Le président israélien Isaac Herzog signe un obus près de la frontière de la bande de Gaza.
Photo : Haim Tzach / GPO

Par Gideon Levy

 Gideon Levy, Haaretz, 28/1/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Isaac Herzog, Yoav Gallant, Israel Katz : le président, le ministre de la Défense et le ministre des affaires étrangères d’Israël. La présidente de la Cour internationale de justice de La Haye, Joan Donoghue, a choisi de les citer tous les trois comme suspects d’incitation au génocide en Israël.

La juge n’a pas cité les franges de l’extrême droite, ni Itamar Ben-Gvir, ni Eyal Golan, ni les généraux à la retraite Giora Eiland (laissons les épidémies se propager à Gaza), ni Yair Golan, l’homme de paix et le diagnosticien des processus (laissons Gaza mourir de faim).

La troisième des mesures provisoires émises par la cour vendredi, signée par l’ancien président de la Cour suprême israélienne Aharon Barak, juge ad hoc d’Israël dans cette affaire, ordonne à Israël de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique au génocide des Palestiniens de la bande de Gaza.

Il semblerait qu’Israël doive maintenant enquêter, et éventuellement punir, son président et ses deux ministres les plus importants, et ils auraient dû être convoqués par la police dès dimanche matin. Israël ne le fera pas, bien sûr, mais il est impossible d’ignorer les soupçons soulevés par la cour concernant le cœur même d’Israël.

L’arrêt de la CIJ est un chef-d’œuvre de prudence et de modération. Il n’y a qu’en Israël, qui se trompe lui-même et nie jusqu’à l’égarement, que l’on peut « pousser un soupir de soulagement » et même « se réjouir » dans la foulée. Un État qui fait l’objet d’un procès pour génocide devant le tribunal des Nations unies devrait avoir honte et pas se réjouir.

Un État dont le président et les principaux ministres sont soupçonnés d’incitation au génocide devrait faire amende honorable, et non s’émerveiller de sa propre réussite imaginaire. Chaque Israélien aurait dû se tortiller sur son siège vendredi du simple fait du procès, et ressentir un profond sentiment de honte et d’humiliation en entendant les explications de la décision.

Un char israélien prend position à l’entrée ouest du camp de réfugiés de Khan Younès alors que les Palestiniens fuient avec quelques effets personnels vers des zones plus sûres plus au sud dans la bande de Gaza, jeudi. Photo :  AFP

Il y a peut-être des Israéliens qui ont entendu pour la première fois ce que leur pays a fait et continue de faire à Gaza dans cette guerre. Cette fois, même ses médias propagandistes – qui les avaient protégés jusqu’à présent avec un dévouement infini, sans rien leur montrer – n’ont pas pu se précipiter à leur secours.

Il est un peu plus difficile d’accuser ce tribunal d’antisémitisme maintenant, vu qu’il n’a pas ordonné à Israël d’arrêter la guerre. Cela n’a pas dérangé la correspondante diplomatique de Channel 13 News.

Moriah Asraf Wolberg, portant un collier avec un pendentif en forme d’Israël incluant la Cisjordanie, n’a pas cédé aux antisémites de La Haye : elle a continué à réciter le mantra selon lequel le tribunal est hypocrite, le monde est hypocrite et Israël mène la guerre la plus juste et la plus morale au monde. Quiconque veut croire cela, même après l’ordonnance du tribunal de La Haye, peut le faire : on peut croire n’importe quelle fiction.

Une maison détruite lors d’une frappe israélienne meurtrière en janvier. On peut y lire : « Enfants restés sous les décombres : Oman, Abdullah et Massa ». Photo : Mohammed Salem / Reuters

Mais avant tout, nous devons prêter attention à la sagesse de la Cour, qui s’est concentrée sur le courant principal d’Israël, et non sur ses franges. Herzog, ancien président du parti travailliste et homme d’État le plus fédérateur d’Israël, Gallant, dont le licenciement a été physiquement empêché par les protestations du centre-gauche, et Katz, qui, bien qu’il ait appelé samedi à poursuivre le commissaire général de l’agence pour les réfugiés UNRWA (!), est considéré comme relativement modéré.

Ils sont les principaux suspects dans l’incitation au génocide. L’incitation au génocide du peuple palestinien a peut-être été inventée par Meir Kahane, mais elle est déjà presque du domaine public.

Dans l’Israël de l’après-7 octobre, la réaction appropriée à la punition de Gaza est la suivante : « C’est toute u »e nation qui est responsable », selon les mots du président qui signe les obus ; « J’ai relâché toute retenue. Nous combattons des animaux humains », a déclaré le ministre de la Défense – lorsqu’il était à la tête du commandement sud des FDI, il aimait appeler à couper « la tête du serpent » – ou encore : « Ils ne recevront pas une goutte d’eau ni une seule pile », a menacé le 13 octobre le premier diplomate israélien, le ministre des Affaires étrangères Katz, alors qu’il était ministre de l’énergie.

Les juges de La Haye ont parfaitement diagnostiqué ce que nous refusons d’admettre ici : le problème d’Israël est son courant dominant, et non ses franges lunatiques. C’est le courant dominant qui nous a amenés à La Haye, c’est le courant dominant qui a incité au génocide, après qu’Israël se soit convaincu avec une facilité incroyable qu’après le 7 octobre, tout était permis. Heureusement, à La Haye, on semble penser différemment, très différemment.

Source : TLAXCALA
https://tlaxcala-int.blogspot.com/…

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