Par Scott Ritter

La visite du chef du Pentagone Austin en Israël est un rappel cinglant que quels que soient les objectifs politiques déclarés des États-Unis, Israël obtient presque toujours ce qu’il veut.

Par Scott Ritter

Scott Ritter est un ancien officier du renseignement du corps des Marines américains. Il a servi en Union soviétique comme inspecteur de la mise en œuvre du traité INF, auprès du Général Schwarzkopf pendant la guerre du Golfe et de 1991 à 1998 en tant qu’inspecteur des armes de l’ONU.

Source : RT, 12 avril 2021

Traduction : lecridespeuples.fr

Après une semaine de discussions fructueuses entre les parties au Programme d’action global commun –le JCPOA, mieux connu sous le nom d’accord nucléaire iranien– et les États-Unis (qui, depuis mai 2018, n’en font plus partie, et à ce titre siégeaient en tant qu’observateur), il semblait que les États-Unis et l’Iran s’étaient mis d’accord sur un résultat mutuellement accepté : la levée de toutes les sanctions liées au nucléaire imposées par les États-Unis en échange du retour de l’Iran au plein respect de ses obligations aux termes du JCPOA. Le diable était cependant dans les détails. Et à la fin de la semaine, il n’y avait pas de formule convenue concernant la séquence des événements concernant les mesures à prendre par les deux parties pour satisfaire à leurs exigences respectives. Il n’y avait même pas de calendrier.

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Alors que les diplomates s’efforçaient de trouver une solution acceptable pour toutes les parties, l’Iran a célébré samedi ce qu’il appelle la « Journée nationale de la technologie nucléaire », marquant onze ans de maîtrise du cycle du combustible nucléaire. Le Président iranien, Hassan Rouhani, a visité l’installation d’enrichissement d’uranium de Natanz, où il a inauguré une cascade de 164 centrifugeuses IR-6 pour la production d’uranium enrichi, ainsi que deux cascades d’essai contenant respectivement 30 centrifugeuses IR-5 et 30 IR-6S. Rohani a également supervisé le lancement des tests de ses centrifugeuses IR-9 de dernière génération, et a participé à une cérémonie marquant l’ouverture d’une nouvelle installation d’assemblage de centrifugeuses souterraines destinée à remplacer celle qui avait été détruite en juillet 2020 par une explosion qui a été attribuée à Israël.

Toutes les actions entreprises à l’installation d’enrichissement d’uranium de Natanz étaient des violations techniques du JCPOA. Cependant, l’Iran soutient que ses actions sont conformes à l’article 26 de l’accord, qui stipule que si les États-Unis imposent de nouvelles sanctions nucléaires à l’Iran, cet acte constituerait « des motifs (pour l’Iran) de cesser d’honorer ses engagements au titre du présent JCPOA en tout ou en partie. »

Les événements de samedi n’étaient que la dernière d’une série de mesures prises par l’Iran pour cesser de se conformer aux restrictions imposées en vertu des termes du JCPOA, qui –selon l’Iran– seraient « immédiatement réversibles » si les États-Unis se conformaient à nouveau à leurs obligations en vertu de l’accord.

Les mesures de Téhéran visaient à envoyer un signal aux négociateurs américains que le temps n’était pas de leur côté. Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’Iran exploitait à Natanz 5 060 centrifugeuses IR-1 de première génération et 348 centrifugeuses IR-2 de deuxième génération. La centrifugeuse IR-2 est environ quatre fois plus efficace que l’ancienne IR-1, tandis que les centrifugeuses IR-6 nouvellement installées sont dix fois plus efficaces.

Sans aucune contrainte, l’Iran serait en mesure de dépasser la soi-disant « fenêtre d’évasion d’un an » qui anime toute la logique des restrictions du JCPOA –à savoir le temps qu’il faudrait à l’Iran, une fois qu’il cesserait de se conformer aux restrictions imposées par l’accord, pour acquérir suffisamment de matières fissiles s’il décidait de produire une première arme nucléaire.

