Par Chems Eddine Chitour

«La guerre, c’est des gens qui ne se connaissent pas et s’entre-massacrent pour le bénéfice de ceux qui se connaissent mais ne se massacrent pas.»
«Quand le dernier arbre aura été abattu — Quand la dernière rivière aura été empoisonnée — Quand le dernier poisson aura été pêché — Alors on saura que l’argent ne se mange pas.»
(Geronimo)

Résumé
Nous vivons des temps difficiles. Cette année 2022 est l’année de toutes les peurs et où la condition humaine joue sa survie pour avoir déclaré la guerre à la Terre, notre alma mater. Cette Gaïa que le néolibéralisme refuse de considérer comme un être vivant qu’il faut respecter. La deuxième violence est celle d’un monde occidental qui se croit investi d’une mission divine, celle de la destinée manifeste ou du White Man’s Burden (le Fardeau de l’homme blanc) qui l’autorise à dicter au nom du «toujours plus» la norme du bien et du mal. L’Occident s’accroche à une vision passéiste qui lui permettait de dicter la norme du bien et du mal des libertés qu’il bafoue allègrement allant jusqu’à imposer la démocratie aéroportée, se permettant, dans son aventure coloniale, de nous faire bénéficier des lumières grâce à l’éclairage du napalm, comme ce fut le cas au Vietnam et en Algérie. Nous avons connu l’American Way of Life avec Neil Armstrong et sa phrase culte : «It’s one small step for man, one giant leap for mankind.» (Un tout petit pas pour l’homme mais un pas de géant pour l’humanité). Nous écoutons Neil Armstrong qui nous parle à partir de la Lune !»(1)
Nous connaissons depuis l’American Way of War «raconté par Russel F. Weigley d’un Occident sûr de lui et dominateur et qui est condamné à évoluer. Ce temps est passé, mais l’accouchement du nouveau monde se fera dans la douleur. Le multilatéralisme est inévitable mais le monde unipolaire s’accroche en vain. A juste titre, Antonio Gramsci écrivait, dans les années trente : «Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres.» Nous y sommes et nous devons être attentifs aux évènements qui s’accélèrent du fait du Covid, qui reprendrait du service, et surtout de la débâcle climatique reléguée au second plan.

Introduction
La violence au temps de la préhistoire est un sujet de controverse chez les anthropologues et les archéologues. Les uns estiment qu’à cette époque la guerre est rare ; les autres qu’elle ne l’est pas. Les premiers sont les disciples de Rousseau et de son bon sauvage ; les seconds de Hobbes et de sa célèbre maxime, «L’homme est un loup pour l’homme». Pendant de nombreuses années, la conception des premiers domine dans les cercles universitaires. On considère l’homme comme naturellement bon. Peu à peu, cette vision évolue. (…) L’étude des sociétés primitives indique également que les échanges sont sources de conflits et que la violence est souvent la réponse à un échange perçu par l’une des parties comme inégal.(2)

