Par Alex Lantier

Une semaine après le soulèvement armé des Palestiniens contre le blocus israélien de la bande de Gaza, des manifestations éclatent à l’international contre la guerre lancée par Israël sur l’enclave palestinienne.

Le régime fasciste de Benjamin Netanyahou a ordonné à 1,1 million de Palestiniens de fuir la ville de Gaza et de se diriger vers le sud, sur des routes bombardées par les Forces de défense israéliennes (FDI). Israël, qui a désormais coupé l’eau, le carburant et l’électricité de Gaza et dont les dirigeants qualifient les Palestiniens d’«animaux humains», mène contre les Palestiniens une guerre de génocide.

Alors que l’ampleur des crimes commis par le régime israélien et ses alliés de l’OTAN devient évidente, des manifestations éclatent dans le monde entier, désobéissant avec audace aux dénonciations des Palestiniens par les médias, à l’intimidation policière et aux interdictions de manifester.

La manifestation la plus importante a eu lieu vendredi à New York, où des milliers de personnes se sont rassemblées pour s’opposer à l’assaut lancé contre la Palestine, défiant ouvertement la propagande pro-israélienne incessante de l’ensemble de l’establishment politique américain et des médias d’entreprise. Dans le centre de l’impérialisme mondial, qui abrite la plus grande population juive de toutes les villes américaines, des masses de personnes — dont plus de 1.000 Juifs — ont exprimé leur dégoût face aux crimes qui se déroulent à Gaza.

D’autres manifestations réunissant des centaines de personnes ont eu lieu vendredi à Pittsburgh, Portland et Washington, et des manifestations plus importantes étaient prévues pour le week-end dans tous les États-Unis. Malgré les efforts des médias et des politiciens pour diaboliser toutes les manifestations contre la politique d’Israël en les qualifiant d’«antisémites» et pour isoler ceux qui éprouvent de la sympathie pour les Palestiniens, l’opposition se développe parmi les travailleurs et les jeunes de toutes origines. Un sondage réalisé en 2021 avait révélé qu’un quart des Juifs américains considèrent Israël comme un «État d’apartheid» hostile aux Palestiniens, un chiffre qui ne fera que croître.

Des milliers de personnes sont également descendues dans les rues de Londres vendredi, défiant la propagande et les menaces des médias et de l’establishment politique britanniques.

Une série de manifestations plus importantes a également eu lieu au Moyen-Orient, rassemblant des centaines de milliers de personnes. En Jordanie, des manifestations de masse ont exigé à Amman l’ouverture de la frontière jordanienne avec la Cisjordanie occupée par Israël. Les manifestants ont marché sur la frontière avec Israël, avant d’être refoulés par la police jordanienne.

D’importantes manifestations ont eu lieu à Sanaa et à Téhéran. Au Caire, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées devant la mosquée Al Azhar en scandant «Palestine libre». À Tunis, des milliers de personnes ont défié l’interdiction de l’État pour manifester leur soutien à Gaza. En Irak, un pays qui a perdu plus d’un million de vies après des décennies de sanctions, de guerre et d’occupation menées par les États-Unis depuis la guerre du Golfe de 1991, des centaines de milliers de personnes ont manifesté à Bagdad.

Les manifestants du Moyen-Orient s’opposent en fait à leurs propres gouvernements, qui trahissent les Palestiniens depuis des décennies, tout comme au régime israélien. Le rôle de la bourgeoisie arabe est illustré par la trahison de la dictature militaire égyptienne. Ayant signé un traité avec Israël en 1978, elle a fermé ses frontières aux Palestiniens qui tentaient de fuir Gaza.

En Israël même, malgré l’atmosphère politique ultra-réactionnaire entretenue par le gouvernement de Netanyahou, auquel s’est jointe l’opposition officielle, le mécontentement est explosif. Des millions de personnes ont participé aux manifestations organisées au début de l’année pour protester contre la tentative de Netanyahou de saper l’indépendance du pouvoir judiciaire. L’attaque contre le système judiciaire, comme l’a montré une lettre intitulée «Elephant in the Room», rédigée par 3.000 intellectuels majoritairement juifs, est intimement liée aux conditions qui ont conduit au soulèvement du Hamas:

