Par Moon of Alabama

Par Moon of Alabama – Le 8 mai 2021

Yahoo a mis en première page un long article sur le meurtre, début 2020, du général iranien Qassem Soleimani et du chef de la résistance irakienne Abu Mahdi al-Muhandis.

« Comploter est difficile » : Le plan secret de l’administration Trump pour tuer Qassem Soleimani.

Cet article, basé sur des entretiens avec 15 responsables américains, en poste ou à la retraite, révèle de nouveaux détails sur l’assassinat de Soleimani, dont les longues délibérations de l’administration Trump sur l’assassinat du général iranien et d’autres hauts responsables et mandataires iraniens. Il dépeint une opération plus sophistiquée que l’on ne pensait et une longue liste de personnes potentiellement ciblées pour être tuées. Il décrit également des menaces à l’encontre de responsables américains suite à cette attaque, une information qui n’avaient pas encore été divulguée.

MoA a longuement parlé des conséquences de l’assassinat et la plupart de ce qui est dit dans l’article de Yahoo n’est pas du tout nouveau. C’est ce qui le rend suspect.

Soleimani et Muhandis pendant une bataille contre État Islamique

Récapitulons : Le 3 janvier 2020, des drones américains ont tué le général de division Qassim Soleimani, le célèbre commandant de la force iranienne Quds (« Jérusalem »), alors qu’il quittait l’aéroport de Bagdad où il venait d’arriver. Abou Mahdi al-Muhandis, le plus haut dirigeant des Forces de mobilisation populaire irakiennes, était venu le chercher et l’accueillir. Tous deux avaient prévu d’assister à Najaf aux funérailles des 31 soldats irakiens que les États-Unis avaient tués le 29 décembre à la frontière syro-irakienne, près d’Al-Qaim. Soleimani était également censé rencontrer le premier ministre irakien qui, à l’époque, faisait office de médiateur dans les pourparlers irano-saoudiens. Soleimani était porteur d’une lettre contenant la réponse iranienne à une précédente lettre saoudienne.

Suite à l’assassinat de Muhandis, le parlement irakien a décidé que toutes les troupes américaines devaient se retirer d’Irak. Les attaques contre les forces américaines encore présentes en Irak sont presque quotidiennes. Pour se venger de l’assassinat de Soleimani, l’Iran et son axe de résistance composé du Hezbollah, de la Syrie et d’Ansar Islam au Yémen ont décidé de faire partir tous les militaires américains du Moyen-Orient. Il s’agit d’un projet qui s’étend sur plusieurs décennies.

Presque rien de tout cela – à part le meurtre de Soleimani – n’est mentionné dans l’article de Yahoo. Il n’y a pas un mot sur Muhandis, son rôle en Irak ou les conséquences de sa mort. Il n’y a aucune mention du vote du Parlement irakien ou des attaques en cours contre les unités américaines en Irak.

Au lieu de cela, l’article met l’accent sur la collaboration présumée des Kurdes dans cet assassinat :

Fin décembre 2019, les opérateurs de la Delta Force et d’autres membres des opérations spéciales ont commencé à s’infiltrer dans Bagdad, par petits groupes. Des agents kurdes, qui ont joué un rôle clé dans la tuerie, avaient déjà commencé à infiltrer l’aéroport international de Bagdad à ce moment-là, en s’infiltrant comme bagagistes et autres membres du personnel. …
Les trois équipes de tireurs d’élite se sont positionnées à 600 ou 900 mètres de la « zone de mise à mort », la route d’accès à l’aérodrome, afin de trianguler leur cible lorsqu’elle quitterait l’aéroport. […] Un membre du Groupe de lutte contre le terrorisme (CTG), une unité d’élite kurde du nord de l’Irak ayant des liens étroits avec les opérations spéciales américaines, les a aidés à faire le point à distance. …
Après l’attaque, selon deux responsables américains, un agent kurde déguisé en policier irakien s’est approché de l’épave du véhicule de Soleimani, a pris des photos et a rapidement obtenu un échantillon de tissu pour confirmation ADN avant de s’éloigner et de disparaître dans la nuit.

