Par Karine Bechet-Golovko

L’hystérie internationale provoquée par l’interpellation de Roman Protassevitch à Minsk, quand les autorités biélorusses ont fait poser l’avion de la Ryanair à destination de Vilnius, où le fondateur du canal NEXTA réside, pour éviter toute responsabilité pénale dans son pays suite à l’incitation à un coup d’Etat, est bien compréhensible. De quel droit la Biélorussie se permet-elle d’utiliser les méthodes exclusivement accordées aux pays du clan Atlantiste ? Si n’importe qui pouvait les utiliser, alors la suprématie serait perdue. Et le pouvoir aussi. Donc des sanctions doivent être adoptées.

Hier, les médias et les chancelleries occidentales sont parties en spirales ascendantes pour atteindre le firmament de l’indignation et de l’hypocrisie. Les faits sont assez simples. Roman Protassevitch, fondateur de Nexta, le canal qui organisait les manifestations contre Loukachenko en vue d’un coup d’Etat (appelons les choses par leur nom), était dans un avion de la Ryanair sur un vol Athènes-Vilnius. Différentes informations ont filtré, tout d’abord suite à un comportement agressif d’un des passagers, le conflit dégénérant, il a fallu poser l’appareil. Puis, finalement, suite à une alerte à la bombe, alors que l’avion se trouvait dans l’espace aérien biélorusse. Le pilote a été prévenu, il a pris la décision de poser l’appareil à Minsk, qui était l’aéroport le plus proche, et les autorités biélorusses ont envoyé un avion de chasse l’escorter pour lui apporter de l’aide en cas de besoin, selon la version officielle des autorités biélorusses.

Dans l’avion, Ô miracle, se trouve Roman Protassevitch, les autorités biélorusses étaient par ailleurs au courant depuis son embarquement. Et, par chance, aucune bombe n’a été trouvée après la fouille. Les passagers remontent à bord et vers 21h l’avion redécolle.

Roman Protassevitch, qui depuis novembre 2020 est sur la liste des personnalités convaincues de terrorisme, est interpelé et le Comité d’enquête biélorusse ouvre une enquête pour fausse alerte à la bombe, ce qui est passible de 5 années de prison.

Cette opération expresse ne plaît évidemment pas du tout à la communauté internationale, qui parle de piraterie aérienne, de terrorisme d’Etat, qui en appelle à des sanctions européennes, qui a une enquête internationale – fermée selon l’OTAN, ouverte pour d’autres. La Pologne et la France ont convoqué l’ambassadeur biélorusse, toujours la Pologne mais avec la Lituanie appellent à fermer l’espace aérien européen aux avions biélorusses. Bref, la colère et l’indignation montent, nos dirigeants ont leurs vapeurs. Les Etats-Unis assurent guider dans cette voie leurs amis européens. Amen, nous sommes sauvés !

Cette hystérie collective doit s’appuyer sur de la matière, sur l’illusion que la Biélorussie aurait pris en otage tous les passagers, comme si elle en avait eu l’intention – pour quoi faire ? Au-delà de l’absurdité, il y a une véritable imposture, gonflée par les médias, qui s’indignent d’un fait qu’ils considèrent comme premier – l’interpellation d’un opposant n’aurait jamais eu lieu avant, c’est une honte, un scandale, ce ne sont pas des méthodes de pays démocratique. Donc, la Biélorussie, si besoin est encore de le prouver, est un véritable monstre.

L’indignation de nos amis semble être aussi sélective que leur mémoire. Venons leur en aide
Kiev, 2016. Un avion de la compagnie aérienne biélorusse assure le vol Kiev-Minsk. Or, à son bord se trouve un opposant au Maïdan, bien connu des services spéciaux ukrainiens. Qu’à cela ne tienne, le pilote reçoit l’ordre de faire demi-tour et de revenir se poser à Kiev. Quand il demande pourquoi, il lui est répondu que s’il n’obéit pas, des chasseurs seront lancés pour le contraindre. L’avion revient, se pose, l’opposant Armen Martirossian est interpellé, ensuite l’avion repart. 
Strictement aucune indignation de la communauté internationale, les opposants au Maidan n’étant manifestement pas des figures dignes de l’intérêt de nos démocraties. Idem pour Snowden en 2013. Rappelez-vous, Morales en visite à Moscou laisse entendre qu’il pourrait récupérer Snowden. La France et le Portugal lui ferme leur espace aérien, l’avion officiel du Président bolivien est contraint militairement de se poser à Viennes. Un avion présidentiel, fouillé. Aucun scandale, tout le monde trouve ça normal.
La Biélorussie a finalement utilisé les précédents créés par « le monde libre et démocratique » de nos pays atlantistes. Ce monde démocratique maintenant s’indigne, car ses opposants, financés, formés, lui coûtent cher et ont encore du travail à faire. Loukachenko lui a renvoyé la balle, nos pays n’ont pas apprécié leur image peu reluisante, autant que la mise en danger de leur suprématie. Maintenant ils crient très fort et vont certainement adopter des sanctions, faute de ne pouvoir agir plus directement contre la Biélorussie en raison de la Russie.S’ils ne peuvent être les seuls au-dessus des lois, à pouvoir intervenir sur n’importe quel point de la planète, l’Atlantisme perd son pouvoir

Source : Russie politics
http://russiepolitics.blogspot.com/…