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Les activités de la « Journée nationale de la technologie nucléaire » de l’Iran ont coïncidé avec la visite du Secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin en Israël, où le programme nucléaire iranien et les négociations en cours concernant le JCPOA sont en tête de la liste des questions à débattre.

Dans une allocution prononcée dimanche aux côtés d’Austin, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a déclaré que la relation américano-israélienne « repose sur la confiance, qui s’est développée au fil de décennies de coopération », notant qu’Israël travaillera en étroite collaboration avec « ses alliés américains, pour garantir que tout nouvel accord avec l’Iran garantira les intérêts vitaux du monde et des États-Unis, empêchera une course aux armements dangereuse dans notre région et protégera l’État d’Israël. »

Pour sa part, le secrétaire Austin a réitéré la position de longue date des États-Unis selon laquelle Israël était un « partenaire stratégique majeur » dont les relations avec les États-Unis « sont au cœur de la stabilité et de la sécurité régionales au Moyen-Orient », concluant que « l’engagement des États-Unis envers Israël est durable et il est à toute épreuve. »

« La relation bilatérale que nous entretenons avec Israël est essentielle à la stabilité et à la sécurité régionales au Moyen-Orient et nous avons tous deux convenu que nous devons travailler en étroite collaboration pour renforcer le partenariat stratégique entre les États-Unis et Israël. » Lloyd Austin 

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Alors même que ces deux responsables exprimaient leurs assurances mutuelles de confiance et de fidélité, Israël complotait derrière le dos de ses alliés américains d’antan, menant une attaque secrète contre l’installation iranienne de Natanz.

Bien que le gouvernement israélien ne se soit pas officiellement attribué le mérite de l’attaque, les médias israéliens, citant des sources officielles du gouvernement, ont rapporté que le service de renseignement israélien, le Mossad, était à l’origine d’une cyberattaque qui a produit une grande explosion ; celle-ci a détruit le système électrique interne qui fournissait l’énergie à l’installation de Natanz, provoquant l’effondrement du plafond de l’une des principales salles de contrôle responsables de la surveillance et du fonctionnement des centrifugeuses iraniennes. Personne n’a été déclaré tué ou blessé à la suite de l’attaque, et aucun rapport n’a fait état de fuites de radiations ou d’autres dommages environnementaux.

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L’attaque aurait détruit un grand nombre de centrifugeuses IR-1, ainsi que de nombreuses centrifugeuses « avancées », très probablement les modèles IR-2 et IR-6. Des sources ont estimé que le programme d’enrichissement iranien serait retardé de neuf mois en raison des dégâts.

Selon des sources médiatiques iraniennes proches des services de sécurité du pays, un auteur « qui a causé la coupure de l’électricité » a été identifié, et les autorités iraniennes ont déterminé comment et pourquoi l’explosion s’est produite ; des mesures ont été prises pour « restaurer l’installation à pleine capacité. »

C’est là que réside le hic : l’Iran a indiqué qu’il remplacerait les centrifugeuses IR-1 détruites par des modèles « avancés » qui sont incompatibles avec ses obligations en vertu du JCPOA. Il a également indiqué qu’il déplacera sa capacité d’enrichissement avancée hors de Natanz, vers l’installation souterraine bunkerisée de Fordow.

Ces mesures reflètent une posture plus permanente et sont contraires aux assurances précédentes de l’Iran selon lesquelles chaque mesure qu’il prendrait en vertu de l’article 26 serait immédiatement réversible une fois que les États-Unis auront rejoint le JCPOA. Il s’agit très probablement du résultat souhaité par Israël –créer les conditions dans lesquelles l’Iran agirait d’une manière incompatible avec ses obligations au titre de l’accord, et rendant difficile, voire impossible, de respecter son engagement antérieur que chaque action prise en vertu de l’article 26 serait « immédiatement réversible ».

