Par Me Maurice Buttin

Le 27 septembre dernier, le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, est intervenu à l’ONU, dans le cadre de l’Assemblée générale annuelle de cette vénérable institution. Pour la première fois, un chef de gouvernement israélien réussissait la prouesse de ne pas utiliser les mots de « Palestine » ou « Palestiniens ». L’essentiel de ses propos a porté, sur les menaces, quasi existentielles selon lui, de l’Iran et de ses « milices », le Hezbollah, le Hamas et le Djihad islamique, qui « encerclent » Israël…

« Benyamin Netanyahou a travaillé durant toute sa carrière à marginaliser la question palestinienne (…) mais, même lui, n’avait pas oser écarter les Palestiniens de ses discours à l’ONU. Bennet l’a fait, car il sait qu’à part    certains politiciens et experts de gauche tout le monde s’en fiche à l’étranger comme en Israël » à noter le journaliste Anshel  Pfeffer, dans le journal de gauche israélienne Haaretz.

Agissant de la sorte, Bennett confirmait ses prises de position.  Ministre de l’Education, de 2015 à 2019, dans les gouvernements présidés par Netanyahou, il n’hésitait pas à affirmer : « Il ne va pas y avoir d’Etat palestinien dans le minuscule pays d’Israël ». Plus récemment, nouveau Premier ministre, depuis le 13 juin 2021, il déclarait dans une interview accordée au New York Times : « Ce gouvernement n’annexera pas les territoires, mais, il ne créera pas non plus d’Etat palestinien ».

Bennet n’est pas le seul dirigeant israélien a parlé de la sorte. Ainsi, par exemple, Silvan Shalom, vice-Premier ministre, et ministre de l’Intérieur dans le 4ème gouvernement Netanyahou affirmait : « Nous sommes tous contre un Etat palestinien, cela ne fait aucun doute », ou Ayelet Shaked, ministre de la Justice dans ce même gouvernement, s’exprimant dans une conférence à Washington : « Nous sommes contre un Etat palestinien, il n’y a pas et il n’y aura jamais un Etat palestinien ». Ou encore, le Ministre de l’Immigration et de l’Intégration Ze’ev Elkin : « Je m’oppose à un Etat palestinien pour beaucoup de raisons ».

Si Israël n’annexe pas – ou pas encore – partie de la Cisjordanie occupée, il y poursuit régulièrement sa politique d’extension de colonies de peuplement, colonies illégales au regard du droit international.

Quant à Jérusalem, « capitale éternelle d’Israël », les démolitions de maisons palestiniennes y sont fréquentes et l’extension de la ville est constante. Ainsi, ces derniers jours, la municipalité israélienne a décidé la construction de 10 000 logements dans une nouvelle colonie, bâtie sur les terres de l’ancien aéroport international de Jérusalem, Atarot, abandonné depuis l’occupation de la Palestine en 1967. Le plan comprend également la démolition de dizaines de logements palestiniens construits dans la région au cours des années. Bennett s’oppose au projet du Président étasunien, Joe Biden, d’ouvrir un consulat palestinien à Jérusalem-Est. « Jérusalem est la capitale d’Israël, pas d’un autre Etat ».

Pendant ce temps, les gouvernements occidentaux se contentent de « mettre en garde », de « s’inquiéter », de se « préoccuper », voire d’« exiger » ou de « condamner » les décisions israéliennes… mais, sans jamais envisager la moindre sanction – ce qu’ils n’hésitent pas faire contre la Russie, la Corée du Nord, la Syrie, etc.

Un exemple : le 6 mai dernier, les porte-parole des ministères des Affaires étrangères de la France, l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie et du Royaume Uni ont « demandé instamment au gouvernement d’Israël de revenir sur sa décision de procéder à la construction de 540 nouvelles unités de logements dans la colonie de Har Homa en Cisjordanie occupée, et de mettre un terme à sa politique d’extension des colonies de peuplement dans les territoires occupés. Les colonies sont illégales au regard du droit international et font peser une menace sur les perspectives du règlement pacifique du conflit israélo-palestinien ». Le Premier ministre israélien de l’époque, B. Netanyahou leur a sèchement répondu : « Jérusalem est la capitale d’Israël et nous continuerons à y construire », en insistant : « Jérusalem est la capitale éternelle du peuple juif depuis des millénaires ».