Le pétrole et le gaz au cœur des conflits
Graduellement, dans les pays développés occidentaux, l’État confie le destin énergétique du pays à des multinationales. Tout commença comme on le sait avec la Standard Oil qui, de 1870 à 1911, était l’empire industriel de John D. Rockefeller et associés, contrôlant la quasi-totalité de la production, de la transformation, de la commercialisation et du transport du pétrole aux États-Unis. Parallèlement, d’autres pays créèrent la BP, la Royal Dutch et la CFP. Avec le temps, le cartel des sept sœurs contrôla le pétrole mondial avec fixation des prix, jusqu’à l’avènement, le 5 septembre 1960, de la création de l’Opep puis de l’AIE par les Américains chargée de combattre l’Opep. «Le contrôle total sur le pétrole par les grandes firmes est une mainmise plus puissante que n’importe quelle armée ou n’importe quel gouvernement […] les trusts préparent les terrains, lancent les guerres. » Le pétrole est le produit le plus « conflictogène» de l’économie mondiale depuis le début du XXe siècle.
Indispensable au développement, à la croissance, au commerce, il est la matière première la plus convoitée du monde. Sans pétrole, pas d’énergie. Sans énergie, pas de commerce, ni d’économie. Entre 1945 et 1995, il y aurait eu cent trente conflits majeurs et 40 millions de morts dus directement ou indirectement au pétrole et autres matières premières. Nul besoin d’être marxiste pour comprendre que l’histoire du pétrole est celle de l’asservissement de la politique à l’économie.(2)
«1989 est une année tectonique : la chute du mur de Berlin, suivie, deux ans plus tard, par la disparition de l’Union soviétique, marque la véritable fracture historique de ces trois dernières décennies. La guerre idéologique prend fin à l’avantage du néolibéralisme un cadre unique, celui de l’économie de marché. Même l’immense Chine, qui préserve son système politique communiste, accepte les règles du libre-échange. Mais ce ne sera pas la fin de l’histoire, comme le martelait à l’époque Francis Fukuyama : la lutte se déplace du territoire au marché et les multinationales défient les États. «Dans cette nouvelle mondialisation, l’économie devient le vecteur le plus actif de la puissance : la guerre économique est préférable à la guerre militaire. […] Washington déclare que sa priorité absolue est la défense de ses intérêts économiques. Plus rien ne s’oppose à l’Empire américain. Les nations et les peuples, dans leur écrasante majorité, continuent de développer des stratégies de dominance technologique, de développement industriel et de conquête commerciale.» Il est utile de montrer que la guerre économique n’est plus l’apanage du Nord : le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud s’intéressent également au concept d’intelligence économique.(2)
Brzeziński, conseiller à la sécurité nationale du Président Carter, énonce clairement l’enjeu que représente l’Europe pour les États-Unis dans sa quête de domination mondiale : « L’Europe deviendrait, à terme, un des piliers vitaux d’une grande structure de sécurité et de coopération, placée sous l’égide américaine et s’étendant sur toute l’Eurasie. Pour l’Amérique, les enjeux géostratégiques sur le continent Eurasien sont énormes […] L’Eurasie reste l’échiquier sur lequel se déroule la lutte pour la primauté mondiale. » Les Américains ne voient pas dans les nations européennes des partenaires, mais des « vassaux » pour reprendre là encore les termes de Brzeziński. Elle va les traiter comme tels, de la fin de la Seconde Guerre mondiale à nos jours. Elle déterminera leur périmètre de liberté et de mouvement dans une guerre sans nuance.(3)
C’est François Mitterrand qui, au crépuscule de sa vie, avait ce cri d’exaspération concernant la position de vassale vis-à-vis de l’Empire : «La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs, les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort, et pourtant une guerre à mort.»
Quels sont les perdants et les gagnants du chaudron ukrainien ?
Si l’on croit Foster Dulles, secrétaire d’Etat américain du temps de la guerre froide : «Le neutralisme est immoral.» C’est cette doctrine que l’Empire applique à ses vassaux européens les obligeant à détruire leur pays au profit d’une guerre qui ne profitera, en définitive, qu’aux Américains, comme l’a souligné le Président Poutine. Le terrain de lutte, l’Ukraine, en sortira démoli et il faudra des années pour qu’elle retrouve un minimum de vitalité. Avec une rare lucidité, Dominique de Villepin, ancien Premier ministre français dont le discours à la tribune des Nations Unies en s’opposant à l’aventure irakienne a été ovationné, intervenant à propos de l’Ukraine, met en garde contre l’esprit des croisades. Verbatim de ses déclarations : «Le concept d’Occident contre le reste du monde est dangereux. Il faut sortir de l’impérialisme de l’Occident qui casse le monde en deux. Nous voulons sortir de cette diabolisation du monde. Mon grand espoir est que l’Europe refuse le manichéisme et la tentation permanente du choc des civilisations. Nous n’avons pas toujours les mêmes intérêts que les Américains.»(4)
Après le Président Chirac et avec Sarkozy, la France s’est désarrimée de la politique d’indépendance du général de Gaulle concernant la Russie avec sa conviction d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural mais aussi la politique arabe pour la France qui est passée à la trappe depuis qu’Israël a réussi à tétaniser les pays occidentaux pour une dette ad vitam æternam. La guerre contre l’Irak a été déclenchée sans l’accord du Conseil de sécurité pour des ADM introuvables. Aucune sanction de l’Europe à l’encontre des États-Unis. La Russie est sanctionnée par une Europe vassale qui en rajoute pour plaire à l’Empire.

