Par Lahouari Addi

Le président sortant américain vient d’annoncer sur Twitter que, grâce à lui, le Maroc reconnaît Israël, avec promesse des relations diplomatiques en perspective. En contre-partie, les USA reconnaissent la marocanité du Sahara occidental.

Trump se présente à l’opinion américaine comme le dirigeant qui est en train de faire reconnaître Israël par ses anciens ennemis, avec les récents accords passés avec les Émirats Arabes Unis et Bahreïn. Il annonce que d’autres États arabes suivront, notamment l’Arabie Saoudite.
Mais cette « normalisation » en cascade se base sur l’idée que le conflit israélien oppose des Juifs à des Arabes. La réalité est que ce conflit oppose des Israéliens à des Palestiniens, soutenus par des pays arabes. Il est vrai que ces reconnaissances de la part de monarchies vont priver les Palestiniens de ressources financières et diplomatiques.

Mais elles ne mettront pas fin au conflit en lui-même. Ce n’est pas parce qu’on neutralise ceux qui soutiennent les dominés que la domination disparaîtra. A y bien réfléchir, dans le long terme, ces reconnaissances rendent un mauvais service à Israël qui est encouragé à refuser la solution des deux États proposée par le roi Abdallah d’Arabie Saoudite en 2002. Que deviendront alors les millions de Palestiniens dans un seul État?

Il y a deux perspectives: soit un système d’apartheid qui, à la longue, isolera Israël des opinions publiques comme cela a été le cas pour l’Afrique du Sud, soit la citoyenneté israélienne aux Palestiniens, ce qui effacera le caractère juif de l’État créé en 1948. Cela rappelle le dilemme algérien de de Gaulle en 1958. Il avait compris que le rapport colonial n’était plus tenable avec une France qui se voulait démocratique et ouverte aux valeurs universelles. Or, accorder la citoyenneté française à des millions d’indigènes de la colonie comportait le risque démographique que 20 ou 30 plus tard, le premier ministre de la France s’appellerait Noreddine. Ne pouvant envisager cette perspective, il s’est rallié aux choix des deux États formulé par les nationalistes algériens.

Israël est confronté au même dilemme et il semble que sa classe politique est prisonnière du présent, sous-estimant les contradictions de la société coloniale et la dialectique de l’histoire. Que sera Israël dans 30-50 ans? Un État colonial qui aura tué des dizaines de milliers d’autochtones, ou un pays arabe avec une forte minorité non musulmane? Trump n’a pas perçu que Israël a le choix entre le scénario algérien ou le scénario sud-africain.
Il n’y a pas un troisième.

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