurs locaux venus substituer leurs produits à ceux vendus par des marques occidentales, comme les célèbres sodas Pepsi ou Coca-Cola.

« Depuis le début du capitalisme en Russie, nous avons connu au moins quatre grandes crises. Nous avons l’habitude des problèmes et, à vrai dire, ce ne sont pas les plus importants auxquels nous avons été confrontés », assure Iouri Sapryguine, un entrepreneur de la ville de Kalouga, en Russie centrale, joint par France 24.

#3/
PETROLE: LA RUSSIE A DEJA REORIENTE SES LIVRAISONS VERS L’INDE ET LA CHINE

Moscou n’a pas attendu l’embargo pour employer des stratégies de contournement.

Touché mais pas coulé. «L’embargo ne mettra pas la Russie à genoux. Il sera dérangeant, mais pas mortel, résume Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe à Moscou. Certes, il sera loin d’être indolore car les volumes de pétrole achetés par l’Europe sont importants. Mais ses effets seront sans doute rattrapés en trois ou quatre mois, le temps que se mettent en place de nouveaux circuits logistiques et financiers , analyse ce bon connaisseur des questions énergétiques.

Depuis le lancement par Vladimir Poutine de l’«opération militaire spéciale» en Ukraine, le 24 février, les ventes d’hydrocarbures russes à l’Inde, à la Turquie et à la Chine ont explosé sans toutefois combler la baisse des flux vers le Vieux Continent. Un objectif qui pourrait être atteint au premier trimestre 2023, argumentent des experts interrogés à Moscou. Ils estiment la baisse de la production russe de pétrole entre 3 % et 5 % après l’entrée en vigueur de l’embargo et du plafonnement…

EMBARGO DE L’UE SUR LE PETROLE RUSSE : « MOSCOU VA ACCELERER SON VIRAGE VERS L’ASIE »

Les dirigeants des 27 pays de l’Union européenne ont trouvé un accord pour réduire de 90 % leurs importations de pétrole russe d’ici à la fin de l’année afin de tarir le financement de l’offensive russe contre l’Ukraine. Selon Anastasiya Shapochkina, spécialiste des relations russo-ukrainiennes, cet embargo n’aura cependant pas nécessairement d’impact sur l’économie russe, ni sur la poursuite du conflit.

Les négociations autour de l’or noir russe auront duré près d’un mois. Les 30 et 31 mai, l’Union européenne a finalement décidé de mettre fin, d’ici à 2023, à ses achats de pétrole russe transporté par voie maritime, soit l’équivalent de plus de deux tiers de ses importations.

Âprement négocié, ce consensus cède une exemption provisoire à trois pays membres de l’UE quasi exclusivement approvisionnés par la Russie : la Hongrie, la Slovaquie, et la République Tchèque. Ces trois pays pourront ainsi continuer de s’approvisionner en pétrole russe, via l’oléoduc Droujba [qui signifie « amitié » en russe].

L’extension de l’embargo aux livraisons par oléoduc devrait ensuite être discutée « dès que possible », selon les dirigeants européens qui estiment, qu’au total, 90 % des exportations de pétrole russe vers l’UE seront arrêtées d’ici à la fin de l’année.

« Très peu de gens » auraient prédit que l’on puisse s’entendre sur le pétrole russe, s’est félicité le président français, Emmanuel Macron, au cours d’une brève déclaration au sortir des négociations, mardi 31 mai. Le président du Conseil européen, Charles Michel, s’est réjoui quant à lui d’un « pas en avant essentiel pour arrêter la guerre en Ukraine ».

Toutefois, rien n’est moins sûr, selon Anastasiya Shapochkina, présidente du think tank géo-économique Eastern Circles, maître de conférences en géopolitique à Science Po Paris et spécialiste des relations russo-européennes.

COMMENT ANALYSER L’ENTHOUSIASME DES DIRIGEANTS EUROPEENS, COMME EMMANUEL MACRON OU CHARLES MICHEL, APRES CET ACCORD SUR LE PETROLE RUSSE ?

