Par Karine Bechet-Golovko

Le Premier ministre a déposé à l’Assemblée nationale un projet de loi pérennisant la gestion de l’urgence sanitaire. En soi, la formulation est surprenante, car soit il y a une urgence (et par définition elle ne peut être pérenne) qu’il est possible temporairement de traiter de manière exceptionnelle et proportionnée, soit il n’y a pas d’urgence et rien ne justifie la normalisation d’un régime d’exception. Mais il est vrai que le Covid est définitivement devenu un instrument de changement de notre société, ce que prévoit ce projet de loi avec une vision carcérale au quotidien, puisqu’il y aura toujours un virus actif : l’autorisation de circuler et de travailler n’est reconnue qu’aux personnes saines, le prouvant par un test et pouvant être conditionnée au vaccin. Ce n’est pas un mauvais roman SF, c’est la nouvelle normalité. Nos progressistes ne sont pas capables de nous proposer autre chose. Peut-être est-il temps de les aider à partir ?

Le 21 décembre 2021, le projet de loi n°3717 déposé par Premier ministre Jean Castex a été enregistré à l’Assemblée nationale. Selon son appellation même, il s’agit de rendre permanent le régime liberticide d’exception qui a été mis en place (et pas uniquement en France) grâce au Covid. Exposé des motifs :

« L’épidémie de covid‑19 a imposé l’élaboration en extrême urgence, en mars dernier, d’un cadre législatif permettant de faire face à la crise qu’elle a provoquée. Soucieux de réexaminer ce cadre dans un contexte moins contraint, le législateur a prévu dès l’origine sa caducité au 1er avril 2021. Bien que ce régime ait fait ses preuves, cette échéance n’a été remise en cause par aucune des trois lois de prorogation intervenues depuis lors. Elle a même été étendue aux systèmes d’information institués pour gérer la crise sanitaire par la loi du 11 mai 2020.

L’ambition du présent projet de loi est ainsi de substituer à ces dispositions, conçues dans des circonstances particulièrement contraintes et pour faire spécifiquement face à l’épidémie de covid‑19, un dispositif pérenne dotant les pouvoirs publics des moyens adaptés pour répondre à l’ensemble des situations sanitaires exceptionnelles.« 

L’avantage de l’argument sanitaire pour restreindre les libertés est qu’il y aura toujours un virus qui se promène. Donc, si volonté il y a, et nous voyons que cette volonté est robuste, nos gouvernants trouveront toujours un fondement pour « pérenniser » le contrôle et la limitation des libertés individuelles et publiques – qui renoncerait de lui-même à un pouvoir total et grisant ?

L’article 1er de ce projet de loi pose très clairement les règles du jeu. Il établit un double échelon, l’état de crise sanitaire et l’état d’urgence sanitaire. Le régime de la crise sanitaire étant tellement large, qu’il semblerait qu’une forte grippe soit suffisante pour le déclencher, sans même qu’il ne soit nécessaire que ce risque soit réalisé. Il est également possible après l’état d’urgence sanitaire. C’est un cycle sans fin. Je cite :

« L’état de crise sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités mentionnées à l’article 72‑3 de la Constitution en cas de menace ou de situation sanitaire grave aux fins de prévenir ou de limiter les conséquences de cette menace ou de cette situation. Il peut également être déclaré, à l’issue de l’état d’urgence sanitaire prévu à l’article L. 3131‑5, afin de mettre fin à la catastrophe sanitaire ou d’en réduire les conséquences sanitaires. »

Aucun critère concret de santé publique n’est donné, il est simplement déclaré par décret « motivé pris sur le rapport du ministre chargé de la santé« . Motivé, l’on aurait justement ici avoir un peu plus de précisions. Car les pouvoirs reconnus au Premier ministre dans les zones couvertes par l’état de crise sanitaire sont réellement hors du commun : réquisition des biens et des personnes, contrôle des prix, placer ou maintenir des personnes en isolement « afin de prévenir la propagation d’une infection ou d’une contamination« .

Si cela n’est pas suffisant, la Section II prévoit le mécanisme de l’état d’urgence sanitaire, dont les mécanismes prévus ne sont absolument plus compatibles avec le libéralisme, tant politique qu’économique, que nos sociétés occidentales revendiquent. Sans avoir plus de critères que dans le cas de la crise sanitaire, il peut être déclaré par décret en Conseil des ministres :

« sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités mentionnées à l’article 72‑3 de la Constitution en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population. »

Dans ce cas, les pouvoirs reconnus au Gouvernement sont absolument inacceptables au regard de notre civilisation, basée sur le respect de la liberté individuelle qui ne peut être restreinte que par exception et proportionnellement à la menace collective. Or, si pour un virus dont le taux de mortalité, même extrêmement gonflé, tourne autour de 1,5%, l’on voit une normalisation de l’ambiance carcérale, l’on peut imaginer ce qui pourra se passer à l’avenir. Ainsi, tout en continuant « l’optimisation » du service public de santé, conduisant à une baisse et de l’accès aux soins et de la qualité de ces soins, si l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le Gouvernement peut autoriser à se déplacer et à travailler les personnes sur un critère de « bonne santé », formalisé par un test ou … un vaccin. C’est la fin des libertés individuelles, de la liberté d’entreprendre aussi. Donc c’est la fin du libéralisme duquel notre société se revendique. Je cite le projet de loi :

« Art. L. 3131‑9. – Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, les pouvoirs prévus à l’article L. 3131‑4 sont applicables de plein droit.

« Le Premier ministre peut également, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, prendre aux seules fins de garantir la santé publique les mesures suivantes :

« 1° Réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules et réglementer l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage ;

« 2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;

« 3° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l’ouverture, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ;

« 4° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public ainsi que les réunions de toute nature, à l’exclusion de toute réglementation des conditions de présence ou d’accès aux locaux à usage d’habitation ; 

« 5° En tant que de besoin, prendre toute autre mesure limitant la liberté d’entreprendre.

« 6° Le Premier ministre peut, le cas échéant dans le cadre des mesures prévues aux 1° à 5°, subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif. « 

C’est le « Nouveau monde », avec son « Nouvel homme » l’Homo Covidicus, sain, stupide et apeuré, en tout cas tellement soumis qu’il perd toute son humanité.

Source : Russie politics
http://russiepolitics.blogspot.com/…