Paiement en roubles et sanctions : les guignols de l’UE capitulent !
Mar Rousset commente le recul de l’Europe qui accepte de payer en roubles : «L’UE se voit obligée d’autoriser les sociétés européennes acheteuses de gaz à ne pas respecter les sanctions qu’elle a mises en place : payer en euros ou dollars, mais pas en roubles ! Pourtant, les dirigeants de l’UE affirmaient que jamais au grand jamais ils n’accepteraient de payer le gaz en roubles. L’important pour la Russie est d’éviter la saisie des paiements en euros ou en dollars dans des comptes ouverts auprès des banques occidentales. C’est la raison pour laquelle le rouble a non seulement retrouvé son taux de change d’avant le 24 février 2022, mais il l’a même dépassé. Selon le journal italien La Repubblica, malgré la pantomime grotesque des guignols de l’UE, ‘’le gaz, à raison de 155 milliards de m3 en 2021, continuera à affluer de la Russie vers l’UE’’. Quant à la politique des sanctions contre le pétrole russe, c’est aussi le fiasco le plus complet ! Les divergences entre les pays européens sont très vives ! Le résultat provisoire des courses, c’est que la Russie gagne plus d’argent avec ses ventes de gaz et de pétrole qu’avant la guerre en Ukraine et va réorienter son secteur des hydrocarbures vers la Chine, l’Inde, les BRICS et les pays émergents. La Russie croule donc sous les excédents financiers. Ses profits avec la hausse du baril sur les marchés internationaux sont supérieurs à ce qui était anticipé dans les prévisions budgétaires russes.»(5)

La signification de la guerre au XXIe siècle
Des craquements se font entendre dans cet ordre prédateur des Occidentaux qui devait durer mille ans. Comme en 1980, les pays anciennement colonisés levaient la tête pour arracher leur indépendance d’un colonialisme dont les belles âmes d’un Occident qui dicte la norme se gargarisent d’une vision des droits de l’Homme à géométrie variable Thierry Meyssan écrit : «Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y a 77 ans, les Européens (sauf les ex-Yougoslaves) connaissent la paix sur leur sol. Ils découvrent la guerre avec horreur en Ukraine. Dès qu’elle s’enclenche, la guerre interdit les nuances. Elle somme chacun de se positionner dans un des deux camps. Il n’y a plus que des ‘’bons’’, nous, et des ‘’méchants’’, ceux d’en face. La propagande de guerre est tellement puissante qu’au bout d’un moment, plus personne ne distingue les faits de la manière dont ils sont décrits. L’homme est devenu un loup pour l’homme. La guerre cherche toujours à résoudre les problèmes que la politique a échoué à régler. La guerre ne se limite plus au champ de bataille. Il devient indispensable de conquérir les spectateurs. Ce ne sont plus des hommes qui s’affrontent, mais des systèmes de pensée. La guerre se globalise (…)»(6)

