Par Robert Stevens

Le gouvernement russe a accusé la Grande-Bretagne d’avoir joué un rôle majeur dans les explosions ayant frappé les gazoducs Nord Stream  1 et Nord Stream  2, le 26  septembre.

De puissantes explosions sous-marines ont fait des trous béants dans ces deux gazoducs, qui transportent du gaz naturel russe sur 1,408  Kilomètres sous la mer Baltique jusqu’en Allemagne. Ces gazoducs ont une capacité annuelle conjointe de 110  milliards de mètres cubes de gaz, soit plus de 50  pour cent du volume normal des exportations de gaz russes.

Carte des pipelines Nord-Stream [Photo par FactsWithoutBias1/CC BY-SA 4.0] [Photo by FactsWithoutBias1 / CC BY-SA 4.0]

Samedi, un porte-parole du ministère russe de la Défense a déclaré: «Selon les informations disponibles, des représentants de cette unité de la marine britannique ont pris part à la planification, à la fourniture et à la mise en œuvre d’une attaque terroriste en mer Baltique le 26  septembre dernier, faisant exploser les gazoducs Nord  Stream  1 et Nord  Stream  2.»

Ces explosions ont détruit des dizaines de milliards de dollars d’infrastructures essentielles au financement de l’économie russe, ainsi qu’à l’alimentation de l’industrie et au chauffage des ménages européens. La société énergétique publique russe Gazprom est le principal propriétaire de ces gazoducs. Les fuites ont eu lieu dans les eaux internationales, mais sur les quatre explosions, deux se sont produites dans la zone économique exclusive du Danemark et deux dans la zone suédoise, près de l’île de Bornholm, en mer Baltique.

Nord  Stream  1 est exploité depuis près de 11  ans, tandis que Nord  Stream  2 contient du gaz, mais n’a pas encore été mis en service commercial, en raison des pressions exercées par Washington sur l’Allemagne et d’autres pouvoirs de l’UE.

Le porte-parole russe a également allégué l’implication du Royaume-Uni dans les attaques de samedi contre des navires russes en mer Noire. «A 4h20 aujourd’hui, le régime de Kiev a mené une attaque terroriste contre des navires de la flotte de la mer Noire et des navires civils», a-t-il déclaré.

«La préparation de l’acte terroriste et la formation du personnel militaire de l’unité marine du  centre ukrainien d’opérations spéciales 73 ont été effectuées sous la direction de spécialistes britanniques qui se trouvaient dans la ville d’Ochakiv, dans la région de Mykolaiv, en Ukraine».

«Il convient de souligner que les navires de la flotte de la mer Noire qui ont subi l’attaque terroriste participent à la sécurité du corridor céréalier, dans le cadre de l’initiative internationale d’exportation de produits agricoles à partir des ports ukrainiens».

Le ministère britannique de la Défense a démenti les accusations, affirmant qu’elles étaient lancées pour détourner l’attention de la «gestion désastreuse de l’invasion illégale de l’Ukraine» par la Russie.

La déclaration de la Russie intervient après des semaines d’insinuations de la part de la Grande-Bretagne et d’autres alliés de l’OTAN que l’explosion de son propre pipeline était un acte de sabotage de sa part. L’incident a été utilisé pour intensifier les hostilités entre l’OTAN et la Russie, l’activation de l’article  5 de la clause de défense collective de l’OTAN étant évoquée.

Le porte-parole du département d’État américain, Ned Price, a déclaré quelques jours après les explosions qu’une réponse au titre de l’article  5 ne pouvait être exclue. Il a ajouté: «Je répète que nous avons été en contact avec nos alliés et partenaires européens au sujet de l’apparent sabotage du gazoduc Nord Stream. Nous soutenons les efforts européens pour enquêter sur cette affaire».

Avant la réunion des ministres de la Défense de l’OTAN début octobre, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg avait menacé: «Toute attaque délibérée contre les infrastructures critiques des Alliés ferait l’objet d’une réponse unie et déterminée… Nous avons doublé notre présence en mer Baltique et en mer du Nord, qui compte désormais plus de 30  navires, soutenus par des avions de patrouille et des capacités sous-marines». Il avait promis des «mesures supplémentaires» pour protéger les infrastructures occidentales et déclaré: «Nous ne renoncerons jamais au privilège de définir exactement où se situe le seuil de l’article  5. Ce sera une décision que nous prendrons en tant qu’alliés en tenant compte du contexte précis».

La propagande disant que la Russie était un danger imminent pour la sécurité et l’infrastructure énergétique de l’OTAN allait bien avec les affirmations qu’une «puissance étrangère» – et tout le monde sait que cela signifie la Russie – aurait saboté le réseau ferroviaire allemand, interrompant le trafic ferroviaire dans tout le nord de l’Allemagne, le 8  octobre. Deux câbles essentiels au fonctionnement du réseau avaient été coupés en deux endroits. Visitant les troupes allemandes en Lituanie, la ministre de la Défense, Christine Lambrecht, a demandé à l’OTAN de renforcer la sécurité contre la Russie. «Le fait est que nous, l’OTAN, devons faire davantage pour notre sécurité commune, car nous ne pouvons pas savoir jusqu’où peut aller la folie des grandeurs de Poutine», a-t-elle déclaré.

