Par Fabrice Beaur

# EODE THINK TANK
LA DEUXIEME GUERRE DU HAUT-KARABAKH: COMBIEN DE PERTES CACHE BAKOU APRES LA GUERRE AU HAUT-KARABAKH ?

Fabrice BEAUR (EODE-ROSSIYA)

Pour EODE Think Tank/ 2021 06 06/

L’autre jour, la chaîne de télévision d’état turque TRT a publié de nouvelles données sur les pertes pendant la deuxième guerre du Haut-Karabakh. Comme par hasard, il a informé le public qu’Ankara avait envoyé des cadeaux aux familles de six mille « Shahid » (ainsi, dans la tradition du « califat », il est d’usage d’appeler les combattants tués pendant les hostilités).

Et tout ne serait rien si auparavant Bakou n’avait pas déclaré 2.900 morts. C’est-à-dire que le nombre turc est deux fois plus grand.

Immédiatement après la fin de la guerre, quand le président Aliyev a résumé ses propres résultats « triomphaux », nous avions noté que les chiffres sur les morts azerbaïdjanais étaient sérieusement sous-estimés. Et même 6.000 morts – ce n’est probablement pas une estimation réaliste non plus. En même temps, il faut bien l’avouer, Bakou parvient assez efficacement à cacher cette situation à sa propre population (de sérieuses questions se posent actuellement précisément parce que la chaîne turque l’a laissé filer).

LA QUESTION EST : POURQUOI ?

Nous connaissons au moins plusieurs facteurs qui permettent à Aliyev de dissimuler avec succès ses propres pertes. Il s’agit d’abord de la participation aux hostilités aux côtés de l’Azerbaïdjan de mercenaires terroristes étrangers, que la Turquie a envoyés depuis le Nord de la Syrie. Le nombre de mercenaires envoyés à la guerre du Haut-Karabkh varie de 3 à 5 000 personnes. Selon les récits des Syriens capturés, ce sont eux qui ont effectué le gros du travail de première ligne, sont allés à l’assaut et ont essuyé le plus gros barrage de tirs.

Leurs pertes, en elles-mêmes, étaient insensées. Peu importe ce qu’ils disent à Bakou sur l’Armée de défense d’Artsakh et sur les « Bayraktars » magiques – au début de la guerre, les combattants arméniens ont vraiment riposté de toutes leurs forces. Eh bien, essayez de prendre toute la zone fortifiée sous un feu de riposte dense de mitrailleuses et d’artillerie. Cela semble facile uniquement à partir d’enregistrements spécialement sélectionnés à partir des caméras de drones.

L’UTILISATION DE MERCENAIRES SYRIENS

L’utilisation de mercenaires syriens et la sous-estimation des pertes sont également confirmées par le fait que l’Azerbaïdjan a souvent refusé généralement de prendre les corps de « ses » propres soldats dans certains secteurs du front. Parce qu’ils ne sont pas des leurs. Les prendre, du point de vue de Bakou, n’avait aucun sens – il est plus facile de « perdre » les mercenaires là-bas, sur le champ de bataille, que de leur organiser de magnifiques funérailles à la maison. Bien sûr, ces mercenaires syriens ne sont pas entrés dans les statistiques.

Un autre facteur est les Talysh. La même ethnie à laquelle appartient l’humoriste récemment disgracié Idrak Mirzalizade. Il s’agit d’une partie plutôt pauvre et, dans l’ensemble, paysanne de la population azerbaïdjanaise, vivant dans les régions limitrophes de l’Artsakh (Haut-Karabakh). Les conscrits de Talysh, tout comme les militants syriens, ont été activement impliqués dans un travail de première ligne difficile. Leurs familles, pour la plupart peu éduquées, vivent dans des zones rurales, n’ont aucun représentant influent et indépendant dans la verticale azerbaïdjanaise du pouvoir. Ils n’organiseront certainement pas de rassemblements à Bakou. Problème facile à résoudre. Quelques cadeaux de Turquie et l’affaire est réglée.

Ainsi, Aliyev a réfléchi avec compétence à la question des pertes et de leur responsabilité avant même le début de la guerre. Des mercenaires syriens et leurs propres citoyens Talysh ont péri en masse, pour lesquels il n’était « pas nécessaire » de rendre des comptes à qui que ce soit. Soit dit en passant, l’absence presque totale de rapports des correspondants militaires civils du côté azerbaïdjanais n’est pas non plus une coïncidence. Seul le personnel militaire régulier avait accès aux vrais combats. Aliyev avait quelque chose à cacher.

Selon nos sources au Ministère de la Défense et dans les centres d’analyse d’autres structures de pouvoir, les pertes totales de l’Azerbaïdjan vont de 7 à 10.000 morts. Plus de la moitié d’entre eux sont des mercenaires syriens et des conscrits de Talysh. On peut se moquer autant que l’on veut de l’opération « Hellish Gorge », qui a été menée par l’Armée de défense de l’Artsakh au cours des deux dernières semaines de la guerre dans le sud, mais il y avait un travail d’artillerie si dense qu’il est impossible de croire au conte de fées sur les 2.900 soldats azerbaïdjanais morts.

La guerre a duré 44 jours, mais au cours des dernières 24 heures seulement, environ 300 Azerbaïdjanais ont été tués près de Shushi. De plus, dans ces zones, l’offensive a été relativement réussie pour Bakou. Que dire alors des autres directions – dans le nord de l’Artsakh, par exemple, ou près de Martuni, où les attaques se sont noyées et ont échoué ?

Le peuple azerbaïdjanais n’a pas encore appris à quel prix il a payé les résultats de cette guerre.

Par Fabrice BEAUR, avec wargonzo (https://t.me/wargonzo).

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Source : Luc Michel