La fin de l’arrogance et l’avènement d’un monde du partage
Il ne faut pas penser que le déclin des civilisations est brutal. C’est un long délitement dû en partie à une perte des valeurs. Dans un rapport intitulé : «Le monde en 2025», la CIA constate une prise de conscience d’une nouvelle donne à la fois démographique, économique, financière et même, dans une certaine mesure, militaire. Pour la première fois, les Américains reconnaissent qu’ils ne seront plus les maîtres du monde. Les États-Unis sont constamment en alerte, surtout depuis la perte de leur suprématie économique. L’arrivée du 11 septembre fut du pain bénit. Le Satan de rechange tombait du ciel, l’Islam et le terrorisme. Ainsi furent organisées les expéditions punitives que l’on sait un peu partout semant le chaos, la destruction et la mort.(7)
Cependant, des craquements se font entendre, l’Empire est puissant mais il est exsangue sur le plan économique. Pour Ignacio Ramonet, «l’Empire n’a pas d’alliés, il n’a que des vassaux». Ce basculement inexorable concernant l’avenir du monde est rendu nécessaire. L’analyse lumineuse de l’ambassadeur singapourien, Kishore Mahbubani, décrit le déclin occidental : recul démographique, récession économique, et perte de ses propres valeurs. Il observe les signes d’un basculement du centre du monde de l’Occident vers l’Orient. «(…) Même si la politique coloniale européenne touchait à sa fin, l’attitude colonialiste des Européens subsisterait probablement encore longtemps. En fait, poursuit Kishore Mahbubani, celle-ci reste très vive en ce début de XXIe siècle. Souvent, on est étonné et outré lors de rencontres internationales, quand un représentant européen entonne, plein de superbe, à peu près le refrain suivant : ‘’Ce que les Chinois [ou les Indiens, les Indonésiens ou qui que ce soit] doivent comprendre est que…’’, suivent les platitudes habituelles et l’énonciation hypocrite de principes que les Européens eux-mêmes n’appliquent jamais. Le complexe de supériorité subsiste…»(8)
«Quand Mahbubani écrit que «le moment est venu de restructurer l’ordre mondial», que «nous devrions le faire maintenant», pour lui, l’Occident est dans l’incapacité de maintenir, de respecter et encore plus de renforcer les institutions qu’il a créées. Et l’amoralité avec laquelle il se comporte trop souvent sape davantage les structures et l’esprit de la gouvernance mondiale. «Le monde, écrit-il, a perdu pour l’essentiel sa confiance dans les cinq États nucléaires. C’est cette incapacité à exercer convenablement un leadership qui fait que l’Occident est aujourd’hui davantage le problème que la solution.(9)
«Les civilisations, disait Arnold Toynbee, ne sont pas assassinées, elles se suicident.» L’empire américain subit-il le même déclin que son prédécesseur britannique ? s’interroge l’historien Eric Hobsbawm. La suprématie navale fit la puissance de la Grande-Bretagne, la capacité de destruction par bombardement assure celle des États-Unis. Cependant, les victoires militaires n’ont jamais suffi à assurer la pérennité des empires (…) Quand l’ère des empires maritimes arriva à sa fin, la Grande-Bretagne sentit le vent tourner avant les autres puissances coloniales. Son pouvoir économique ne dépendant pas de sa puissance militaire, mais du commerce, elle s’adapta plus facilement à la perte de son empire. Les États-Unis comprendront-ils cette leçon ? Ou chercheront-ils à maintenir une domination globale par la seule puissance politique et militaire, engendrant ainsi toujours plus de désordre, de conflits et de barbarie ?»(10)