Il existe un lien direct entre la récente attaque menée par Israël contre le système judiciaire et l’occupation illégale des Palestiniens dans le territoire palestinien occupé. Les Palestiniens sont privés de presque tous les droits fondamentaux, y compris le droit de vote et le droit de manifester. Ils font face à une violence constante: rien que cette année, les forces israéliennes ont tué plus de 190 Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza et démoli plus de 590 structures. Les groupes d’autodéfense des colons juifs brûlent, pillent et tuent en toute impunité…

Il ne peut y avoir de démocratie pour les Juifs en Israël tant que les Palestiniens vivent sous un régime d’apartheid, comme l’ont qualifié les experts juridiques israéliens. En effet, le but ultime de la révision judiciaire est de renforcer les restrictions visant Gaza, de priver les Palestiniens de l’égalité des droits tant au-delà de la ligne verte qu’à l’intérieur de celle-ci, d’annexer davantage de terres et de nettoyer ethniquement tous les territoires sous domination israélienne de leur population palestinienne.

Toutes les grandes puissances impérialistes sont démasquées par leur soutien à Netanyahou et à sa guerre contre les Palestiniens. Dimanche, les chefs d’État de la France, de l’Italie, de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne et des États-Unis ont promis un «soutien ferme et uni à l’État d’Israël» et une «condamnation sans équivoque du Hamas». Lors d’une conférence de presse au Qatar vendredi, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a réitéré son approbation des crimes israéliens.

Interrogé par un journaliste sur le fait qu’Israël «riposte dans la fureur» et que les États-Unis soutiennent cette démarche, Blinken a répondu avec totale hypocrisie et en double langage: «Ce que fait Israël n’est pas une riposte. Ce qu’Israël fait, c’est défendre la vie de son peuple. Je pense que n’importe quel pays confronté à ce qu’Israël a subi ferait probablement la même chose ».

Quel message les puissances de l’OTAN envoient-elles? Elles visent à créer à l’échelle mondiale une nouvelle ère de domination coloniale impérialiste. Elles n’acceptent aucune résistance au blocus illégal de Gaza par l’État israélien, qui dure depuis 16 ans, au refus de fournir de la nourriture et des médicaments à l’enclave appauvrie ou aux assassinats ciblés de ses habitants. Si ce front uni de gangsters impérialistes résumait en une phrase leur politique à l’égard du peuple palestinien, ce serait: «Esclaves vous étiez, et esclaves vous resterez».

Dans une vidéo affichée vendredi, dont les médias occidentaux n’ont pratiquement pas parlé, Basim Naim — un responsable du Hamas — a résumé le contexte de l’oppression israélienne qui a conduit à la rébellion du 7 octobre:

Nous parlons d’une occupation vieille de 75 ans qui a négligé et ignoré tous les moyens politiques et juridiques de régler le conflit alors que l’ennemi israélien poursuivait sa politique de négation de l’existence du peuple palestinien et de ses droits nationaux. Au cours des derniers mois et des dernières années, nous n’avons cessé d’avertir que la situation sur le terrain n’était pas tenable et que l’explosion n’était qu’une question de temps.

Nous avons mis en garde maintes fois contre les violations israéliennes continues de la mosquée «Al-Aqsa» et contre leur tentative de modifier le statu quo dans un plan apparent de division spatiale et temporelle de cette mosquée sacrée. Nous avons également mis en garde contre le terrorisme d’État mis en œuvre par les colons fascistes dans toute la Cisjordanie occupée. Nous avons mis en garde contre l’expulsion forcée de notre peuple de Jérusalem. Nous avons également mis en garde contre les crimes systématiques commis contre nos prisonniers, y compris les femmes et les enfants, dans les prisons israéliennes.

Enfin, nous avons mis en garde contre le siège israélien de Gaza qui dure depuis plus de 17 ans, un crime de guerre qui a transformé Gaza en plus grande prison à ciel ouvert du monde, où toute une génération a perdu toute forme d’espoir. Malheureusement, personne n’a écouté ces avertissements et la communauté internationale, en particulier les pays occidentaux, continue de couvrir Israël à tous les niveaux pour qu’il poursuive ses crimes.

En poursuivant leur guerre contre Gaza, le gouvernement israélien et les puissances impérialistes occidentales visent à effacer ce contexte historique et à endormir la population à l’aide d’une propagande à base d’atrocités.