On peut y lire les difficultés surmontées pour parvenir àocet accord. Cet embargo progressif est le fruit de nombreux compromis, de débats et de réflexions au niveau national, qui ont ensuite dû être reconduits à l’échelon européen.

Une pièce maîtresse de cet accord reposait sur la volonté politique de l’Allemagne et de la Pologne, grands consommateurs européens de pétrole russe, qui ont finalement accepté de mettre un terme à toute importation de pétrole russe d’ici à la fin de l’année.

L’or noir russe aura néanmoins réussi à semer la division parmi les 27, comme le rappelle l’accord laborieusement trouvé avec la Hongrie, la Slovaquie et la République Tchèque.

Bruxelles fait ainsi face à un bouleversement majeur : la Russie, partenaire de la sécurité énergétique de l’Europe, s’est muée, du jour au lendemain, en menace pour sa sécurité.

LES 27 VERSENT CHAQUE MOIS 10 MILLIARDS D’EUROS A LA RUSSIE POUR SON PETROLE. CE MANQUE A GAGNER VA-T-IL HANDICAPER L’ECONOMIE RUSSE ?

Ce manque à gagner sera en grande partie compensé. Par un premier biais : la fraude. Dans six mois, l’embargo européen mettra un terme aux livraisons de pétrole par bateau, lesquelles représentent environ 70 % des importations européennes d’hydrocarbures russes. Mais ce type d’approvisionnement est plus difficile à contrôler que celui opéré via un oléoduc. Du pétrole russe pourra donc être labellisé comme venant d’autres contrées.

Une réorientation des exportations d’hydrocarbures russes vers l’Asie est par ailleurs en marche depuis dix ans. Avant le 24 février, le marché asiatique recevait ainsi 42 % des exportations de pétrole russe – à peine moins que l’UE, qui en achetait 48 %. Et depuis l’invasion de l’Ukraine, l’Inde a déjà triplé ses importations de pétrole russe. Comme l’application de l’embargo européen sera progressive, l’industrie pétrolière russe dispose d’un peu de temps pour continuer à accélérer ce virage asiatique.

La Russie entend, aussi, négocier avec la Chine d’égal à égal, en tant que puissance mondiale, qui, comme elle, s’oppose à l’Occident..

UNE BAISSE DES REVENUS PETROLIERS POURRAIT-ELLE CONTRIBUER A TARIR LE FINANCEMENT DE LA GUERRE MENEE PAR MOSCOU EN UKRAINE ?

Atteignant 60 % du PIB, selon certains modes de calcul, les exportations d’hydrocarbures représentent la manne clé de l’économie russe. Mais les stocks d’armes dont dispose Moscou sont importants, et une dégradation de la situation économique n’aura absolument aucun impact sur la décision politique de poursuivre les objectifs stratégiques du Kremlin en Ukraine.

Comme lors de la Seconde Guerre mondiale, dont l’Union soviétique, pourtant en ruines, est sortie triomphante, la guerre n’a pas de lien avec l’économie en Russie. Vladimir Poutine pourrait poursuivre l’invasion de son voisin ukrainien, même avec une économie complètement détruite.

UNE FORTE DEGRADATION DU NIVEAU DE VIE DE LA POPULATION POURRAIT-ELLE FAIRE GRANDIR L’IMPOPULARITE DU POUVOIR, Y COMPRIS AU SEIN DES ELITES, JUSQU’A MENACER SA PERENNITE ?

Les élites russes sont traditionnellement très déconnectées des conditions socio-économiques de la population. Le marasme économique ne les impacte donc pas.

Sur le plan culturel, une « révolution de palais » serait une grande surprise pour tous les spécialistes de la Russie. Si ce type d’insurrection s’est produit dans l’Histoire russe – c’est ainsi que les tsars Pierre III et Paul Ier furent assassinés – les hauts dignitaires de ce pays ciblent toujours les dirigeants considérés comme faibles, et se sont montrés incapables d’éliminer des hommes forts tels que Staline, ou Ivan le Terrible.

Luc MICHEL (Люк МИШЕЛЬ)

* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
Géopolitique – Géoéconomie – Géoidéologie – Géohistoire – Géopolitismes – Néoeurasisme – Néopanafricanisme
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