Xi Jinping appelle les BRICS à promouvoir le multilatéralisme
A l’autre bout du monde, le monde multipolaire pose ses jalons d’une façon apaisée et en étroite coopération. Ainsi, le Président chinois, Xi Jinping, a appelé jeudi les pays des BRICs à assumer leurs responsabilités en consacrant le multilatéralisme, dans un contexte mondial marqué par les menaces à la sécurité induite par la situation en Ukraine et la tendance prise par les États-Unis à exacerber la tension en Europe de l’Est. Lors d’un discours intitulé «Ensemble pour un nouveau chapitre de la coopération entre les BRICS», au 11e sommet des BRICS, qui regroupe le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, le chef d’Etat chinois a exhorté ces pays à travailler ensemble pour construire une communauté mondiale de sécurité pour tous. «Malgré cela, la paix et le développement restent le thème immuable de l’époque, l’aspiration des peuples de tous les pays à une vie meilleure reste inchangée, et la mission historique de la communauté internationale de poursuivre la solidarité et la coopération gagnant-gagnant reste identique (…)»(11)
Les négociations ont été clôturées par une déclaration commune des ministres des Affaires étrangères des BRICS en 25 points. Elle comprend un consensus sur le renforcement du rôle des économies émergentes dans la gouvernance mondiale inclusive, le soutien aux négociations Russie-Ukraine, la lutte contre le terrorisme et le contrôle des armements, ainsi que l’éventuelle expansion des BRICS. Le conseiller d’État et ministre des Affaires étrangères chinois Wang Yi a résumé la position commune des BRICS lors de la réunion en quatre aspects : notamment le maintien du multilatéralisme, la promotion du développement commun, le renforcement de la solidarité et de la coopération. Les experts chinois ont considéré la réunion et le consensus auquel elle a abouti comme la voix d’un large éventail de pays en développement, contrebalançant l’impact négatif des efforts de certains pays pour renverser la mondialisation et former des blocs politiques.»(12)
Contrairement au passé où les réunions des BRICS mettaient davantage l’accent sur le développement et la coopération économiques, les ministres ont confirmé un consensus sur de multiples questions liées à la sécurité. Ils ont par exemple exprimé leur soutien aux négociations entre la Russie et l’Ukraine, souligné que l’ONU devait continuer à jouer un rôle central de coordination dans la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes, appelant à l’adoption rapide de la Convention générale sur le terrorisme. Les voix des pays en développement sont souvent écartées par l’Occident, qui estime représenter l’ensemble de la communauté internationale, (…) Après le conflit entre la Russie et l’Ukraine, le monde est confronté au danger d’une nouvelle confrontation, d’une division et même d’une guerre nucléaire. Les États-Unis veulent isoler la Russie et déclencher une confrontation de type guerre froide.»(12)

Le monde multipolaire voulu par les non-alignés
Au monde unipolaire et dominé par l’Occident, écrit Alain Gresh, succède une nouvelle géopolitique marquée par la multiplication des acteurs influents. «La fin de l’arrogance», titrait l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, le 30 septembre, avec ce sous-titre : «L’Amérique perd son rôle économique dominant.» Quinze ans plus tard, nous entrons dans un «monde post-américain».(13)
Dans le même ordre et pour la première fois dans un conflit, les pays du Sud n’ont pas pris partie malgré les pressions. Dans une contribution «Quand le Sud refuse de s’aligner sur l’Occident en Ukraine», Alain Gresh explique la prudence de ces pays. L’attitude des monarchies du Golfe, pourtant alliées de Washington, est emblématique de ce refus de prendre parti : elles dénoncent à la fois l’invasion de l’Ukraine et les sanctions contre la Russie. Ainsi s’impose un monde multipolaire où, à défaut de divergences idéologiques, ce sont les intérêts des États qui priment. Si, au Nord, les voix discordantes sur la guerre en Ukraine restent rares et peu audibles tant une pensée unique en temps de guerre s’est à nouveau imposée, elles dominent au Sud, dans ce «reste du monde» qui compose la majorité de l’humanité et qui observe ce conflit avec d’autres lunettes. Sa vision a été synthétisée par le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), M. Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui regrette que le monde n’accorde pas une importance égale aux vies des Noirs et des Blancs, à celles des Ukrainiens, des Yéménites ou des Tigréens, qu’il «ne traite pas la race humaine de la même manière, certains étant plus égaux que d’autres». Il en avait déjà fait le triste constat au cœur de la crise de Covid-19. C’est une des raisons pour lesquelles un nombre significatif de pays, notamment africains, se sont abstenus sur les résolutions de l’Organisation des Nations Unies (ONU) concernant l’Ukraine — des dictatures bien sûr, mais aussi l’Afrique du Sud et l’Inde, l’Arménie et le Mexique, le Sénégal et le Brésil.(14)