Si la mort de civils israéliens est indubitablement tragique, les violences qui ont eu lieu s’inscrivent dans le contexte d’un peuple massivement opprimé se rebellant contre un oppresseur lourdement armé. Même si l’on acceptait tous les récits de violence palestinienne, cela ne ferait que soulever la question suivante: qu’est-ce qui a pu conduire à une telle violence?

L’histoire juge différemment la violence d’une population se soulevant contre l’oppression et le recours calculé au meurtre de masse par des machines étatiques capitalistes armées de vastes ressources militaires et financières. Les impérialistes ont toujours prétendu que la résistance des opprimés au colonialisme justifiait la férocité de leur vengeance. En exerçant cette vengeance, ils ont toujours dépeint les opprimés comme des sauvages et des meurtriers.

En 1899, les Boxers se sont révoltés contre la division de la Chine en sphères d’influence impérialistes. Invoquant les meurtres de missionnaires chrétiens et la saisie de biens étrangers par les Boxers, huit puissances impérialistes ont envoyé des armées pour mettre Pékin à sac et massacrer les Boxers. Les conflits croissants entre ces puissances sur le partage du butin en Chine ont finalement conduit à la sanglante occupation japonaise de la Chine dans les années 1930 et 1940, qui a coûté près de 20 millions de vies, provoquant la révolution de 1949 qui a mis fin à la domination coloniale sur la Chine.

En 1904, les Herero de Namibie se sont soulevés contre la domination coloniale allemande, tuant plus de 100 colons allemands. L’armée allemande a réagi en perpétrant le premier génocide du XXe  siècle contre les Herero ; ils les forcèrent à s’enfoncer dans les déserts où ils moururent de soif ou les emprisonnèrent dans des camps de la mort préfigurant les camps d’extermination du régime nazi. En 2015, les autorités allemandes ont officiellement reconnu le génocide et présenté des excuses officielles.

Le régime de Netanyahou et ses alliés impérialistes ont recours à des méthodes similaires contre Gaza. Mais les grandes luttes anti-coloniales du XXe siècle, qui ont éclaté après les révolutions russes de 1905 et d’octobre 1917, n’ont pas été menées en vain. Chez les masses de travailleurs et de jeunes à l’international, les méthodes barbares de Netanyahou suscitent l’indignation. Cette opposition grandira à mesure que l’ampleur monumentale des crimes planifiés et commis contre Gaza deviendra évidente pour des couches de plus en plus larges de travailleurs et de jeunes dans le monde entier.

L’autre justification des puissances de l’OTAN pour soutenir les crimes de Netanyahou, à savoir la défense des Juifs et la lutte contre l’antisémitisme, s’effondre. En réalité, elles soutiennent la campagne génocidaire de Netanyahou contre les Palestiniens dans le cadre d’une alliance étroite avec les descendants politiques des forces qui ont perpétré l’Holocauste.

Ils mènent depuis près de deux ans en Ukraine une guerre contre la Russie en alliance avec des néofascistes, comme le Bataillon Azov, qui saluent la mémoire de l’antisémite et collaborateur nazi Stepan Bandera. Les tentatives de l’OTAN de nier ce fait ou de le rejeter comme étant de la propagande russe se sont effondrées. Le mois dernier, le parlement canadien tout entier a ovationné le criminel de guerre nazi ukrainien de 98 ans Yaroslav Hunka, ancien membre de la Waffen SS.

Alors que les élites dirigeantes capitalistes tombent dans la barbarie, un mouvement de masse émerge dans la classe ouvrière internationale. Les manifestations contre l’impérialisme et le sionisme éclatent au milieu d’une montée des luttes de la classe ouvrière dans le monde. Des grèves contre l’exploitation, l’austérité, l’inflation et la violence policière ont secoué toutes les grandes puissances impérialistes cette année et s’intensifieront dans les semaines et mois à venir.

La libération de la Palestine n’est possible que dans le contexte d’un mouvement socialiste puissant et grandissant de la classe ouvrière internationale, y compris en Israël même. Cela créera les conditions nécessaires pour le renversement du chauvinisme sioniste et pour l’unité des travailleurs palestiniens et israéliens. La lutte contre la guerre à Gaza doit acquérir un caractère clairement anti-impérialiste et anticapitaliste et mobiliser la classe ouvrière dans une lutte pour le socialisme, à travers la Palestine et le Moyen-Orient, et au niveau international.

(Article paru d’abord en anglais le 14 octobre 2023)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/articles/…