Par Alex Lantier

Depuis des semaines, Washington et ses alliés de l’OTAN attisent le risque de guerre mondiale avec la Russie, affirmant que l’OTAN doit se préparer à défendre l’Ukraine contre une invasion russe. Hier, dans un blâme étonnant adressé à l’OTAN, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a nié l’imminence d’une invasion russe et a demandé à l’OTAN de modérer sa rhétorique guerrière.

Hier matin, de hauts responsables ukrainiens ont déclaré à CNN qu’un appel entre Zelensky et Biden «ne s’est pas bien passé». Selon eux, Biden a affirmé «qu’une attaque russe pourrait être imminente, déclarant qu’une invasion était désormais pratiquement certaine», selon CNN. Zelensky, quant à lui, «a réaffirmé sa position selon laquelle la menace russe reste “dangereuse mais ambiguë” et qu’il n’est pas certain qu’une attaque aura lieu», rapporte CNN, qui a invité Biden à «calmer le jeu».

Le Conseil national de sécurité américain (NSC) a dans un premier temps démenti ce récit. «Des sources anonymes répandent des faussetés», a déclaré Emily Horne, porte-parole du NSC. «Le président Biden a déclaré qu’une réelle possibilité existe que les Russes envahissent l’Ukraine en février. Il l’a dit publiquement et nous avons lancé des avertissements à ce sujet depuis des mois. Les reportages sur quoi que ce soit de plus ou de différent sont complètement faux».

Zelensky a ensuite donné une conférence de presse, réitérant publiquement les déclarations que Horne avait nié avoir faites à Biden. Zelensky exhortait les chefs d’État de l’OTAN à cesser d’inciter à la panique en parlant d’une guerre imminente de l’OTAN avec la Russie au sujet de l’Ukraine. Il a déclaré: «J’ai commencé à parler aux dirigeants des pays et à leur expliquer que nous devons stabiliser l’économie. Ils disent “demain, c’est la guerre”. Cela signifie la panique».

«La possibilité d’une attaque existe, elle n’a pas disparu. Elle n’est pas moins grave qu’en 2021», a-t-il dit, ajoutant toutefois que «nous ne voyons pas une escalade plus grande que» l’année dernière, et qu’il prenait ce danger à bras le corps. «Nous sommes reconnaissants pour l’assistance, mais nous avons appris à vivre avec cela et à nous développer avec cela», a-t-il dit. «Nous avons appris à nous protéger, à nous défendre, et cela fait partie de nos vies». Compte tenu de la supériorité militaire écrasante de la Russie sur l’Ukraine, cette déclaration indique que Zelensky ne craint pas une invasion russe générale.

Zelensky a accepté une invitation de Poutine pour des entretiens: «Je n’ai peur d’aucun format de rencontre, bilatéral, OK, ce n’est pas un problème, je suis prêt… Je suis favorable à un dialogue sérieux».

De même, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a également écarté le risque d’une invasion russe. Il a dit: «Le nombre de troupes russes amassées le long de la frontière de l’Ukraine (…) est insuffisant pour une offensive de grande envergure sur toute la frontière ukrainienne. Également, certains indicateurs et systèmes militaires importants leur manquent pour mener une offensive de cette envergure.» Il conclut: «Nous pouvons dire 100 fois par jour que l’invasion est imminente, mais cela ne change rien à la situation sur le terrain».

La propagande de guerre de l’OTAN se révèle être un paquet de mensonges. Depuis des semaines, sous l’impulsion de Washington, les puissances de l’OTAN organisent des jeux de guerre et annoncent de nouveaux déploiements en Europe de l’Est. D’innombrables experts tels que le colonel Alexander Vindman de MSNBC, qui a participé à des discussions de haut niveau entre les États-Unis et l’Ukraine, ont affirmé que l’agression russe signifiait qu’une guerre de l’OTAN pour défendre l’Ukraine était pratiquement inévitable.

Affirmant que l’OTAN est «quasi verrouillée dans un plan d’action», Vindman a insisté sur le fait que l’Amérique devait se préparer à combattre la Russie: «Pourquoi est-ce important pour le public américain? C’est important parce que nous sommes sur le point d’avoir la plus grande guerre en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Il va y avoir un déploiement massif de la puissance aérienne, de l’artillerie à longue portée, des missiles de croisière, des choses que nous n’avons pas vu se dérouler dans le paysage européen depuis plus de 80 ans, et ce ne sera pas un environnement propre ou stérile».

Aujourd’hui, le régime ukrainien soutenu par les États-Unis indique lui-même clairement que les appels à la guerre lancés par l’OTAN ne reflètent pas les préparatifs russes en vue d’une invasion ou les demandes d’aide ukrainiennes. Il s’agissait plutôt d’une provocation concoctée par le gouvernement Biden et reprise par les puissances impérialistes européennes. L’agresseur n’était pas la Russie, mais l’OTAN.