Le climat s’emballe : des indicateurs qui annoncent l’Apocalypse
Avec toutes ces peurs qui sont de la responsabilité de l’homme, il faut ajouter une autre guerre, celle que fait l’homme à la nature et qui peut nous amener à la sixième extinction. «Quatre sonnettes d’alarme viennent d’être tirées par l’ONU sur le dérèglement climatique. Par la voix de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), qui publie ce mercredi 18 mai son «Etat du climat mondial en 2021», l’organisation internationale met en évidence les records battus par quatre marqueurs clés du changement climatique : les concentrations de gaz à effet de serre, l’élévation du niveau de la mer, la température et l’acidification des océans. Ce rapport est «une litanie lamentable de l’échec de l’humanité à lutter contre le dérèglement climatique», dénonce le chef de l’ONU, Antonio Guterres. «Le système énergétique mondial est brisé et nous rapproche de plus en plus de la catastrophe climatique», met-il en garde, exhortant à «mettre fin à la pollution par les combustibles fossiles et accélérer la transition vers les énergies renouvelables avant d’incinérer notre seule maison».(15)
«Le système énergétique mondial est brisé et nous rapproche de plus en plus de la catastrophe climatique», a mis en garde le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, sommant le monde de «mettre fin à la pollution par les combustibles fossiles et d’accélérer la transition vers les énergies renouvelables». En conférence de presse, le chef de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) Petteri Taalas, lui, s’est inquiété que la guerre en Ukraine avait éclipsé le changement climatique, qui «reste le plus grand défi de l’humanité».(16)
À l’heure actuelle, le niveau de la mer est d’environ 100 mm au-dessus de la normale, par rapport au début des années 1990. La température de l’océan a aussi atteint un niveau record l’année dernière. On apprend dans le rapport que les sept dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées dans le monde. L’année 2021 a d’ailleurs été l’une des plus critiques, avec une température mondiale moyenne d’environ 1,11°C au-dessus du niveau préindustriel. Début avril, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a prévenu dans un nouveau rapport que limiter la hausse de la température mondiale à 1,5°C est encore possible si les émissions mondiales de gaz à effet de serre plafonnent au plus tard en 2025.
413,2. C’est le nombre de parties par million de dioxyde de carbone dans l’air que le monde a atteint en 2020, un record jamais établi qui représente environ 149% des émissions qu’on observait avant l’industrialisation. Et ce chiffre semble avoir continué d’augmenter en 2021 et au début de 2022. Une étude du magazine scientifique The Lancet a révélé cette semaine que la pollution causait près de 9 millions de morts par an sur la planète. Sans surprise, les pays à faible et à moyen revenu sont ceux qui en subissent le plus les contrecoups, concentrant 92% de ces morts et la majeure partie des pertes économiques qui en découlent.(17)