Muhandis et Soleimani étaient vénérés par la majorité chiite d’Irak. La révélation de l’implication des Kurdes dans la mort de Soleimani pourrait avoir de lourdes conséquences pour les Kurdes irakiens.

Si les Kurdes étaient vraiment impliqués, pourquoi cette information a-t-elle été publiée ? Pourquoi l’information est-elle présentée dans un document qui est plus ou moins une récapitulation d’éléments déjà connus ? Quelles sont les motivations de ceux qui font ces révélations ?

Pour ma part, je n’y crois pas.

Qui a intérêt à (re)lancer une guerre civile ethnique en Irak ?

L’article de Yahoo aborde ensuite les conséquences de l’attaque :

L’Iran a réagi avec une fureur prévisible à l’assassinat de Soleimani en lançant des dizaines de missiles balistiques sur deux bases américaines en Irak. Bien que personne n’ait été tué, les responsables du Pentagone ont déclaré plus tard que plus de 100 militaires avaient subi des lésions cérébrales traumatiques.

Mais l’attaque à la roquette n’était qu’une « gifle », a déclaré l’ayatollah Ali Khamenei, le chef suprême de l’Iran, et ne représentait pas la totalité des représailles de l’Iran pour le meurtre. Les responsables et les experts américains pensent que l’Iran pourrait éventuellement tenter d’assassiner un haut fonctionnaire américain ou de commettre un attentat terroriste visant une installation américaine.

Les « responsables et experts américains » se pensent beaucoup plus importants qu’ils ne le sont en réalité. Le guide suprême iranien Ajatollah Khamenei, qui était extrêmement proche de Soleimani, a fait savoir qu’il n’y a personne du calibre de Soleimani dans les rangs américains qui pourrait être éliminé par vengeance. Il n’y aura pas de campagne iranienne d’assassinat d’hommes politiques ou de chefs militaires américains.

La crainte d’une telle situation ne fait que montrer que l’ancien secrétaire d’État Michael Pompeo, l’un des initiateurs de l’assassinat de Soleimani, n’est qu’un couard :

Dans le projet de loi de crédits signé par le président Trump dans les derniers jours de 2020, 15 millions de dollars ont été réservés pour fournir des services de protection aux « ex hauts fonctionnaires du Département d’État, ou retraités » qui « font face à une menace sérieuse et crédible de la part d’une puissance étrangère ou des agents d’une puissance étrangère » en raison du travail qu’ils ont effectué lorsqu’ils étaient en fonction.

La véritable deuxième partie de la vengeance, qui n’est pas encore arrivée, a été annoncée par le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah :

Qu’entendons-nous par juste châtiment ? Certains disent qu’il doit s’agir de quelqu’un du même niveau que Qassem Soleimani – comme le président des chefs d’état-major, le chef du @CENTCOM, mais il n’y a personne du niveau de Soleimani ou de Muhandis. La chaussure de Soleimani vaut plus que la tête de Trump, donc il n’y a personne que je puisse désigner pour dire que c’est la personne que nous devons cibler.

Une punition juste signifie donc la présence militaire américaine dans la région, les bases militaires américaines, les navires militaires américains, chaque officier et soldat américain dans nos pays et régions. L’armée américaine est celle qui a tué Soleimani et Muhandis, et elle en paiera le prix. Voici l’équation. … La réponse au sang de Soleimani et d’Al-Muhandis doit être l’expulsion de toutes les forces américaines de la région.

Le général Esmail Qaani, remplaçant de Soleimani au poste de commandant de la brigade Quds, a confirmé la déclaration de Nasrallah :

Going Underground sur RT @Underground_RT – 00:14 UTC – Jan 6, 2020

Esmail Qaani, le nouveau chef de la force Quds de l’IRGC iranienne : « Notre promesse est de poursuivre le chemin du martyr Soleimani. En raison du martyre de #Soleimani, notre promesse est l’expulsion des États-Unis de la région, par étapes. »

Il ne s’agit pas de menaces vides mais d’un projet militaire qui se jouera dans les prochaines années. Je ne parierais pas sur les États-Unis comme vainqueur de cette guerre.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

Source : Le Saker
https://lesakerfrancophone.fr/…