L’attaque présumée d’Israël contre Natanz est répréhensible à plusieurs niveaux. Si elle avait eu lieu un jour plus tôt, elle aurait pu tuer un grand nombre de techniciens supérieurs, de scientifiques nucléaires et d’hommes politiques qui se trouvaient sur le site pour célébrer la « Journée nationale de la technologie nucléaire ». Même si Israël a probablement programmé son attaque pour éviter un tel scénario, le fait que Tel-Aviv ait la capacité de mener une telle attaque donne à réfléchir.

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Si n’importe quel autre pays dans le monde attaquait une installation d’enrichissement d’uranium fonctionnelle opérant sous les garanties de l’AIEA, il serait condamné à juste titre et des mesures sévères seraient prises en représailles. Israël, cependant, opère sous l’égide de l’immunité diplomatique fournie par les États-Unis. En tant que tel, Israël est intouchable, quelle que soit la gravité de ses actions –même si, comme c’est le cas ici, elles empiètent sur les impératifs et les priorités diplomatiques et de sécurité nationale des États-Unis [aient auraient pu provoquer une catastrophe digne de Tchernobyl ou Fukushima].

Signe que l’attaque contre l’installation de Natanz n’a peut-être pas réussi à saboter les négociations américano-iraniennes sur le JCPOA, les États-Unis et l’Iran ont indiqué que les pourparlers à Vienne reprendraient cette semaine.

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L’Iran promet de répondre au « très mauvais pari » d’Israël
après l’acte de sabotage sur le site nucléaire de Natanz

Source : RT, 13 avril 2021

Traduction : lecridespeuples.fr

Le ministre iranien des Affaires étrangères a averti Israël qu’une attaque contre le site atomique de Natanz n’arrêterait pas le programme nucléaire du pays et leur fournira un levier supplémentaire dans les négociations pour relancer le JCPOA.

S’exprimant aux côtés de son homologue russe mardi, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a déclaré qu’Israël avait fait un « très mauvais pari » en sabotant le site nucléaire de Natanz.

Le Ministre des affaires étrangères a affirmé que la position de l’Iran dans la renégociation du Plan d’action global commun (JCPOA), l’accord de 2015 désormais abandonné limitant les ambitions nucléaires de Téhéran, avait été renforcée par le sabotage israélien. « Les Israéliens pensaient que l’attaque affaiblirait notre position dans les pourparlers de Vienne, mais au contraire, elle renforcera notre position », a déclaré Zarif.

Zarif a également déclaré que Natanz continuerait d’être un important site d’enrichissement nucléaire pour Téhéran. « Je vous assure que dans un avenir proche, des centrifugeuses d’enrichissement d’uranium plus avancées seront installées à Natanz », a-t-il déclaré. L’Iran a d’ores et déjà annoncé qu’il enrichirait dorénavant l’uranium à 60%, contre 20% auparavant. L’accord sur le nucléaire fixait le taux d’enrichissement maximum à 3.67%.

Zarif a remercié Moscou pour sa « position ferme contre le sabotage à Natanz » et a appelé Washington à revenir sans délai à ses engagements dans le cadre du JCPOA.

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La centrale nucléaire iranienne souterraine de Natanz a connu une panne de courant dimanche. Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Saeed Khatibzadeh, a qualifié le sabotage israélien présumé « d’acte contre l’humanité », car les dommages causés à l’usine auraient pu provoquer une catastrophe.

Israël n’a pas assumé la responsabilité de cet acte, mais les médias israéliens ont affirmé que le Mossad, l’agence de renseignement du pays, était derrière l’attaque.

L’Iran a également qualifié l’implication présumée d’Israël dans l’attaque du site nucléaire comme une tentative de provoquer Téhéran et de faire dérailler les pourparlers à Vienne, qui visent à ramener l’Iran et les États-Unis en conformité avec le pacte de 2015 que le Président Donald Trump a quitté unilatéralement en 2018. En cas de succès, des sanctions paralysantes contre l’Iran seraient levées.

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Source : Le Cri des Peuples
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