Conclusion
Sans conteste, l’Europe est la grande perdante. Les États-Unis ont provisoirement redoré leur économie en siphonnant les commandes d’une Europe asphyxiée, prête à payer l’énergie du GNL américain extrait du gaz de schiste même au prix d’une démolition de l’environnement. De même, le complexe militaro-industriel va engranger des sommes exorbitantes par la vente d’armes. Par ailleurs et comme l’écrit Pepe Escobar : «La Russie est donc en train de gagner non seulement sur le plan militaire, mais aussi, dans une large mesure, sur le plan géopolitique – 88% de la planète ne s’alignent pas sur l’hystérie de l’OTAN. L’une des prochaines étapes clés sera l’élargissement des BRICS, qui coordonneront leur stratégie de contournement du dollar. Le «récit» occidental mythique sur les héros combattants de la liberté imposé depuis février par les médias de l’OTAN s’est effondré d’un seul coup.» (18)
Cette façon de faire de l’Occident est condamnée. À terme, on s’apercevra que les slogans creux des droits sont exclusifs de l’homme blanc en Occident — encore qu’il faille noter que même dans ces sociétés la fracture est totale entre les nantis et les pauvres. «À Beastly Century», «un siècle bestial» terme, utilisé par Margaret Drabble, pour décrire le XXe siècle. Il y eut en effet environ 231 millions de morts en 100 ans de guerres et de conflits. Tout ceci pour tenter de garder, en vain, la suprématie sur des hommes qui aspirent, quelles que soient leurs latitudes, à une égale dignité. Ce siècle sera assurément aussi celui de la guerre de tous contre tous et de la guerre contre la nature. C’est, en définitive, un déclin de la civilisation dans son ensemble. C’est l’heure du «chacun pour soi». Pourtant, l’humanité solidaire devrait aspirer à la paix évitant le partage du monde, militer pour un monde du partage, solidaire, qui lui permette de rendre la Terre vivable.(19)
C. E. C.

1.https://www.larousse.fr/encyclopedie/sons/Neil_Armstrong_le_21_juillet_1969_premiers_pas_sur_la_Lune/1102368
2.Ali Laidi Histoire mondiale de la guerre économique Editions Perrin 2017
3.https://www.ege.fr/sites/ege.fr/files/media_files/rapport_alerte_usa_2021.pdf
4.https://www.youtube.com/watch?v=KfZHXbsNQw
5.Marc Rousset https:// resistancerepublicaine. com/2022/05/20/paiement-en-roubles-et-sanctions-les-guignols-de-lue-capitulent/ 20 mai 2022
6. Thierry Meyssan Https:// www.voltairenet. org/article216840.html 17 mai 2022
7.Chems Eddine Chitour : Doxa occidentale Est-ce la fin d’une époque ? http: //www. lexpression.dz/categorie/8/2011-04-07.html
8.. K.Mahbubani : The Irresistible Shift of Global Power to the East, septembre 2008
9. Jean-Pierre Lehmann : Déclin de l’Occident et montée de l’Orient. Reseau Voltaire 2 09 2008
10. Eric Hobsbawm : «Du déclin des Empires» : Le Monde Diplomatique http: //www.monde-diplomatique.fr /2008/11/Hobswawm/16469
11.GlobalTimes https://reseauinternational. net/large -consensus-lors-de-la-reunion-des-brics-en-periode-de-turbulences-et-de-transformation/?
12.https://www.jeune-independant.net/xi-jinping-appelle-les-brics-a-promouvoir-le-multilateralisme/amp/ 19 mai 2022
13.. Alain Gresh http: //www.monde-diplomatique.fr /2008/11/GRESH/16455
14 Alain Gresh https://www.monde-diplomatique.fr /2022/05/GRESH/64659
15..https://www.20minutes.fr/planete/3292539-20220518-changement-climatique-quatre-marqueurs-cles-battus-records-2021-alerte-onu
16.Henri Ouellette-Vézina https://www. lapresse.ca /actualites/environnement/2022-05-17/rapport-de-l-onu-sur-le-climat/des-indicateurs-plus-eleves-que-jamais.php#
18.https://reseauinternational.net/la-russie-reecrit-lart-de-la-guerre-hybride/ 22 05 2022
19Chems Eddine Chitour .https:// www.legrandsoir. info/declin-de-sens-ou-declin-de-puissance-le-dilemme-de-l-occident.html

Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur

Source : Le Soir d’Algérie
https://www.lesoirdalgerie.com/…