Au-delà de leurs appétits géopolitiques en Eurasie, les puissances de l’OTAN répondent à la crise profonde provoquée par la pandémie, au cours de laquelle elles ont subi plus de 2 millions de décès dus au Covid-19. Face à une nouvelle vague massive de cas du variant Omicron, les puissances de l’OTAN s’apprêtent à supprimer les dernières mesures de santé publique qui limitent encore la circulation du virus. Alors que cette politique provoque des protestations croissantes à travers l’Amérique du Nord et l’Europe, les puissances de l’OTAN tentent de détourner les tensions de classe vers l’extérieur, dans une campagne de guerre totalement irresponsable avec la Russie.

La divulgation des mensonges de l’OTAN rend d’autant plus urgente la mobilisation indépendante de la classe ouvrière internationale contre le danger de guerre nucléaire.

C’est Washington, qui a soutenu le coup d’État d’extrême droite à Kiev qui a renversé le gouvernement ukrainien prorusse en 2014 et mis en place le régime actuel. Les USA n’abandonneront pas ses plans contre la Russie à cause de Zelensky. Dans la mesure où l’opposition populaire à la guerre en Ukraine et à l’échelle internationale devient un obstacle, Washington intensifiera ses complots d’extrême droite pour des guerres et des coups d’État.

Dans le même temps, de plus en plus de signes indiquent que le Kremlin, craignant l’encerclement militaire et l’étranglement financier par l’OTAN, envisage une action militaire. Il reçoit également un soutien affiché inhabituel de la part de la Chine, qui craint que Washington n’exerce des pressions similaires sur elle au sujet de Taïwan ou d’autres zones de conflit.

Dans une chronique de son ancien rédacteur, Hu Xijin, intitulée «Si les États-Unis provoquent la Chine ou la Russie, l’autre ne sera pas indifférent», le Global Times, un journal connu pour être proche de l’armée chinoise, a lancé un avertissement sans détour à Washington.

«Les États-Unis sont stratégiquement en train de presser la Chine et la Russie en même temps… Ils poussent la Chine et la Russie à riposter ensemble», a écrit Hu, ajoutant: «Mais lorsqu’il s’agit de résister à une attaque, on doit s’attendre à ce que la Russie ne soit pas seule. La plupart des Chinois la soutiendront et sont prêts à voir le gouvernement chinois aider la Russie dans ce domaine. Car nous savons bien que si la Russie se faite écraser par les États-Unis, cela n’apportera rien de bon à la Chine».

Le Kremlin réfléchit également à une réaction à l’ultimatum lancé cette semaine par le secrétaire d’État américain Anthony Blinken, exigeant que la Russie permette aux États voisins tels que l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie de rejoindre l’OTAN et d’accueillir des installations militaires de l’OTAN.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’est exprimé hier, indiquant clairement que Moscou envisage une réaction militaire. Il a déclaré: «Si le choix est laissé à la Russie, il n’y aura pas de guerre. Nous ne voulons pas la guerre. Mais nous ne permettrons pas non plus que nos intérêts soient grossièrement violés ou ignorés».

L’OTAN discute d’éventuelles sanctions et d’un blocage des exportations de gaz russe. Toutefois, Lavrov a ajouté: «En ce qui concerne la menace de sanctions, nous avons dit aux Américains, également au niveau présidentiel. (…) Si elles sont accompagnées d’un blocage complet des systèmes financiers et économiques contrôlés par l’Occident, cela équivaudra à une rupture des relations» avec la Russie. Il a déclaré que le Kremlin prendrait des mesures de rétorsion si cela se produisait: «Ces mesures peuvent être très différentes. Je prendrai des décisions sur la base des propositions que notre commandement militaire présentera».

La Russie organise déjà une mobilisation totale très inhabituelle de sa marine. Quelque 140 navires des quatre flottes russes — la flotte du Nord, la flotte de la mer Baltique, la flotte de la mer Noire et la flotte du Pacifique — participeront à des exercices dans les océans Arctique, Atlantique et Pacifique, ainsi que dans les mers Méditerranée et d’Okhotsk.

Ina Holst-Pedersen Kvam, de l’Académie navale royale de Norvège, soulève le fait que ces exercices visent probablement à sécuriser des étendues d’océan dans lesquelles les sous-marins russes lanceurs de missiles balistiques peuvent se cacher. Elle note: «C’est un fait que dans un conflit potentiel, ces sous-marins opéreront à partir de ce que l’on appelle des bastions sous la glace de l’océan Arctique, avec des sous-marins nucléaires d’attaque et d’autres forces qui servent de “gardiens” pour garantir la liberté opérationnelle de ces sous-marins».

Le but serait de menacer l’OTAN que la Russie a la capacité de lancer une frappe stratégique dévastatrice, oblitérant les États-Unis et ses alliés de l’OTAN dans une grêle de missiles balistiques nucléaires.

Le fait que de telles opérations se trouvent sans doute envisagées tant par l’OTAN que par la Russie et ses alliés témoigne de la crise mortelle du capitalisme mondial et du système des États-nations. Il est urgent d’alerter la classe ouvrière internationale du danger croissant de guerre et de la mobiliser dans un mouvement international contre la pandémie de Covid-19 et contre le danger d’une nouvelle guerre mondiale.

(Article paru d’abord en anglais le 29 janvier 2022)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

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