Par Bachar al-Assad

Ce deuxième extrait du discours du Président Bachar al-Assad à l’issue de sa prestation du serment constitutionnel pour un futur mandat, le 17 juillet dernier, est essentiel pour comprendre l’engagement de la politique syrienne envers l’Arabité et la Résistance, d’autant plus qu’une majorité de dirigeants et de partis arabes ont indiscutablement soutenu ne serait-ce que le « changement de régime », en s’associant avec une coalition occidentale féroce qualifiée d’internationale, contre la Syrie, son État, son peuple et son territoire. [NdT].

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Mesdames et Messieurs,

Aujourd’hui, nous faisons partie d’un monde en turbulence dont les pôles sont en conflit. Un conflit qui ne pourra s’apaiser tant que l’une des parties ne l’aura pas emporté ou qu’un rapport de force n’ait été atteint. D’ici là, notre monde restera  une jungle où il n’y a pas de place pour l’humanité et la morale.

Guerres directes ou par procuration, soutien au terrorisme, États faillis, peuples affamés, arène sans frontières ni règles avec nous en plein milieu et nulle part où aller pour y échapper ou prétendre à la neutralité ; le plus grand danger étant la guerre psychologique qui vise à dompter les peuples après démolition de leurs cultures et remodelage de leurs concepts.

Nous avons prouvé au cours de cette guerre que nous sommes un peuple dont on ne peut dominer la conscience, trafiquer l’identité ou rompre l’appartenance, que les peuples anciens vivent dans la réalité effective, non dans une réalité virtuelle et qu’en conséquence, ils ne se laissent pas programmer par des charlatans, ne perdent pas leur mémoire sous l’effet de virus trompeurs, ne tombent pas dans le piège d’une reddition gratuite sur les plateformes virtuelles.

Le but des guerres modernes est l’homme bien avant la terre. Celui qui bat l’homme gagne la guerre. Ainsi, Israël n’a pas gagné la guerre lorsqu’il a occupé la Palestine en 1948, mais s’en est approché lorsque certains Palestiniens et certains Arabes se sont imaginés que les concessions humiliantes restaurent les droits, et lorsque d’autres ont cru que la résistance est une habileté au lieu d’être d’un principe, un commandement à partir d’un hôtel au lieu d’un quartier général avancé, un combat sur un plateau de télévision au lieu d’une tranchée, une trahison inattendue d’un frère au lieu d’une frappe surprise sur l’ennemi.

L’ennemi gagne lorsque la majorité est convaincue que la résistance est un gros mensonge, que sa force est une illusion, que son pouvoir de dissuasion est une chimère, que son existence est un fardeau, que la prospérité de la patrie réside dans son aplaventrisme et son indépendance dans l’émancipation de soi-même, de son peuple, de son histoire et de son environnement. Autrement dit, l’ennemi gagne lorsque les concepts se retrouvent sens dessus-dessous.

Or, une partie du problème en Syrie et l’une des causes de la guerre sur la Syrie sont liées à cette inversion des concepts, elle-même liée au jeu terminologique dans lequel l’Occident s’est engagé depuis des décennies. Et, pour notre plus grand regret, nous, en cette région arabe, et d’autres au-delà de notre région, nous marchons avec eux vers le précipice que nous atteindrons lors de l’effritement des sociétés et du déclenchement de la guerre civile en leur sein. Il n’est donc pas possible de parler d’avenir ou de combattre un ennemi sans unifier nos propres concepts dans un cadre strictement patriote.

S’agissant de la Syrie, nous serons vaincus psychologiquement et intellectuellement si nous croyons que notre appartenance nationale se limite aux frontières politiques dessinées par l’occupant et qu’il ne nous reste qu’à présenter des excuses à ses descendants pour ce que nous avons pu dire contre lui durant le siècle passé. En effet, selon la pensée naïve et superficielle de certains, il aurait eu raison de nous séparer. Auquel cas, le lien entre Alep, Mossoul, Deraa, Ramtha, Damas, Beyrouth, Homs et Tripoli ne serait qu’une illusion née de notre imagination.

Nous serons vaincus si nous confondons arabité et gouvernements arabisés et si nous ne distinguons pas entre l’appartenance à l’arabité et l’arabisme politique sous sa forme actuelle. Auquel cas c’est inconsciemment que nous ferions de la trahison un synonyme de l’arabité.

Nous serons vaincus si nous pensons que l’arabité est une invention du même ordre que toute idée ou récit devenus une doctrine destinée à être remplacée lorsqu’elle n’est plus adaptée aux exigences de l’époque. Auquel cas nous oublions que l’appartenance est une réalité acquise par la naissance, puis par l’interaction avec la société du lieu de naissance, plutôt qu’un choix personnel dépendant de telle ou telle théorie volontairement adoptée.

L’appartenance ne se limite pas à une race, une religion, une confession ou un dialecte, tout comme elle ne se limite pas à un intérêt commun ou à une volonté, commune, une histoire ou une géographie, car l’appartenance est une conception civilisée et humaniste qui englobe tout ce qui précède.

Telle est notre conception de notre arabité et de son contenu civilisationnel et rassembleur, d’autant plus riche que la société se diversifie. Elle incarne la continuité entre les composantes civilisées du passé et les composantes sociales du présent, lesquelles fusionnent harmonieusement par l’intégration, sans dissolution, de toutes les composantes de la société.