La France pour sa part maintient son éternelle politique. Le ministre de Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian m’écrivait voici quelques semaines : « Vous avez appelé mon attention sur le « risque d’apartheid en Israël » (ce qu’il avait dit) et sur la reconnaissance de la Palestine. L’escalade de violence survenue au cours du mois de mai a de nouveau montré que le règlement du conflit israélo-palestinien sur la base de la solution des deux Etats reste indispensable pour établir une paix durable dans la région. Sans véritable processus politiques entre les parties, les mêmes causes produiront les mêmes effets et les cycles de violence se répèteront. (…) Pour cette raison, toutes les mesures unilatérales qui contribuent à saper la confiance entre les peuples et remettent en cause la solution des deux Etats constituent un motif particulier de préoccupation. La France est déterminée à jouer pleinement son rôle pour contribuer aux efforts visant à trouver une solution juste et durable au conflit ».

Si l’analyse de la situation est pertinente, la fin du propos est consternante. Des mots, toujours des mots, dont se moquent éperdument les dirigeants israéliens… et cela depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948 !

MAIS IL Y A ENCORE DES PALESTINIENS !

Le 13 octobre, le député d’extrême droite du parti sioniste religieux, Bezalel Smotrich, s’exprimant à la Knesset, sur un projet de loi controversé proposé par l’opposition, a réaffimé la nécessité de maintenir Israël en tant qu’Etat juif. Interpellé par plusieurs députés arabes, Smotrich a répliqué : « Je ne vous parle pas, antisionistes, partisans du terrorisme, ennemis (sic !). Vous êtes ici par erreur, c’est une erreur que David Ben Gourion – le 1er Premier ministre d’Israël – n’ait pas terminé le travail et ne vous ait pas jetés dehors en 1948 ».

Le groupe de réflexion Al-Shabaka (« le réseau ») a publié au mois d’août un très long et intéressant dossier intitulé « La répression de la résistance palestinienne », notant en chapeau que suite au « déclenchement de l’Intifada de l’Unité en mai 2021, la trajectoire de la résistance palestinienne connaît une phase décisive marquée par de nouveaux acteurs et thèmes ».

Je relève entre autres :

« Ces décennies ont été caractérisées par des déplacements forcés ininterrompus, le vol de terres, l’emprisonnement, l’asservissement économique et la maltraitance brutale des Palestiniens. Ils ont également été soumis à un processus délibéré de fragmentation, non seulement sur le plan géographique – par des ghettos, des bantoustans et des camps de réfugiés – mais aussi sur le plan social et politique. 

Pourtant, l’unité constatée au cours des deux derniers mois – lorsque les Palestiniens de toute la Palestine colonisée, et parmi eux des Palestiniens de nationalité israélienne dans des villes comme Haïfa, Jaffa et Lyod, se sont mobilisés dans une lutte commune pour Sheikh Jarrah – a remis en question cette fragmentation, à la surprise du régime israélien et de l’Autorité palestinienne. En effet, une mobilisation populaire de cette ampleur n’avait pas été vue depuis des décennies (…)

Tout au long de ce soulèvement, la violence des forces du régime s’est accompagnée d’attaques et de lynchages de citoyens palestiniens par des bandes armées de colons israéliens, ainsi que de raids et de destructions de maisons, de véhicules et de commerces palestiniens. 

Cependant, ce sont les manifestations de plusieurs jours dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa qui ont dominé dans les médias internationaux (…). 

À la suite de cet assaut et des tentatives de nettoyage ethnique du régime israélien dans la Jérusalem palestinienne, le gouvernement du Hamas à Gaza a riposté en lançant des roquettes sur la ville. Israël a répondu par plus de dix jours de bombardements intensifs sur Gaza, qui ont finalement tué 248 Palestiniens, dont 66 enfants. (…)

Le 18 mai, les Palestiniens ont appelé à une grève générale, sans doute l’une des plus grandes manifestations d’unité collective depuis des années. (…) Elle a connu une large participation et a été particulièrement importante pour les Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne, qui ont ainsi rappelé une fois de plus leur lien avec les Palestiniens de Gaza et de Jérusalem – et leur lutte commune avec eux. (…).

Etant donné la mobilisation de masse à travers la Palestine colonisée et le renouveau du regroupement populaire face à la fragmentation, ce nouveau soulèvement a été surnommé “l’Intifada de l’unité” ».

Me Maurice Buttin est Président honoraire du Comité de Vigilance pour une Paix réelle au Proche-Orient. Il est membre des C.A. de « Pour Jérusalem », des « Amis de Sabeel-France », de « Chrétiens de la Méditerranée » et membre de l’AFPS 14

Source : France-Irak actualité
https://www.france-irak-actualite.com/…