Du point de vue de qui profite, l’accusation que la Grande-Bretagne est responsable ou a joué un rôle essentiel dans le sabotage de Nord Stream est bien plus crédible que les allégations que la Russie a rendu inutilisables des dizaines de milliards de dollars d’infrastructures clés qu’elle a développées pendant près de trois décennies depuis 1997.

Bien avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, des navires britanniques ont participé à des provocations majeures contre la Russie en mer Noire. En juin 2021, un navire de guerre britannique a pénétré dans les eaux revendiquées par la Russie près de la Crimée. En réponse, un patrouilleur frontalier russe a tiré plusieurs coups de semonce et un avion de chasse russe a lancé des bombes sur la trajectoire du destroyer britannique HMS Defender.

Le destroyer de type  45 HMS Defender quitte la base navale de Portsmouth le 1er  mai 2021 pour des exercices en Écosse, avant d’être déployé en Méditerranée, en mer Noire et dans la région indo-pacifique dans le cadre du Carrier Strike Group  21 dirigé par le Royaume-Uni. Sept semaines plus tard, le 23  juin 2021, le HMS Defender était impliqué dans une provocation majeure avec les forces armées russes en mer Noire. [Photo : WSWS] [Photo: WSWS]

Depuis 2019, la Royal Navy et les forces d’autres pays de l’OTAN dirigées par les États-Unis ont mené une série d’opérations dans la région de la Baltique. Le 25  juin 2019, la Royal Navy communiquait : «Un groupe expéditionnaire dirigé par la Grande-Bretagne et comprenant les États baltes mènera une série d’activités militaires intégrées dans leur partie de l’Europe du Nord». L’expertise de la Grande-Bretagne en matière d’opérations maritimes dans la Baltique qu’elle n’aurait eu aucun problème à désactiver Nord  Stream. «Des raids amphibies secrets, des embuscades urbaines et des entraînements à la lutte anti-mine marqueront la troisième phase, riche en action, de l’exercice “Baltic Protector” où plus de 3.000  soldats et 16  navires britanniques sont actuellement déployés», poursuivait Le communiqué.

Deux jours seulement avant que la Russie n’envahisse l’Ukraine, le ministre de la Défense, Ben  Wallace, avait annoncé, à l’issue d’un sommet de la Force expéditionnaire conjointe (JEF) dirigée par les Britanniques – comprenant le Danemark, l’Estonie, la Finlande, l’Islande, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède – «nous avons… convenu d’entreprendre une série d’activités militaires intégrées dans notre partie de l’Europe du Nord, en mer, sur terre et dans les airs». Wallace a ajouté: «Par exemple, nous allons bientôt effectuer un exercice qui va démontrer la liberté de mouvement des nations JEF dans la mer Baltique».

En juin, trois mois seulement avant que les explosions ne frappent les deux gazoducs, l’OTAN menait son exercice BALTOPS  22, où la Grande-Bretagne a joué un rôle majeur. Selon l’OTAN «quatorze alliés de l’OTAN, deux pays partenaires de l’OTAN, plus de 45  navires, plus de 75  avions et environ 7.000  personnels» y participaient. Selon la Royal Navy «le destroyer HMS Defender fournit puissance de feu et technologie de pointe, alors que six des plus petits navires de l’inventaire de la Royal Navy – Archer, Charger, Explorer, Exploit, Ranger et Smiter – fournissent la vitesse, l’agilité et le nombre, nécessaires pour essaimer autour des participants à Baltops  22». Le HMS Defender était le destroyer impliqué dans le face-à-face de juin 2021 près de la Crimée.

L’affirmation que c’est la Russie qui a détruit les pipelines sont une deuxième corde importante de la propagande de l’OTAN contre Moscou et renforce l’assertion qu’une attaque nucléaire russe est la principale menace pour le monde ; ce qui permet une escalade de la guerre dans le domaine naval – où le Royaume-Uni joue déjà un rôle de premier plan.

Le 3  octobre, quelques jours après les attaques contre Nord  Stream, la Royal Navy a envoyé une frégate en mer du Nord. Ce navire devait collaborer avec la marine norvégienne «pour rassurer ceux qui travaillent à proximité des gazoducs». Wallace a déclaré au moment de l’opération et à nouveau après avoir rencontré la JEF, «le groupe a condamné les attaques flagrantes contre les infrastructures civiles».

La Grande-Bretagne allait acquérir deux navires spécialisés pour protéger les câbles et tubes sous-marins et le premier «navire d’enquête multi-rôle pour la guerre des fonds marins» serait opérationnel d’ici la fin de 2023, avait-il ajouté.

(Article paru d’abord en anglais le 31 octobre 2022)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

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