En d’autres termes, c’est une arabité qui unifie l’appartenance tout en préservant les identités. Et cela, car toute patrie ou toute société a besoin d’une dénomination unique à condition qu’elle n’affecte aucune de ses composantes, qu’elles soient religieuse, confessionnelle ou ethnique.

Dire que la Syrie est arabe ne veut pas dire que tous ses citoyens sont arabes. L’arabité dont nous parlons n’implique pas l’abolition d’une quelconque composante de la société. Au contraire, nous pensons que la disparition de n’importe quelle composante la dévaloriserait et l’affaiblirait.

Lorsque, par méconnaissance de la Syrie, certains se contentent de souligner sa diversité, ils rejoignent ceux qui considèrent que nous aurions plusieurs dénominations ; ce qui revient à la partition de la patrie.

Par conséquent, l’arabité n’est pas une question d’opinion, d’accord ou de désaccord. C’est une question fatidique non seulement pour la Syrie mais aussi pour toute la région arabe. Tout ce qui s’est passé au cours des dernières décennies avait pour but la destruction de ce concept de l’arabité dans l’esprit des citoyens et des sociétés arabes avec tout ce qu’elles contiennent de composantes d’une grande richesse.

Nous perdons lorsque nous croyons que la distanciation est une politique et qu’elle découle assurément des troubles sévissant dans notre environnement.

Nous perdons lorsque nous croyons que les causes de ceux qui nous entourent n’ont rien à voir avec la nôtre. Et nous gagnons lorsque nous comprenons que la cause palestinienne est la plus proche de nous, que les Palestiniens sont nos frères, que notre engagement envers leur cause et leurs droits est ferme, non modifiable par les événements, les circonstances, les trahisons ou la duplicité des uns et des autres.

C’est là une question inséparable de notre engagement envers les nôtres au Golan, lesquels ont donné le plus bel exemple d’appartenance à la patrie et d’adhésion à leur identité arabe et syrienne, tout comme ils ont prouvé qu’ils resteront un obstacle épineux aux yeux des envahisseurs momentanés de leur terre jusqu’à son entière libération.

Mesdames et Messieurs,

La libération de nos terres encore occupées par les terroristes et leurs parrains turcs et étasuniens reste au premier plan. Jusqu’ici nous avons procédé par étapes successives : d’une part, pour laisser du temps à ceux qui veulent revenir vers la patrie ; d’autre part, pour laisser une chance aux démarches politiques des amis.

Lesquelles démarches visent à persuader les parrains du terrorisme d’abandonner leur approche et de convaincre les terroristes de se retirer des régions qu’ils occupent, afin d’éviter encore plus d’effusions de sang et de destructions. Cette politique a obtenu des résultats satisfaisants dans certaines régions et a échoué dans d’autres. Ce dernier fait n’a laissé qu’une seule solution, celle de l’intervention  de nos forces armées pour éliminer le terrorisme, libérer la population civile et imposer l’État de droit.

Nous continuerons à suivre cette politique pour libérer le reste de notre territoire en gardant à l’esprit que le Turc est perfide et que l’Étasunien est hypocrite.

Nous ne manquerons aucune occasion susceptible de sauver des vies, de réfuter les mensonges des ennemis et aussi, de dire notre confiance en nos amis, tels la Russie et l’Iran, lesquels ont eu le mérite de se tenir de notre côté et de peser grandement sur le cours de la guerre et la libération de nos terres, en plus du rôle de la Russie et de la Chine quant à la défense de la légitimité et du droit international.

Nous saluons tous les honorables patriotes du nord-est syrien pour s’être dressés face à l’occupant étasunien et avoir tenté de l’expulser alors qu’ils n’étaient pas armés, et aussi pour avoir affronté ses agents et ses mercenaires au prix de leur vie.

En revanche, nous n’oublierons pas que dans leur voisinage, certains détenteurs de passeports syriens qui avaient prétendu être prêts à faire face à l’agression turque se sont retirés consentants et serviles lorsqu’elle a eu lieu. Nous les voyons aujourd’hui s’en donner à cœur joie sous les yeux des Turcs, sur leur sol et dans leurs maisons. Ils ont donc poignardé leur patrie à deux reprises : la première lorsqu’ils ont prémédité de ne pas soutenir l’Armée nationale après avoir affirmé le contraire ; la seconde, lorsqu’ils ont fui devant l’agression. La première a été le prélude de la seconde et dans les deux cas, ils ont été la base et l’outil ouvrant la voie aux envahisseurs. Ce faisant, ils ont fait partie d’une pièce écrite et dirigé par le maître étasunien, chacune des parties ayant défini avec précision son rôle, ses positions sur le terrain, la marge de parole autorisée et même l’intensité de l’expression des sentiments de colère ou de satisfaction.

Dans ce contexte, nous affirmons le devoir constitutionnel, juridique et moral de l’État de soutenir toute forme de résistance, pacifique ou armée, contre l’occupant sur tout le territoire. Ce devoir est une obligation absolue, indépendante de toute autre considération, jusqu’à la libération totale du territoire et l’expulsion du dernier occupant comme du dernier terroriste.

Docteur Bachar al-Assad

Président de la République arabe syrienne

17/07/2021

Source : Vidéo de la Présidence syrienne [extrait : 1H – 1H27’]
https://www.youtube.com/watch?v=ATC54C4eiPo&t=2s

Traduction de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal

Source : Mouna Alno-Nakhal